Septembre - n°50

La technique PCR
Organisation du Laboratoire : équipements, coûts, contraintes

Par Bruno CHEVALLIER, ADIAGENE
Tel : 02.96.68.40.20 / Fax : 02.96.68.37.93 / E-mail : adiagene@adiagene.fr

I/ Les objectifs d'une organisation rigoureuse du laboratoire pour la technique PCR

* LA QUALITE DES ANALYSES

Eviter les résultats faussement positifs

La gestion journalière d'un grand nombre d'échantillons et la grande sensibilité de la technique PCR peuvent, en l'absence de précaution, générer des résultats faussement positifs par contamination. Il existe trois types de contamination :

- La contamination inter-échantillons pré-PCR, c'est-à-dire la contamination d'un échantillon négatif par un échantillon positif avant l'amplification PCR (lors du prélèvement, de l'échantillonnage, de l'extraction d'ADN).

- La contamination des réactifs ou des échantillons avec de l'ADN amplifié provenant d'amplifications précédentes.

- La contamination inter-échantillons post-PCR est possible lors de la détection des produits amplifiés. Un échantillon positif contient au moins 1010 molécules d'ADN par µl, il est donc important de bien faire attention lors des pipetages pour ne pas contaminer les tubes entre eux.

* Pour éviter ces problèmes de contamination, il faut veiller à la parfaite séparation des étapes de l'analyse PCR et des échantillons entre eux. Les manipulations pré-PCR et post-PCR devront donc être réalisées dans des pièces séparées.

* Un échantillon négatif devra être traité exactement comme les autres échantillons. Ce témoin permettra de détecter une contamination éventuelle des différents réactifs entrant dans la composition de l'essai PCR.

* La contamination par de l'ADN précédemment amplifié représente le principal risque.

Différentes méthodes préventives chimiques ou enzymatiques ont donc été développées (Isopsoralen, Uracyl N-glycosylase) afin de compléter le système de cloisonnement des étapes PCR dans le laboratoire.

Eviter les résultats faussement négatifs

La PCR est un ensemble de réactions complexes relativement fragiles. Elle peut facilement être perturbée par de nombreux composés présents dans les échantillons testés (inhibition de la réaction PCR), par la détérioration d'un réactif, par le dysfonctionnement du thermocycleur ou du système de révélation. Dans ces conditions, un échantillon positif ne donnera pas de signal PCR.

* Pour éviter ces problèmes, il faudra contrôler régulièrement le matériel et les procédures d'analyses.

* Il faudra aussi utiliser des témoins positifs à chaque analyse, notamment un système de contrôle interne d'amplification permettant de valider indépendamment l'ensemble de la réaction PCR pour chaque échantillon.

* OPTIMISER L'INSTALLATION EN FONCTION DU VOLUME D'ANALYSES REALISEES

L'installation réalisée dans le laboratoire pour acccueillir la technologie PCR doit donc permettre d'apporter toutes les garanties pour le résultat de l'analyse. Cependant, les investissements effectués en matériel, locaux et personnel doivent être adaptés à la quantité d'analyses effectuées quotidiennement.

* Compte tenu de la vitesse de l'évolution de technologies comme la PCR, il semble préférable d'investir (machines, formations, locaux, personnel...) au fur et à mesure de l'augmentation de la demande d'analyses, afin de bénéficier des dernières avancées technologiques.

La relative simplicité des équipements nécessaires à la réalisation de la PCR devrait permettre à la majorité des laboratoires de pouvoir faire ainsi évoluer facilement leurs outils PCR.

II/ L'équipement du laboratoire

* LES LOCAUX

L'analyse PCR peut être divisée en deux phases : les étapes précédant l'amplification (pré-PCR) et celles suivant l'amplification (post-PCR).

Pour éviter les problèmes de contamination (résultats faussement positifs), il est nécessaire d'utiliser plusieurs pièces distinctes pour effectuer l'ensemble des analyses. Les étapes pré-PCR devront, en effet, être réalisées dans un lieu n'accueillant en aucun cas des tubes contenant de l'ADN amplifié.

