Mai 2000 - n°48

Le dépistage de l'ESB sur la base de l'anticorps 6H4

AES Laboratoire

M. Michel BUTIN, Responsable Division Industrie

Tel : 02.99.73.11.55 / Fax : 02.99.73.15.89

E-mail : aes@aeslaboratoire.com / Web : http://www.aeslaboratoire.com

Le test de dépistage de l'ESB, décrit ci-après, est un immunotest permettant de détecter la maladie de la vache folle à partir de tissu provenant du cerveau. Il s'agit d'un test de type " Western Blot " sur la base de l'anticorps 6H4 mis au point et breveté par la société suisse Prionics, test distribué par AES Laboratoire, qui a pris une participation dans la société zurichoise et, à terme, fabriquera le test.

Aussi fiable que les autres méthodes de référence connues, mais beaucoup plus rapide et plus simple, ce test est en mesure de révéler la présence de prions PrPSc - protéine spécifique de la maladie - avant que l'animal ne présente les symptômes de la pathologie.

Le résultat est disponible dans les sept à huit heures suivant l'arrivée du prélèvement au laboratoire.

Quelques rappels

Les maladies dues aux prions sont des maladies contagieuses du cerveau, transmissibles aux animaux et aux êtres humains. La maladie porte des noms différents en fonction des différents types de prions pathogènes existants :

- chez les êtres humains : CJD (maladie de Creutzfeldt-Jakob)

- chez les bovins : ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine)

- chez les moutons : scrapie

- chez le gibier : CWD (Chronic Wasting Disease).

Le terme général utilisé aujourd'hui est l'abréviation EST (Encéphalopathie Spongiforme Transmissible).

Le prion est un type d'agent pathogène, récemment découvert et différent sur bien des points des bactéries et des virus connus jusqu'alors. Les prions sont extrêmement résistants à la chaleur et aux produits chimiques. Même une température de 100°C n'est pas en mesure de les inactiver suffisamment et les nombreux désinfectants n'ont pratiquement aucun effet. Les prions sont également difficilement biodégradables. Dans la terre, ils sont en mesure de survivre plusieurs années.

L'EST est transmissible à plusieurs espèces et se caractérise par une dégénérescence lente du système nerveux central entraînant une mort inévitable. Entre le moment de l'infection proprement dite et l'apparition des premiers symptômes cliniques, il se passe généralement entre 3 et 4 ans chez le mouton, entre 20 mois et 15 ans chez les bovins et plus de 10 ans chez l'homme.

Le premier risque médical pour l'homme provient des bovins atteints d'ESB et ayant été introduits dans la chaîne alimentaire. Les connaissances actuelles permettent de penser que le risque de transmission à l'homme augmente en fonction du degré d'infection du bovin. C'est pourquoi l'objectif de toute prévention doit être d'éliminer de la chaîne alimentaire tous les animaux gravement infectés.

La clinique de l'ESB

Après l'infection d'un bovin par les prions, la durée d'incubation explique que les produits provenant d'animaux atteints, mais ne présentant pas encore de symptômes (baisse de production de lait, tremblements, caractère craintif...), peuvent entrer dans la chaîne alimentaire.

Malgré les recherches intensives effectuées durant de nombreuses années dans le secteur des maladies dues aux prions, nombre de questions concernant le déroulement de l'infection et de la maladie n'ont toujours pas trouvé de réponses.

Une chose est certaine : les agents pathogènes que sont les prions, après avoir atteint le cerveau, s'y propagent et provoquent progressivement des troubles menant inévitablement à la mort.

Des petits trous, de plus en plus nombreux avec l'évolution de la maladie, se forment dans certaines régions du cerveau tandis que, parallèlement à ces modifications spongieuses, se constituent des dépôts du prion spécifique à la pathologie, visibles au microscope par coloration...

Au cœur de ce processus, a été détectée une protéine, n'apparaissant que dans les maladies dues aux prions. Cette protéine, " le prion de scrapie " (PrPSc ou PrPBS quand il s'agit de l'ESB), est une forme transformée des protéines de prions PrPC, se trouvant normalement dans le corps.

De la protéine normale à celle responsable de la maladie

Les deux protéines, celle spécifique de la maladie (la PrPSc) et la protéine normale (PrPC), se différencient tout d'abord par leurs structures spaciales.

Une seconde différence consiste dans le fait que la PrPSc résiste à la dégradation des enzymes de digestion (les enzymes de digestion étant des protéines digérant la nourriture de l'estomac de l'homme), tandis que la PrPC est entièrement détruite par ces enzymes de digestion.

Les nombreuses études scientifiques en sont arrivées à la conclusion que la PrPSc fait partie intégrante de l'agent pathogène des maladies dues aux prions. On va même jusqu'à penser qu'elle pourrait représenter l'agent pathogène dans son ensemble.

