Mars 2003 - n°76

Les biopuces vont-elles révolutionner l’identification des bactéries ?

Dr Philippe GLASER, Laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes, Institut Pasteur – Paris

Les premiers articles décrivant l’utilisation de puces à ADN datent de 1989. L’objectif était alors de développer une technologie entièrement nouvelle de séquençage sans gel, qui puisse être totalement automatisée. Depuis cette époque, la technologie a considérablement évolué et de nombreuses applications sont apparues. Les développements principaux concernent l’analyse du transcriptome qui permet d’obtenir une carte d’identité fonctionnelle d’un tissu. En terme thérapeutique, il existe de nombreuses applications utilisant cette méthode d’analyse sur des tissus provenant de biopsies par exemple.

De nombreux domaines d’applications potentiels

Le domaine qui vient le premier à l’esprit est la cancérologie. Ces analyses devraient permettre de prédire l’évolution possible d’une tumeur et sa susceptibilité à différents traitements. De nombreux industriels et des laboratoires académiques travaillent pour établir les plans des puces adaptés à chaque diagnostic.

Une autre application des puces à ADN est l’analyse génomique pour détecter la présence ou l’absence d’un fragment d’ADN, la présence de mutations ponctuelles et, éventuellement, l’amplification de certaines régions du génome. Cette seconde application a des implications majeures dans l’identification bactérienne et dans la veille microbiologique.

De l’intérêt d’une analyse génomique par puces à ADN en microbiologie

L’analyse comparative des séquences de génomes bactériens a révélé l’importance des phénomènes de transfert de matériel génétique dans la constitution de ces génomes. Ces transferts génétiques impliquent, par exemple, des gènes de résistance aux antibiotiques ou des gènes de virulence, mais aussi de très nombreuses fonctions d’adaptation à des niches écologiques particulières. Ils peuvent avoir lieu entre des bactéries proches génétiquement ou très éloignées et permettent une diversité considérable au sein même d’une espèce bactérienne.

L’analyse par puces à ADN met à profit cette diversité génomique pour typer une souche, tout en fournissant des données fonctionnelles précises. Ainsi, en une seule expérience, l’identification de l’espèce et la sous-espèce d’un isolat permet de :
- typer un isolat et répondre à des interrogations épidémiologiques : ces deux malades sont-ils infectés par la même souche ? Cette souche de Listeria isolée de ce malade est-elle la même que celle isolée de ce produit alimentaire?..
- identifier la présence de gènes de résistance et de gènes de virulence, afin d’adapter le traitement à l’isolat ;
- caractériser des transferts génétiques pour mieux comprendre l’acquisition de la résistance et, éventuellement, établir des procédures afin de limiter la dissémination de ces gènes.

" La seule incertitude est technologique… "

Les résultats d’analyse par puce à ADN sont bien adaptés à un traitement informatique et sont facilement échangeables au sein d’un réseau de laboratoires. Cette méthode permet donc l’établissement de réseaux internationaux de surveillance et l’identification rapide de clones hyper-virulents ou de pathogènes émergents.

Les connaissances actuelles sur la diversité génomique des espèces bactériennes, sur les gènes de résistance ou de virulence, permettent d’envisager la mise en place de ces outils de surveillance. La seule incertitude est technologique : il existe un cruel besoin pour une nouvelle génération de puces, adaptées non seulement aux laboratoires de recherche, mais aussi, aux laboratoires d’analyse.

NB : le sujet " biopuces et identification de bactéries " a été développé dans le cadre des Rendez-Vous " Nouveautés en infectiologie ", organisés à l’occasion des Journées Internationales de Biologie (CNIT – Paris La Défense, du 13 au 16 novembre 2002).