Décembre 2003 - n°83

Le point sur les nanobiotechnologies et leur très fort potentiel économique

Par ALCIMED - David Bariau

Portées par l’engouement actuel des entreprises pour les avancées scientifiques à l’échelle nanométrique1 et par les efforts des différents gouvernements occidentaux pour la recherche dans ce domaine, les biotechnologies ouvrent de nouvelles voies d’innovation.
ALCIMED, Société de Conseil et d’Aide à la Décision appliquée aux Sciences de la Vie et à la Chimie, souligne l’explosion des publications scientifiques et des brevets2, attestant de l’intérêt grandissant aussi bien de la communauté scientifique que des acteurs industriels, pour ces technologies.
Les marchés boursiers, et plus particulièrement le Nasdaq, renouvellent depuis mars 2003 leur confiance dans le potentiel de développement de ce secteur.

Les nanobiotechnologies en fort développement depuis la fin des années 80…

Les nanobiotechnologies se développent depuis la fin des années 1980 suivant les chemins traditionnellement connus pour la recherche en nanotechnologies, à savoir les approches dites " Top Down " et " Bottom Up "
Rappelons que l’approche “Top Down” consiste à miniaturiser les systèmes actuels à l’échelle du nanomètre, en optimisant les technologies industrielles existantes. Les exemples les plus connus sont la miniaturisation de laboratoire sur une puce.
A l’inverse, l’approche " Bottom Up " repose sur l’assemblage des atomes ou des molécules pour obtenir les objets désirés et laisser ainsi libre cours à l’imagination des scientifiques. Elle a principalement permis de travailler sur les nanoréseaux, regroupés en quatre catégories : les nanoparticules (sphères, tubes…), les nanostructures (matériaux polycristallins, nanotechnologies, ferrofluides…), les nanoréseaux (matériaux constitués de trous nanométriques) et le " coating " (matériaux sur lesquels sont déposés une ou plusieurs couches nanométriques).
Quoiqu’il en soit, les nanobiotechnologies constituent aujourd’hui un domaine de recherche à part entière, représentant à ce jour plus d’un tiers des applications et recherches en nanotechnologies. Ainsi, sur 600 sociétés spécialisées en nanotechnologies, plus de 100 relèvent des nanobiotechnologies – contre moins de 80 respectivement pour les nanotubes, les nanopoudres, les nanoprocessus et les nanomachines.

Appliquées aux sciences de la vie, les nanotechnologies sont en effet d’un apport très important dans le processus de découverte de nouvelles molécules, et porteuses de nombreux espoirs dans la délivrance " intelligence " et " ciblée " de nouveaux médicaments et potentiellement dans la reconstruction de tissus après des lésions grâce à des matériaux bio-compatibles à l’échelle de la cellule.

Puces à ADN et labopuces, produits du " Top Down "

Les puces à ADN et les labopuces, issues de l’approche " Top Down ", représentent l’une des applications les plus connues à ce jour. Les puces à ADN ont constitué une véritable révolution dans le domaine de la recherche génétique en offrant un outil haut débit permettant de passer du modèle d’un PhD/ 1 gène/ 1 an, à 1 puce/1 génome/ journée.
Cet outil est maintenant largement adopté par l’industrie pharmaceutique, les sociétés de biotechnologies et, de plus en plus, par les laboratoires académiques. Les puces à ADN et les labopuces pourraient également dans un futur proche révolutionner le domaine du diagnostic si les dernières barrières technologiques étaient levées et si elles parvenaient à rivaliser en termes de prix avec les approches dites " traditionnelles ", moins onéreuses.
Plusieurs sociétés commercialisent d’ores et déjà avec succès leurs produits : citons AFFYMETRIX, société américaine créée en 1993 et cotée au Nasdaq. Son produit GeneChip, commercialisé depuis 1996, a généré quelque 69,7 millions de dollars de ventes, soit 400 000 puces pour l’année 2002.
CALIPER, autre société américaine créée en 1995 et cotée au Nasdaq, a conçu pour sa part la puce LabChip et a produit sa 500 000ème unité en 2002.
Parmi les autres acteurs à s’être distingués sur ce marché, retenons également les entreprises américaines cotées NANOGEN et CEPHEID, les sociétés AGILENT TECHNOLOGIES et AMERSHAM ou encore la start-up française GENESYSTEMS.

