Octobre 2001 - n°61

BIOSEPARATION IMMUNOMAGNETIQUE

SULTAN F, Estapor® Microsphères Merck eurolab -France

Introduction : Aux côtés des techniques plus classiques que sont la chromatographie, l'électrophorèse ou bien l'ultracentrifugation, les techniques de séparation ou de purification utilisant des supports magnétiques sont aujourd'hui des méthodes dîtes de routine. Ces techniques offrent de nombreux avantages tels que simplicité, rapidité, rendement, et coût. Les nombreuses possibilités d'automatisation en ont fait des réactifs de choix pour l'immuno-analyse, la purification d'acides nucléiques ou bien encore la séparation cellulaire.

Les différents supports magnétiques : Il s'agit souvent d'oxydes de fer (Fe3O4 et Fe2O3) entourés d'une matrice de polymères (polystyrène, divinyl-benzéne), de minéraux (verre, silice) ou bien de polysaccharides (dextran, cellulose). Les premiers sont les plus utilisés et probablement les plus connus; les seconds présentent l'avantage d'une très grande stabilité à haute température ; enfin les derniers sont biodégradables ce qui est très important lors d'applications in vivo. Si le diamètre "étalon" est le micron (on parle de microsphères), des supports magnétiques de 50 nanomètres à plusieurs microns sont également très largement utilisés. L'usage des nanoparticules exige un équipement coûteux alors que les microsphères, douées d'une forte attractabilité magnétique peuvent s'utiliser avec un simple aimant. La fixation d'un anticorps ou de tout autre ligand à la surface du support magnétique est passive ou covalente. Dans ce dernier cas, la fixation, irréversible et plus stable, se fait par l'intermédiaire de groupements COOH, NH2, SH, OH…

Méthode directe (1) : Les microsphères magnétiques, bioactivées par un anticorps primaire (Acs1), sont incubées directement avec l'échantillon. La méthode directe est rapide et peu coûteuse. Méthode indirecte (2) : Les microsphères magnétiques sont préalablement activées par un anticorps secondaire (Acs2) car l'anticorps primaire (Acs1) se fixe difficilement (anticorps monoclonaux ou fragments d'anticorps). La méthode indirecte, plus longue et plus coûteuse, est généralement plus efficace et recommandée pour des antigènes faiblement représentés.

(1) (2)

Un ligand de petite taille (haptène, PM<6000) est habituellement fixé par l'intermédiaire d'un "bras chimique" ou linker afin de permettre une reconnaissance optimale par l'anticorps (test de sérologie VIH).

La gamme de microsphères magnétiques estapor"

 
Classique "M"
Encapsulée "EM"
Small M1-030/40
Large M1-200/20
Taille (µm)
0.70 - 1.30
0.90 - 1.80
0.30 - 0.50
0.30 - 0.50
Ferrite (%)
10 - 65
15 - 45
35 - 45
15 - 25
Fonction
COOH, NH2
COOH, NH2, OH
COOH
COOH

Plus récemment, notre département R&D a développé des microsphères magnétiques de larges diamètres, de 4 et 8 µm, et contenant jusqu'à 20% de ferrite (M1-400/20 et M1-800/20). Ces microsphères s'avèrent très efficaces lorsque les milieux ou échantillons sont très visqueux ou très souillés.


L'immunoanalyse : l'utilisation des microsphères magnétiques sur automates d'immunonanalyse, aujourd'hui très répandue, a débuté il y a plus de quinze ans. Les sociétés de diagnostic parmi lesquelles Beckman, Ortho Diagnostics, Roche, Biomérieux et Byk Sangtec ont toutes développé un nombre important de paramètres cliniques (Rosano et coll. ; Shonau A et coll.) pouvant être rapidement dosés en Radio-immunoanalyse, Chemiluminescence, spectro-photomètrie ou bien encore fluorescence. Ces automates d'immunoanalyse, pour la plupart, équipent aujourd'hui un très grand nombre de laboratoires de biochimie clinique. Parmi les paramètres les plus classiques, citons les marqueurs tumoraux (PSA, fPSA, CEA, aFP), cardiaques (troponine 1, myoglobine, CK-MB), infectieux (VIH, hépatites A et B, virus herpès, cytomégalovirus et toxoplasmose), hormonaux (TSH, T3 et T4 libres), de la reproduction (LH, FSH, testostérone) et ceux de l'anémie (ferritine, B12 et folates).