Les étapes pré-PCR comprennent deux parties : le mélange des réactifs, ainsi que le traitement et l'addition de l'échantillon. Si le mélange des réactifs est simple (utilisation du kit d'analyse), l'ensemble des étapes de pré-PCR pourra être réalisé dans la même pièce en leur attribuant des micropipettes spécifiques.

* Un minimum de deux pièces est donc nécessaire pour séparer les étapes de pré-PCR et post-PCR. Cependant, trois pièces différentes offrent une meilleure sécurité en séparant les étapes pré-PCR en deux parties.

L'ADN amplifié, qui est la principale source de contamination, peut être en suspension dans l'air.

* La ventilation des locaux doit être adaptée afin de ne pas recycler l'air d'une salle post-PCR vers une salle pré-PCR.

Les principaux vecteurs de contamination restent cependant les manipulateurs et le matériel.

* Par conséquent, une bonne conception et organisation des locaux, le confinement du matériel et la mise en place d'une " marche en avant " durant l'analyse PCR sont impératifs.

* LE MATERIEL

Afin d'éviter la circulation du matériel entre les pièces, des micropipettes seront attribuées à chacune des étapes pour effectuer séparément le mélange des réactifs PCR, préparer et ajouter l'échantillon (présence de l'ADN à détecter), puis réaliser la détection des produits amplifiés.

* Soit un total de 6 à 9 micropipettes.

* Une centrifugeuse de microtubes est nécessaire pour la préparation de l'échantillon dans la plupart des protocoles.

* Le thermocycleur est un investissement indispensable pour réaliser la PCR. Il existe quatre à cinq fabricants ayant déjà fait leurs preuves en matière de diagnostic. En effet, plusieurs auteurs ont noté que la précision des températures cycle après cycle a une grande influence sur la reproductibilité de l'analyse. Le choix du laboratoire sera aussi orienté par les recommandations des kits de réactifs PCR utilisés, ainsi que par le volume des analyses à réaliser en parallèle (machines traitant 20, 24, 48, 96 ou 384 échantillons).

* La détection des produits amplifiés par électrophorèse en gel d'agarose nécessite des cuves appropriées et un générateur pour électrophorèse d'ADN, une table générant des rayons UV et un système photo.

La détection des produits amplifiés par hybridation et réaction colorée nécessite des étuves thermostatées avec un système d'agitation pour les microplaques et un lecteur colorimétrique.

La détection des produits amplifiés par fluorométrie nécessite un lecteur spécifique, qui peut intégrer un thermocycleur pour les systèmes PCR quantitatifs.

* LE CONSOMMABLE

Le traitement d'un échantillon est généralement réalisé dans des microtubes à l'aide de réactifs ou systèmes spécifiques (détergent, sels minéraux, protéinase K, petites colonnes de résine...).

* Pour protéger les micropipettes des contaminations par les aérosols créés lors de l'aspiration, il est nécessaire d'utiliser des pointes cotonnées durant la plupart des étapes de l'analyse PCR. Cependant, l'utilisation des pointes classiques est possible pour la détection des produits amplifiés, si des micropipettes sont exclusivement réservées à cette tâche.

* Le matériel plastique utilisé (pointes de micropipette, microtubes...), notamment pour l'extraction de l'ADN du prélèvement, devra être stérilisé afin d'éliminer la présence de DNAses (enzymes dégradant l'ADN). Les tubes utilisés pour l'amplification sont spécifiques, mais maintenant standards pour la plupart des thermocycleurs.

La réaction PCR fait intervenir de nombreux réactifs comme des oligonucléotides, des dNTP, du tampon, la polymérase thermostable, des conjugués enzymatiques... La plupart de ces réactifs sont disponibles auprès de nombreux fournisseurs de produits de biologie moléculaire.