Qu’en est-il du " Bottom up " ?

Les applications biotechnologiques nées de l’approche " Bottom Up " n’ont pas encore donné lieu à la commercialisation de produits. Si les innovations telles que les nanocristaux commencent à démontrer leur potentiel pour l’imagerie et le diagnostic biomédical, elles n’ont pas encore été portées à un stade industriel ni produites en masse. Mais, il est essentiel de noter l’émergence d’un nombre important de start-up s’appuyant ou développant ces biotechnologies " nano ".
=> De nombreuses créations d’entreprises biotechs ont en effet été répertoriées dernièrement, dont celles des start-up NANOLEDGE (France), ALCOVE (Allemagne), C. SIXTY (Canada), EVIDENT TECHNOLOGIES et DENTRITECH (Etats-Unis) ou encore NANOCARRIER (Japon) et OXFORD BIOSENSORS (Grande-Bretagne).
=> Certaines sociétés mettant en œuvre une approche " Bottom Up " se sont déjà introduites sur les marchés. C’est le cas de FLAMEL TECHNOLOGIES (France) avec son produit SunScreenTM. Cette entreprise est devenue l’un des leaders du marché nanobiotech, avec un portefeuille conséquent de produits en développement autour de leur système de délivrance fondé sur les nanoparticules. Depuis le début de l’année, sa capitalisation boursière a connu une forte progression (environ 650 000 millions de dollars, aujourd’hui), notamment après la signature avec BRISTOL-MYERS SQUIBB, en juillet dernier, d’un accord concernant le développement d’un nouveau médicament pour le diabète.
De plus, plusieurs autres sociétés se développent autour des mécanismes de délivrance fondés sur les nanoparticules, par exemple SKYEPHARMA (Grande Bretagne), NOVAVAX (Etats-Unis) ou encore ETHYPHARM (France).
=> Un autre axe de développement très prometteur est l’utilisation des nanocristaux. A titre d’exemple, QUANTUM DOT (Etats-Unis), créée en 1998 à San Francisco, a mis au point une technologie de détection des acides nucléiques et des protéines, fondée sur les propriétés luminescentes de leurs QdotTM nanocristaux. Les applications envisagées pour cette technologie sont la R&D, l’imagerie ainsi que le diagnostic médical.
=> Dernier degré de développement des nanobiotechnologies : le développement de véritables machines que l’on pourrait ingérer ou qui pourraient être injectées dans la circulation sanguine, ou bien encore, des matériaux nanostructurés pour la reconstruction de tissus. Ces nanomachines pourraient être utilisées pour soigner l’Homme, en libérant les médicaments au bon endroit et au bon moment en fonction d’analyse in situ (pH, taux de glucose…), en prenant des biopsies, en prenant des images ou encore en traitant au laser une tumeur. Les nanomatériaux pourront trouver des applications dans la reconstruction de tissus : gaine pour la réparation de nerf endommagé, pour la repousse dirigée d’os… Des applications très prospectives qui pourraient révolutionner la médecine humaine !

ALCIMED insiste sur le fort potentiel " marché des nanobiotechnologies", qui attire l’intérêt des gouvernements et qui a déjà motivé plus de 100 créations d’entreprises. Des produits nanobiotech issus de l’approche " Bottom Up " encore plus innovants et riches en promesses de progrès médical sont annoncés pour le secteur des sciences de la vie.

1. Marché des nanotechnologies estimé entre 50 et 85 millions de dollars en 2001, 163 millions de dollars en 2005 et 1085 millions de dollars en 2010 - Source : German Government (2001), CORDIS (2001), Evolution Capital (UK, 2001), US Government (2001)

2. De 89 publications scientifiques (biotechnologie) en 1997, à 368 en 2000, et à 767 en 2002 (Source : PubMed) et de 56 brevets en 1997, à 106 en 2000, jusqu’à 173 en 2002…