La sensibilité et la spécificité de ces dosages ainsi que la rapidité d'obtention des résultats, en font des outils incontournables en médecine clinique.

Purification des acides nucléiques : Les techniques classiques utilisant, par exemple, les solvants organiques, sont longues et exposent à des substances toxiques. Aujourd'hui, dans le domaine du diagnostic ou de la recherche, les méthodes rapides et automatisables sont très largement utilisées. La plupart de ces méthodes utilisent des supports magnétiques. Elles présentent, de plus, un risque quasi nul de contamination croisée. Une chaîne poly-dT couplée à des microsphères magnétiques permet une capture efficace des ARNm par l'intermédiaire de la queue poly-A spécifique. L'utilisation de micro-sphères magnétiques couplées à la streptavidine permet de rapidement purifier ARN et ADN biotinylés. Cette méthode a été récemment utilisée dans l'étude de l'expression de gènes et de l'activité de transcription (Patrone et coll.; 2000).

Séparation et purification cellulaire : Parmi les techniques classiques de séparation cellulaire, l'ultracentri-fugation sur gradient de Percoll ou de sucrose est probablement l'une des plus anciennes et des plus utilisées dans les laboratoires. Cependant, elle présente de nombreux inconvénients et limites. Cette technique séparative est longue et n'autorise pas de bons rendements de viabilité. Basée sur les différences physiques des cellules, telles que la taille ou la densité, cette méthode de séparation ne permet pas d'obtenir des préparations très pures. Elle est d'autre part très limitée lorsque l'on souhaite isoler ou purifier des cellules rares comme des cellules issues de micro-métastases circulantes par exemple.

Aujourd'hui, cliniciens et chercheurs bénéficient d'un très large éventail d'anticorps, polyclonaux et monoclonaux, autorisant la reconnaissance à la surface des cellules de marqueurs membranaires très spécifiques. Le clone de cellules que l'on souhaite isoler est souvent issu d'un mélange très hétérogène de cellules et autres bio-molécules et ce pouvoir hautement discriminant est indispensable dans la grande majorité des applications.

L'utilisation de microsphères magnétiques s'est révélée particulièrement intéressante dans tous les aspects de la biologie cellulaire. Une fois bio-activées par un anticorps spécifique dirigé contre la population (lymphocytes T) ou sous-population (lymphocytes T8 ou T4) à étudier, les microsphères magnétiques constituent un outil très performant autorisant des phases de capture, de lavage et d' élution simples et rapides. Dans de telles conditions, il n'est pas rare d'obtenir des taux de pureté > 95% et des rendements > 90%. L'analyse en cytomètrie de flux des cellules isolées par tri magnétique, est souvent nécessaire. Contrairement aux microsphères de grande taille, l'utilisation de petites microsphères magnétiques de type M1-030/40, est très prometteuse. En effet, elles ne nécessitent pas de phase de détachement car n'interfèrent pas avec l'analyse cytométrique.