Mais ce n'est pas le cas des molécules spécifiques comme les amorces et l'ADN de contrôle interne, qui doivent être conçues par chaque laboratoire.

Þ Quelques kits regroupant l'ensemble des réactifs PCR pour l'analyse en médecine vétérinaire et en hygiène alimentaire commencent à être disponibles.

Selon les systèmes de détection des ADN amplifiés utilisés, différents consommables doivent être achetés par le laboratoire.

- Si l'ADN amplifié est détecté sur gel d'agarose, il faut de l'agarose qualité biologie moléculaire, du tampon de charge, du tampon d'électrophorèse, du bromure d'éthidium, de l'ADN servant de marqueur de taille et les consommables du système photo.

- Si l'ADN amplifié est détecté par hybridation et réaction colorée, la plupart des réactifs nécessaires peuvent être fournis par un kit de détection spécifique.

- Pour les nouveaux systèmes de détection par fluorescence, aucun consommable supplémentaire n'est nécessaire.

* LES PERSONNES

Des techniciens formés en biologie moléculaire utiliseront facilement les kits PCR déjà disponibles. Par contre, pour développer, puis utiliser un test PCR au sein d'un laboratoire d'analyses, un biologiste moléculaire (docteur ou ingénieur), ayant une expérience en développement de diagnostic PCR, devient indispensable.

* LES RESULTATS

Les résultats peuvent être présentés et archivés comme ceux des analyses habituelles. Il semble cependant important de rappeler qu'un prélèvement PCR négatif n'est pas forcément exempt de pathogènes, mais contient une quantité inférieure au seuil de détection de la PCR utilisée. Les lysats réalisés à partir des prélèvements peuvent être conservés à ­20°C quelques mois, comme pour une sérothèque.

III/ Les coûts

L'installation du laboratoire va nécessiter des investissements en matériel, aménagement des locaux et formation du personnel. Aujourd'hui, un laboratoire voulant réaliser environ 50 analyses PCR par jour peut s'équiper pour moins de 100 KF.

* LA LICENCE PCR

La PCR est une technologie brevetée en 1986 pour 20 ans. Les brevets appartiennent encore aujourd'hui à la société Hoffman-La-Roche Ltd. Les licences d'exploitation de la PCR sont accordées par secteur : la pathologie humaine, l'hygiène alimentaire, la pathologie vétérinaire... Chaque secteur fait l'objet d'un contrat avec des modalités financières différentes.

Il existe au moins deux types de licence : l'une permet la fabrication et la vente de kit de diagnostic, l'autre permet à un laboratoire d'utiliser des tests PCR non fabriqués sous licence (développement interne...).

Un laboratoire d'analyses n'aura pas besoin d'acquérir une licence s'il utilise des kits fabriqués sous licence.

* LE MATERIEL

L'installation du laboratoire va nécessiter l'achat de matériel et l'aménagement de salles devant accueillir les différentes étapes de l'analyse PCR.

Þ Le thermocycleur est souvent le principal investissement à effectuer ; son prix est compris entre 20 et 60 KF en fonction du modèle et de sa capacité.

Þ Les 6 à 9 micropipettes dédiées à la PCR ont un coût de 5 à 10 KF.

Þ Si la détection des produits amplifiés est réalisée par électrophorèse, l'investissement nécessaire correspond au matériel pour l'électrophorèse (cuves, générateur, table U.V., système photo) pour un coût de 15 à 50 KF.

Si la détection est réalisée par un système d'hybridation et réaction colorée, une étuve pour l'hybridation et un lecteur de plaques sont nécessaires pour un coût de 30 à 60 KF.

L'utilisation des nouvelles techniques fluorométriques quantitatives nécessite aujourd'hui l'achat d'un appareil réalisant l'amplification et la détection. Le coût de ces appareils est compris entre 200 KF et 700 KF.

* LE CONSOMMABLE

* Les composants de la réaction PCR sont disponibles auprès des fournisseurs des laboratoires de recherche. Ce sont des réactifs chimiques ou enzymatiques purifiés, comprenant de très nombreuses références. Ils seront achetés par les laboratoires ayant développé leurs propres tests.

