Janvier 1996 - n°4

L'INSTITUT POUR LA RECHERCHE SUR LA MOELLE EPINIERE (IRME) - L'ESPOIR DE VAINCRE LA FATALITÉ DU FAUTEUIL ROULANT

On déplore chaque année en France environ 2000 traumatismes du Rachis avec atteinte de la moelle épinière entraînant Paraplégie ou Tétraplégie, dûs pour la moitié aux accidents de la route. Notre pays compte plus de 35000 personnes paraplégiques ou tétraplégiques (55% d'entre elles ont moins de 25 ans). Il y a quelques années encore, les lésions de la moelle épinière apparaissaient comme irréversibles. C'est pour tenter de remédier à cette fatalité que Monsieur Jean DELOURME a créé en 1984 l'Institut pour la Recherche sur la Moelle Epinière. L'IRME est, pour une large part, à l'origine des résultats déjà acquis et des espoirs qui en sont la conséquence.

Tous les efforts (rééducation, développement des aides techniques) mis en oeuvre pour améliorer le quotidien des personnes handicapées, ne sont que palliatifs. Il faut avoir recours à la Recherche Fondamentale pour espérer trouver des traitements curatifs à la paralysie.

Les actions de l'IRME en matière de recherche

L'IRME assure le soutien et la coordination des travaux d'équipes appartenant au CNRS, à l'INSERM ou aux Universités sur l'ensemble du territoire. Les unes se consacrent à la recherche fondamentale sur la moelle épinière (anatomie, physiologie, perturbation résultant de ses lésions). D'autres étudient le devenir des lésions elles-mêmes et la pharmacologie de futurs médicaments, susceptibles de limiter l'importance des lésions, voire de les guérir.

La recherche s'articule autour de 4 axes :

1) Prévenir les lésions secondaires à un traumatisme.

Le traumatisme, par lui même, entraîne des lésions immédiates (mort de cellules nerveuses, section ou écrasement de certains prolongements nerveux - les axones - qui permettent la propagation des messages). Mais il est rare que la moelle épinière soit complètement sectionnée. Par contre des lésions secondaires se produisent dans les heures et les jours qui suivent le traumatisme. En effet, des substances toxiques se répandent dans la moelle et détruisent le tissu médullaire, qui avait été épargné par la lésion primitive. Il faut donc limiter l'extension des lésions immédiates dont sont atteints les accidentés victimes d'un traumatisme de la moelle épinière. Une équipe de l'IRME a contribué à mettre au point une série de molécules susceptibles de bloquer ces phénomènes toxiques (des expériences chez le rat ont montré l'efficacité de ces molécules sur un modèle de lésion médullaire).

2) Supprimer les obstacles à la repousse axonale.

Une cellule nerveuse, dont le prolongement -l'axone- a été sectionné, peut le faire régénérer. Mais le tissu lésé dans lequel il doit repousser est source d'obstacles à cette régénération. L' un de ces obstacles est constitué par la prolifération de cellules de soutien, appelées cellules gliales, qui forment la cicatrice gliale. L' apparition d'astrocytes réactifs possédant de nombreux prolongements, qui vont envelopper les structures neuronales, joue un rôle important dans la formation de cette cicatrice.

D' autres éléments, tels que les cytokines, interviennent également.

Trois types de traitements potentiels ont été entrepris expérimentalement : les rayons X, un oxystérol et un essai de thérapie génique. Les résultats sont encourageants mais nécessitent d'autres expériences avant de savoir si ces traitements sont applicables à l'homme.

Un autre composant du tissu glial aurait une action inhibitrice sur l'élongation axonale en secrétant une protéine : l'adjonction d'anti-corps spécifiques permet de lever en partie cette inhibition.

3) Stimuler la repousse axonale.

