Mars 2002 - n°66

Conseils aux entrepreneurs en biotechnologie
Les bonnes questions à se poser pour préparer votre projet de création d’entreprise

Pascale ALTIER, Pasteur BioTop, Institut Pasteur
Tel : 01.45.68.83.41 / Fax : 01.45.68.83.49 / E-mail : paltier@pasteur.fr

Ai-je le droit d’exploiter mon invention / savoir-faire technologique ?

Le fait d’être cité comme inventeur dans un brevet ne confère pas la propriété du brevet. C’est le cas notamment pour tous les chercheurs appartenant aux organismes de recherche. L’exploitation des brevets requiert donc un contrat de licence négocié entre l’organisme de tutelle et la future entreprise.
Pensez à faire régulièrement une veille technologique sur les brevets : les demandes de brevet n’étant publiques qu’au bout de 18 mois, une analyse peut très vite être erronée.
Le contrat de licence contiendra les éléments suivants : domaine d’application, territoire, durée, droit et contrepartie financière pour le détenteur du brevet. Une étude de liberté d’exploitation, par un cabinet de propriété industrielle, sera nécessaire pour vérifier la dépendance éventuelle des brevets ou des licences acquises envers d’autres appartenant à des tiers.

Mon idée répond-elle à un besoin ?

Mon projet peut-il générer de la valeur : existe-t-il un marché ? Mon idée est-elle originale ? Quel est l’état de la concurrence ?
Pour le savoir, il vous faudra effectuer une recherche dans des publications, revues scientifiques et commerciales, sur internet, dans des bases de données…
En biotechnologie, le marché n’est pas forcément existant. Les analyses de la concurrence sont alors peu exploitables. Mais, il existe peut-être un concurrent non identifié qui ne travaille pas sur votre propre technologie, mais sur ce qu’on appelle une technologie de substitution, risquant ainsi de vous prendre des parts de marché. Le produit que vous souhaitez développer ne doit pas seulement exploiter une découverte, mais aussi répondre à un besoin. Le but des études de marché est d’estimer quelles seraient les ventes du produit de la société.
L’étude de marché est donc fortement recommandée pour valider votre enquête.

Que manque-t-il à mon projet pour en faire un produit ou un service industriel ?

La validation scientifique, la mise au point ou l’amélioration du procédé, la prise en compte du champ réglementaire (marquage C.E., Bonnes Pratiques de Laboratoire, Bonnes Pratiques de Fabrication, loi Huriet…) doivent être appréhendées et intégrées dans le plan de développement envisagé.

Qui va travailler à mes côtés ? Mon équipe, mes partenaires…

Vous ne pourrez raisonnablement pas assumer seul des fonctions de directeur général et de directeur scientifique. Très tôt, il faudra songer à la constitution de votre équipe et aux compétences que vous allez solliciter tant en interne qu’en externe : manager, directeur scientifique, consultant, directeur administratif et financier. L’équipe que vous constituerez sera déterminante dans la réussite de votre projet ; elle évoluera dans le temps. C’est le premier critère que regardent les futurs investisseurs.
Pensez à mettre en place un comité scientifique. Choisissez des conseillers scientifiques de renommée internationale qui apporteront du crédit à votre start-up.
Evaluez au mieux les apports de partenaires externes. Le monde de la biotechnologie est aujourd’hui en totale restructuration et privilégie les relations de partenariats plutôt que celles de sous-traitance. S’adosser à un ou plusieurs partenaires permet un partage des risques et des apports financiers. Ces réflexions doivent contribuer à l’analyse stratégique de votre projet.
Rappelons que ces relations avec les partenaires doivent être régies par des contrats, d’où la nécessité du recours à un expert juridique ou avocat pour défendre au mieux vos intérêts. Ils devront également vous conseiller sur le choix de la structure juridique la plus appropriée à votre projet (SA, SA à directoire et conseil de surveillance, SAS…).
Ne pas omettre de conduire avec eux une réflexion sur votre gestion patrimoniale.
Choisissez un statut adapté (mise à disposition, détachement, démission…) afin de vous consacrer à votre projet.

Comment calculer la valorisation de mon entreprise ?