La bio-séparation immuno-magnétique peut être appliquée à la préparation de cellules qui seront ensuite étudiées ou bien mises en culture : il s'agit de sélection positive. Ainsi, les cellules souches hématopoïétiques, caractérisées par un antigène de surface spécifique, le CD34+, sont isolées selon ce principe (Urbano-Ispizua et coll.; 1998). Les cellules exprimant l'antigène de surface CD34+ sont les précurseurs de nombreuses lignées cellulaires : globules rouges, globules blancs et plaquettes. Les patients souffrant d'hémopathies malignes doivent subir des traitements lourds associant chimiothérapie et radiothérapie. Ces traitements non-spécifiques, détruisant les cellules cancéreuses mais les cellules saines également, nécessitent greffes et transfusions nombreuses. Aujourd'hui, les patients peuvent recevoir leurs propres cellules souches. Les risques de rejet sont réduits ainsi que les besoins en transfusion et en traitement "anti-rejet". Il est cependant important de rappeler que certaines études (Kvalheim et coll.; 1996) rapportent que les préparations de cellules CD34+ peuvent contenir de 1 à 2 % des cellules cancéreuses ! La même technique est utilisée pour de la sélection négative ou purge cellulaire. Cette dernière méthode permet, par exemple, de trier les cellules saines des cellules déjà transformées. Le choix de l'une ou l'autre de ces méthodes sera dicté par la nature des cellules à isoler ainsi que par leur abondance ou leur rareté. La disponibilité ou non d'un anticorps spécifique est également un facteur à prendre en compte.

Séparation et purification de microorganismes : l'intérêt des supports magnétiques en microbiologie clinique, alimentaire ou environnementale est grandissant. La nécessité de disposer des résultats très rapidement et de pouvoir concentrer et détecter des germes pathogènes à partir d'échantillons variés (sang, aliments, eau…) expliquent en grande partie cet attrait. Ainsi, la détection de Escherichia Coli O157 (100 -1000 bactéries / ml) et Salmonella thyphimurium (1000 - 2000 bactéries / ml) à l'aide de support magnétique est rendue possible en moins de 60 minutes (Yu and Bruno, 1996) ! La société Japonaise Denka Seiken a récemment commercialisé un kit manuel pour la détection des souches pathogènes E Coli O157, O111 et O26. Lorsque l'identification des germes ne peut se faire par sérotypage (réaction croisée) ou bien lorsque l'on souhaite atteindre des seuils élevés de sensibilité (produits sanguins et dérivés), l'identification des germes pathogènes par produits PCR est parfois nécessaire. Un article récemment publié montre clairement l'intérêt de cette technique en automatique (Mäkinen et coll; 2001). Dans ce travail, l'utilisation du KingFisher et des microsphères magnétiques couplées à de la streptavidine, permet une excellente purification des produits PCR des différentes espèces de Borrelia.

Conclusion : l'utilisation des supports magnétiques s'est largement imposée, au fil des années, en diagnostic clinique, biologie cellulaire, microbiologie et plus récemment, en biologie moléculaire. La rapidité, la reproductibilité, la sensibilité et le coût des ces supports en font, aujourd'hui, des outils incontournables.

Références utiles.

- Patrone et coll., Nuclear Run-On Assay using biotin labeling, magnetic bead capture and analysis by fluorescence-based RT-PCR. BioTechniques (2000), 29:1012-1017.

- Urbano-Ispizua et coll., Allogenic transplantation of selected CD34+ cells from peripheral blood. Bone Marrow Transplantation (1998), 22:519-525.

- Kvalheim et coll.; Immunomagnetic purging of lymphoma cells from autografts. Journal of Hematotherapy (1996), 5:561-562.

- Yu H and Bruno JG., Immunomagnetic-electrochemiluminescent detection of E coli O157 and Salomella thyphimurium in foods and environmental water samples. Applied and environmental microbiology (1996), 62 (2): 587-592.

- Mäkinen et coll.; Automated purification of Borrelia burgdorferi s.1.PCR products with KingFisher magnetic particle processor prior to genome sequencing, Journal of Magnetism and Magnetic Materials (2001), 225: 134-137

- Rosano et coll.; Urinary free deoxypyridoline by chemi-lumiscence immunoassay: analytical and clinical evaluation. Clinical Chemistry (1998), 44 (10): 2126-2132.

- Shonau A et coll.; A one-step solid phase immunoassay for simultaneous detection of serum IgG and IgM antibodies to Borrelia burgdorferi. Journal of Immunological Methods. (1998), 218: 9-17.

 

Article rédigé par Mr Fabrice SULTAN PhD,

Responsable ventes et marketing - estapor microsphères - MERCK eurolab France.

(fsultan@merckeurolab.fr)