Mars 1998 - n°26

HOTTES DE FILTRATION CHIMIQUE

Les moyens classiques de protection contre les vapeurs de produits chimiques sont les sorbonnes ou hottes chimiques.
Leur principe est simple, la manipulation se fait dans une hotte reliée à un ventilateur par une gaine ; les vapeurs, fumées ou particules sont rejetées à l'extérieur, généralement en toiture.
Des "boas" sont également utilisés, il s'agit de petites cheminées mobiles reliées par une gaine souple à un système d'extraction.

Les enceintes pour toxiques à recirculation d'air filtré (ETRAF) présentent une alternative intéressante à ces moyens de protection.
Les ETRAF sont destinées à protéger l'utilisateur et l'environnement de produits dangereux (ou simplement malodorants).
Ces produits sont généralement des produits chimiques sous formes de vapeurs, fumées ou particules.
Ces enceintes ne doivent êtres en aucun cas utilisées pour se protéger de contaminations biologiques.
Leur principe repose sur la capacité du charbon actif (traité de manière adéquate) à fixer des produits chimiques contenus dans l'air.
L'air ainsi filtré et purifié peut être rejeté dans le laboratoire (ou éventuellement, dans des cas particuliers, à l'extérieur).

Le charbon actif :
Le charbon actif est généralement fabriqué à partir de coques de noix de coco carbonisées.
Cette matière produit un charbon à structure granulaire forte réduisant la formation de poussière.
Après carbonisation, le charbon est "activé" par traitement à la vapeur d'eau surchauffée à 800 - 1000°C.
Cette opération a pour résultat d'augmenter de façon très importante la porosité du charbon. Cette porosité permet d'obtenir une surface spécifique de 1200 m2/g environ et donc d'offrir aux produits chimiques une surface de contact très importante.
Les molécules vont se fixer sur le charbon par principe d'adsorption; l'adsorption se fait essentiellement par des liaisons chimiques de type Van der Walls.
De cette manière, les produits dont la masse moléculaire est supérieure à 30 et le point d'ébullition est supérieur à 60°C sont adsorbés sur le charbon actif.
Ce charbon standard retient la grande majorité des composés organiques mais ne peut convenir pour la totalité des produits manipulés dans les laboratoires.Le charbon actif peut également être imprégné d'un réactif afin d'augmenter l'adsorption de certaines molécules.

Cette imprégnation agit par :
1 - Conversion du gaz en un autre composé plus facilement adsorbé ou qui n'est plus dangereux
2 - Combinaison chimique avec le gaz
3 - Activité catalytique, le produit va réagir avec l'air (oxydation), ou avec lui même (polymérisation) pour produire un composé plus facilement adsorbé ou qui n'est plus dangereux

Exemples d'imprégnations :
Imprégnation. Produits traités. Mode d'action.
Potassium iodure. Hydrogène sulfuré. 1-2-3.
Sodium hydroxyde. Acides. 2.
Potassium iodure ou sulfure. Mercure. 2.

Il existe ainsi une dizaine de traitements pour le charbon actif lui permettant de d'élargir son spectre d'applications à un grand nombre de produits.
Si des filtres de grande capacité sont utilisés, il sera possible de mélanger différents types de charbons afin d'élargir le nombre de produits manipulables sous une même enceinte.
L'utilisateur devra donc s'assurer que le filtre utilisé est adapté aux produits qu'il souhaite manipuler.
La capacité d'adsorption d'un produit par un type de charbon actif peut être exprimée en pourcentage de la masse de produit retenu par unité de masse de charbon actif.
Pour un produit couramment pris en référence, le tétra chlorure de carbone, le charbon standard a une capacité d'adsorption de 60 à 65 %. Par exemple, pour une enceinte équipée de filtres de 32 kg, 19 kg environ de tétra chlorure de carbone pourront être adsorbés.