La valorisation est la projection dans le futur de la valeur de votre entreprise jusqu’à son rythme de croisière. En d’autres termes, que vaut votre entreprise pour un investisseur potentiel, quel est l’impact du passé, du présent et du futur ?
Pour une société en cours de création, on va regarder le temps que vous avez passé sur le projet, les succès de vos réalisations antérieures, le montant des dépenses de R&D engagées à ce jour, le montant du capital social, des actifs immatériels (savoir-faire, brevets, marques…), la solidité de l’équipe, le prix maximum que l’investisseur est disposé à payer, ou celui que vous êtes disposés à accorder.
- La valeur " PRE-MONEY " est la valorisation implicite de l’entreprise (base de négociation) avant l’augmentation de capital.
- La valeur " POST-MONEY " représente la valorisation de cette même entreprise au terme d’une augmentation de capital. Cette valeur " post-money " est une valeur virtuelle qui servira de référence " pré-money " pour la prochaine augmentation de capital qui, si l’entreprise se développe correctement, s’effectuera sur une base encore plus importante.
- Le GOODWILL éventuel de l’entreprise au moment de l’augmentation de capital est la différence entre sa valeur " PRE-MONEY " et ses capitaux propres réels avant l’augmentation de capital.
Le goodwill constitue, pour l’entrepreneur et son équipe, le " prix de la sueur et du génie ".

Quels sont mes besoins financiers au démarrage ?

Les investisseurs initiaux sont ceux liés à la mise en place de l’activité scientifique (installation du laboratoire), au développement de cette activité (premier programme de recherche) et au recrutement des premiers membres de l’équipe.
Par exemple : les frais de bureau et accessoires (loyers, maintenance informatique, envois express et coursiers…), frais de personnel (salaires, primes, charges sociales, médecine du travail, formation, frais de recrutement), déplacements, honoraires (expert-comptable, avocat, consultant, commissaire aux comptes), frais de licence…
Dès le départ, il est indispensable d’élaborer un plan de financement (besoins provisionnels / ressources prévisionnelles). En plus des apports personnels, pensez aux sources extérieures de financement : business angels, fonds d’amorçage, capitaux-risqueurs, prêts bancaires, participation d’industriels à votre capital, subventions ou avances régionales ou nationales, concours, prêts d’honneurs…
Il faut établir également un compte de résultat prévisionnel et un plan de trésorerie pour estimer le moment où l’entreprise pourrait être rentable et les besoins de financement. Ne pas oublier que dans le secteur des biotechnologies, le développement est très long, et qu’il faut privilégier les stratégies qui permettent de réduire le " time to market ", c’est-à-dire le temps de mise sur le marché d’un produit.

Que doit contenir mon plan d’affaires (ou business plan) ?

Le plan d’affaires est une fiche synthétique de l’entreprise. Il doit décrire :
• le projet : son historique, l’offre et le savoir-faire
• le marché :
- description et perspectives du secteur, de la concurrence, des cibles visées ;
- identification des prescripteurs, des décideurs, des utilisateurs ;
- identification et position de force des fournisseurs ;
- rôle éventuel de l’administration, des lobbies.
• Les stratégies de l’entreprise : les objectifs ; le positionnement, la propriété industrielle, le savoir-faire ; la politique produit, prix, commercialisation ; la R&D et son évolution.
• L’organisation de l’entreprise
• La présentation de l’équipe
Les prévisions et besoins financiers sur 3 ans : compte de résultats, bilan, plan de financement et analyse de trésorerie

C’est en quelque sorte la première campagne de publicité de l’entreprise !

Qu’entend-on par " business model " ?

C’est votre stratégie pour générer de la valeur, au regard de nombreux éléments : votre zone géographique, vos partenariats industriels… Il tient compte de votre positionnement, c’est-à-dire la " position " de votre future entreprise et de ses produits par rapport à la concurrence, aux besoins. C’est le premier temps de l’élaboration de la stratégie. Vous pouvez vous positionner comme prestataire de services en vous appuyant sur une plate-forme technologique, comme développeur de molécules, comme entreprises R&D destinée à être rachetée par un grand groupe…

En résumé, quelles sont les conditions nécessaires à la réussite ?

- Une équipe solide (importance du manager)
- Une propriété industrielle très surveillée
- De l’argent
- Un environnement propice à vous accompagner à la phase de démarrage
- Des partenariats (académiques et industriels)