Dans cette théorie, la PrPSc, pénétrant dans le corps lors d'une infection, provoque une transformation du PrPC en PrPSc. Le nouveau prion PrPSc peut à son tour transformer un plus grand nombre de PrPC en PrPSc. Ce processus déclenche ainsi une réaction en chaîne fatale, au cours de laquelle la production de PrPSc augmente de façon exponentielle et les dépôts de PrPSc endommagent irréversiblement le cerveau.

Au cours de la maladie, la quantité de PrPSc dans le corps augmente ; une augmentation à mettre en corrélation avec la croissante du degré d'infection

Le principe du test de dépistage de l'ESB, sur la base de l'anticorps 6H4

La détection du prion, protéine responsable de la maladie, dans le tissu d'animaux correspond toujours à une contamination et peut donc être considérée, dans le cadre du test de diagnostic, comme un indicateur fiable quant à cette contamination.

D'après les connaissances actuelles en la matière, l'infection se propage dans le cerveau six mois avant l'apparition de symptômes cliniques et peut déjà être dépistée durant cette période d'incubation.

Pour détecter rapidement cette infection par identification du prion pathogène, a été mis au point un anticorps monoclonal qui surpasse de loin, dans sa spécificité et sa sensibilité, tous les autres anticorps connus jusqu'à lors. Cet anticorps 6H4, breveté et utilisé dans le test Prionics, reconnaît aussi bien un prion normal qu'un prion spécifique de la maladie. C'est pourquoi le test de diagnostic se fait en deux étapes. La première consiste à séparer le prion normal du pathogène, afin de ne conserver que ce dernier dans le prélèvement à analyser.

Pour ce faire, est pris en compte le fait que le prion spécifique de la maladie résiste relativement bien aux enzymes de digestion tandis que le prion normal est entièrement dégradable.

Ainsi, lors de la première étape, le prélèvement de tissu homogénéisé est traité avec un mélange optimisé de réactifs (enzyme de digestion, réactif tampon) ; ce qui permet la décomposition du prion normal (PrPC) tandis que seule une partie minime du prion spécifique de la maladie (PrPSc) est conservée.

La détection des fragments PrPSc restants est, ensuite, réalisée par la méthode dite d'" immunoblotting " : test immunologique de type " Western Blot "...

Déroulement du procédé d'immunoblotting

1/ Séparation par électrophorèse par gel

La technique d'électrophorèse par gel est utilisée dans le test de dépistage de l'ESB.

Le prélèvement, préalablement traité par les enzymes de digestion, est déposé sur un support de réactifs gélifié. Sous l'effet d'un champ électrique, la séparation des protéines s'opère alors en fonction de leur taille ; les petites migrant plus vite que les grosses.

Après un certain temps, les fragments du prion normal " digéré " sont décomposés et sortent du gel, tandis que le fragment résistant du PrPSc se trouve dans la partie inférieure du gel (cf figure 4).

Soulignons, à ce titre, que les molécules de prions non préalablement " digérées " - qu'elles soient normales ou pathologiques - migrent elles aussi sur le gel.

Représentées par un même " blot ", elles sont indissociables l'une de l'autre et ne permettent pas de distinguer les deux types de prions ; mais, leur vitesse de migration commune est bien différente, en revanche, de celle caractéristique des fragments PrPSc traités par les enzymes de digestion..., d'où, au final, l'isolement des PrPSc avec la certitude d'éviter les faux-positifs, grâce à la visualisation du " blot " des fragments non digérés.

2/ Transfert de la protéine sur une membrane

Après avoir procédé à la séparation de la protéine, le gel est mis sur une membrane et la protéine y est alors transférée à sa surface par le biais d'un champ électrique.

3/ Dépistage immunologique

Les molécules PrP se trouvant à la surface de la membrane peuvent à présent être dépistées à l'aide d'anticorps. Pour ce faire, l'on combine tout d'abord les anticorps aux protéines, puis les couplons à des enzymes spéciales qui, après adduction de réactifs chimiques spécifiques, émettent une lumière sur la membrane, là où se trouvent les protéines PrP..

Cette lumière peut être mesurée sous forme de signal à l'aide d'appareils analytiques appropriés.

Résultats

L'évaluation du test par la Commission Européenne et l'Office Vétérinaire Suisse a permis de quantifier ses excellents résultats : 100 % spécifique et 100 % sélectif ; zéro faux-positif et zéro faux-négatif, et ceci, contrairement aux autres méthodes testées, avec une précision maximale sans répétition.

Un diagnostic confirmant l'ESB, établi à l'aide du test, n'est donc pas uniquement un indice, mais il s'impose également comme un véritable dépistage biochimique attestant la présence d'une maladie due aux prions.

Précision, robustesse, fiabilité, simplicité d'utilisation... le test de dépistage de l'ESB sur la base de l'anticorps 6H4 a d'ores et déjà fait ses preuves ; et, s'il n'en fallait citer qu'un, son plus grand atout s'imposerait sans nul doute dans son utilisation en routine, depuis plus d'un an, en Suisse.