L'utilisateur devra estimer la quantité de produits évaporés lors des manipulations et s'assurer que les filtres auront une durée de vie suffisamment longue (entre 6 et 18 mois).

La capacité d'adsorption pour un produit dépend notamment de la température, de l'hygrométrie et du temps de contact.

L'augmentation de température diminue la capacité d'adsorption et peut même provoquer une désorption c'est à dire une libération du produit adsorbé.
D'une manière générale, les manipulation ne doivent pas libérer de vapeurs à díune température supérieure à 40°C au niveau des filtres.

La vapeur d'eau diminue de façon importante la capacité d'adsorption des produits. Elle est facilement adsorbée et limite l'adsorption des autres produits.
Une humidité relative inférieure à 60 % est préconisée.
L'utilisation de bain-marie est donc fortement déconseillée à cause de l'addition des facteurs température et humidité.

La capacité d'adsorption sera d'autant plus importante que le temps de contact de l'air à traiter avec le charbon actif sera important.

Pour obtenir un temps de contact convenable, il faut utiliser des filtres d'une surface et d'une épaisseur élevées, donc d'une masse de charbon actif importante.

La rétention d'un charbon actif est sa capacité à résister à la désorption (relargage) d'un produit adsorbé.
Cette désorption peut se produire quand le charbon est sursaturé, il relâchera les substances adsorbées en excès lorsqu'il sera en contact avec l'air ou que la température ou l'hygrométrie varieront.
Le cas particulier de la vapeur d'eau est intéressant.
Le charbon a une capacité d'adsorption importante pour la vapeur d'eau mais sa rétention est pratiquement nulle.
En d'autres termes, le charbon actif peut fixer des quantités importantes de vapeur d'eau d'un air particulièrement humide mais le passage d'un courant d'air plus sec provoquera le départ de l'eau adsorbée. La vapeur d'eau ne sature que momentanément un filtre.

La saturation d'un filtre charbon actif par un produit peut se mesurer par un détecteur électronique sensible aux composés organiques. Ce système a l'avantage d'offrir un contrôle continu de l'efficacité du filtre charbon actif.

Pour les composés non détectés par ce système, des mesures par un prélèvement d'air à la sortie des filtres charbon actif à l'aide de tubes colorimétriques spécifiques aux produits manipulés permettront de mesurer l'apparition de traces de contaminants.

Les filtres saturés devront êtres éliminés comme des déchets chimiques par des services spécialisés.

La préfiltration :
Le filtre charbon actif ne fixe pas les particules. Il est protégé à cet effet par un préfiltre qui est souvent constitué d'un fin matelas (10 mm env.) de fibres non tissées hydrophobes à propriétés électrostatiques.
Il doit être changé plus fréquemment que le filtre charbon car son colmatage augmente la perte de charge et donc diminue le débit et la vitesse du flux d'air en façade.
Une enceinte équipée d'un anémomètre et d'un contrôle permanent par microprocesseur permettra de réguler la vitesse du motoventilateur afin de garantir une vitesse de flux d'air en façade entre 0,4 - 0,6 m/s et de prévenir en cas de colmatage trop important du préfiltre.

En résumé, quelques conseils pratiques sont à retenir pour utiliser en toute sécurité une enceinte pour toxiques à recirculation d'air filtré :

- S'assurer que le filtre utilisé est adapté aux produits manipulés
- Éviter d'utiliser des sources de chaleur importantes ou de travailler à une hygrométrie élevée, à fortiori avec un bain marie.
- Contrôler régulièrement l'efficacité du filtre par un système permanent de mesure électronique ou par le prélèvement de l'air filtré sur tube colorimétrique.
- Ne pas travailler avec les panneaux de façade ouverts et donc avec une vitesse de flux d'air insuffisante.
- Contrôler la vitesse du flux d'air et le colmatage des préfiltres, changer régulièrement les préfiltres.

Olivier BÉRARD

ELVETEC SERVICES