Bien que les résultats décrits précédemment montrent qu'il est possible de limiter le développement de la cicatrice gliale et permettre ainsi une réinnervation d'un site lésé, il semble que les axones ne possèdent qu'une capacité de croissance limitée, d'où la nécessité de développer d'autres approches. L'une d'entre elles vise à stimuler la croissance des axones existant (facteurs neurotrophiques, greffes de cellules de Schwann). Constituant majoritaire de l'environnement du nerf périphérique, la cellule de Schwann produit de nombreux facteurs qui favorisent l'élongation axonale. L'adjonction de ces cellules au sein d'une lésion médullaire diminue la cicatrice gliale et favorise la repousse axonale. Celle-ci peut-être augmentée par l'adjonction de facteurs de croissance. De nombreuses molécules ont prouvé leur pouvoir d'augmenter la croissance et la survie des neurones moteurs. Actuellement, les chercheurs essaient de trouver le moyen de faire parvenir ces facteurs au site de la lésion par une injection directe afin de permettre une action ciblée.

4) Greffer des neurones pour suppléer les systèmes détruits.

L'implantation de moelle épinière d'origine foetale au niveau d'une lésion permettrait la réinnervation de celle-ci et on observe une récupération partielle de la fonction locomotrice chez les animaux greffés (sans doute développement de réinnervations compensatoires).

Bien sûr, la recherche pour réparer une lésion médullaire en est toujours au stade d'expérimentation sur des cultures cellulaires ou sur des animaux, mais les stratégies élaborées semblent être les bonnes (réduire la cicatrice gliale, promouvoir la repousse axonale, soit par des greffes de cellules, soit par des implants de nerf périphérique, augmenter cette repousse grâce à des facteurs de croissance, apporter ces facteurs au sein même des motoneurones par la thérapie génique, étudier à l'échelon moléculaire les interactions cellulaires. Tels sont les travaux de recherche coordonnés par l'IRME).

Une action de terrain

L'IRME s'efforce également, en liaison avec une trentaine de centres de neurochirurgie et de traumatologie, et en collaboration active avec le SAMU, de mener une action de terrain avec le but, à terme, de donner les premiers soins, de limiter les lésions initiales et de faire profiter sans délai des progrès thérapeutiques éventuels, à mesure de leur apparition.

Sous l'égide de l'IRME, un réseau européen s'est constitué et a élaboré un protocole type de prise en charge des traumatisés médullaires en France, Belgique et Suisse. Les objectifs de ce protocole sont:

- d'améliorer la coordination de la prise en charge des traumatisés médullaires

- de diminuer le temps de latence entre l'accident et l'arrivée dans un centre spécialisé d'une part, et d'autre part entre le geste thérapeutique d'urgence et le début de la rééducation

- de permettre, lorsqu'il est nécessaire, un geste chirurgical ou orthopédique précoce

- de permettre la mise en oeuvre contrôlée d'un traitement médical spécifique et son évaluation selon des critères rigoureux

Les ressources de l'IRME proviennent entièrement de Mécénats d'Entreprises ou de dons privés. La Donation Groupe ANDRE soutient l'IRME depuis le début. Grâce au Téléthon, l'IRME reçoit chaque année des dons de l'AFM. L'IRME bénéficie également du soutien du LIONS CLUB dans de nombreuses villes de France. L'IRME est d'autre part habilité à recevoir des legs.

Une structure administrative légère assure un fonctionnement souple. S'appuyant sur des équipes reconnues, soutenues dans leur équipement et leur fonctionnement par l'Université ou les grands organismes de recherche (CNRS/INSERM), l'IRME mène une action particulièrement efficace, puisqu'elle s'applique directement et intégralement à la Recherche.

Les Recherches de l'IRME ont déjà mené à des résultats encourageants, qui sont soit déjà utilisables en clinique ou qui permettent d'avancer dans la recherche fondamentale. Ces résultats renforcent l'espoir de parvenir un jour à restaurer une moelle épinière lésée et d'améliorer ainsi l'état des nombreuses victimes de ces lésions.

 

La Moelle épinière

Elle peut être comparée à une sorte de câble électrique contenant des fils, les neurones moteurs qui commandent les muscles, et les neurones sensitifs qui transmettent la sensibilité. Un choc violent, tel qu'on peut en recevoir lors d'un accident de la route, peut entraîner un déplacement des vertèbres, qui va provoquer un écrasement ou un cisaillement de la moelle. La conséquence est l'interruption de la conduction nerveuse vers les membres. Les muscles sont paralysés, parce qu'ils ne reçoivent plus d'ordres du cerveau. Selon la hauteur de la lésion, il y a paraplégie (paralysie des jambes) ou tétraplégie (paralysie des quatre membres).

 

B BOUILLARD