* Des kits de diagnostic PCR d'utilisation plus simple commencent à être commercialisés. En dehors des réactifs spécifiques à la PCR et des systèmes d'extraction de l'ADN, l'analyse va nécessiter du consommable supplémentaire peu coûteux (gants, pointes de micropipettes, tubes, agarose, tampon...). En utilisant les kits de détection PCR disponibles, le coût de l'analyse en consommables est de 50 à 120 francs.

* LE TEMPS PERSONNEL

Le plus souvent des formations concernant l'utilisation de la technologie PCR en diagnostic seront importantes (environ 5 KF par personne).

Le coût horaire d'un technicien, en tenant compte des frais généraux, semble être compris entre 300 et 450 francs par heure pour des laboratoires d'analyses ; le temps nécessaire pour le traitement et l'analyse d'un échantillon variant selon les pathogènes entre 2 et 5 heures de temps personnel.

* EVALUATION DES COÛTS

Le coût peut être décomposé en trois parties : l'amortissement du matériel sur 5 ans, le coût personnel et le consommable. Les deux premières composantes de ce coût vont diminuer fortement en augmentant le nombre d'analyses.

L'évolution du coût d'une analyse PCR peut donc être représentée en fonction du nombre d'analyses réalisées par jour( cf courbe ci-contre). Pour ce calcul, le coût de Personnel a été fixé à 350 francs de l'heure, le coût Consommable à 80 francs par analyse et deux jours d'analyses PCR par semaine sur toute l'année.

La courbe " Invest. 700 KF " prend en compte un investissement de 700 KF (détection par fluorométrie) amorti sur 5 ans pour plus de 300 analyses par jour et 3 heures de temps techniciens par 100 analyses.

La courbe " Invest. 70 KF " prend en compte un investissement de 70 KF (détection sur gel d'agarose) amorti sur 5 ans pour 100 analyses par jour et 4 heures de temps techniciens par 100 analyses.

Ces calculs simplifiés montrent qu'à partir de 100 analyses effectuées par jour, le coût n'est pas très différent entre un investissement de 70 et 700 KF. Après 150 analyses par jour, le coût évolue peu en se rapprochant du coût Consommable (environ 80% du coût total). Même avec le plus faible investissement, il faut un minimum de 22 analyses réalisées dans la journée pour obtenir un coût inférieur à 150 francs.

* L'investissement doit donc être adapté au nombre d'analyses réalisées chaque jour, particulièrement pour les faibles volumes.

Les systèmes PCR devraient évoluer avec l'augmentation du nombre d'analyses, passant de la détection sur gel d'agarose vers des systèmes plus automatisés comme la fluorométrie, afin de maintenir des coûts de personnel raisonnables.

Les coûts des réactifs et consommables devraient dans un premier temps relativement peu diminuer, car la baisse des coûts liés à l'augmentation des volumes d'analyses sera probablement compensée par les surcoûts liés à l'évolution des technologies PCR (fluorescence).

encadre

Soulignons que l'intervention de la société ADIAGENE sur " La technique PCR ­ Organisation du laboratoire " s'est faite dans le cadre du WORKSHOP " Méthodes rapides en microbiologie " qui s'est déroulée les 8 et 9 mars 2000, à l'ISPAIA de Ploufragan (Zoopôle Saint-Brieuc ­ Ploufragan, Côtes d'Armor). Outre un panorama complet des méthodes rapides actuellement disponibles sur le marché, ces journées ont également traitées des méthodes en développement, telles que la technique PCR ou encore les puces à ADN. Un recueil de l'ensemble des interventions est disponible à :

ISPAIA ­ Zoopole développement - BP 7 - 22 440 Ploufragan

Contact : Virginie LOISELIER

Tel : 02.96.78.61.30 / E-mail : ispaia@zoopole.asso.fr