Septembre 2004 - n°91

La Recherche Clinique : Au cœur du développement de médicaments nouveaux, sûrs et efficaces

par le LEEM et la FHF (Fédération Hospitalière de France)

En aval de la recherche fondamentale et de la recherche exploratoire, la recherche clinique (ou biomédicale) recouvre les trois étapes de la de la mise au point d'un médicament, pratiquées et organisées sur l'être humain, en vue de déterminer l'efficacité et la tolérance d'une innovation thérapeutique, ou une nouvelle indication d'un traitement connu.

Cette Recherche est conduite avec des personnes volontaires, malades ou non. La recherche clinique permet de faire bénéficier les malades des avancées de la recherche fondamentale. Souvent pratiquée en partenariat avec les hôpitaux, elle met en œuvre le haut niveau d'expertise médicale des professionnels hospitaliers en France. Son maintien et son développement sont essentiels pour garantir l'accès aux soins de haute technologie qui accompagneront les médicaments de demain…

Une étape clé de l'innovation

Indispensable à la mise au point de nouveaux médicaments ou de nouveaux traitements (associations de molécules...), la recherche clinique représente environ, en moyenne, 40 % de l'investissement global nécessaire à la Recherche et au Développement d'une molécule.
Les trois phases d'essais s'étendent sur plusieurs années (entre 3 et 5 ans) et impliquent en premier lieu des volontaires sains, puis des malades. Ces études sont obligatoires pour la constitution du dossier administratif d'autorisation de mise sur le marché du nouveau médicament destiné aux autorités sanitaires. Le lancement de ces travaux est soumis à un enregistrement par l'AFSSaPS, et à une autorisation qui doit être délivrée par un Comité Consultatif de Protection des Personnes dans la Recherche Biomédicale.
En phase III (la phase finale avant le dépôt du dossier d'autorisation de mise sur le marché), plusieurs milliers de malades peuventêtre concernés. Un nombre très faible de molécules sera abandonné à ce stade avancé. C'est donc l'opportunité pour des malades participant à ces recherches, d'avoir accès à des traitements très innovants dans des conditions de sécurité maximum. Cette phase est aussi l'occasion pour les médecins et le personnel soignant de se familiariser avec le nouveau médicament et de s'adapter, si nécessaire, à une nouvelle organisation des soins.
La recherche clinique est essentielle pour l'innovation thérapeutique. Elle est le fruit d'une collaboration tri-partite entre le promoteur de l'étude, les praticiens, notamment hospitaliers, et les malades. Cette relation est, et doit être fructueuse pour tous parce qu'elle a pour objectif un bénéfice santé pour le malade, mais qu'elle permet aussi aux médecins de renforcer leur expertise et qu'elle est impérative pour le développement d'un nouveau médicament efficace et sûr.

L’hôpital public, un acteur essentiel de la recherche clinique

Avec un réseau de plus de 1000 établissements hospitaliers qui couvrent l’ensemble du territoire et assurent 8 090 000 entrées, 95 000 000 journées et 36 400 000 consultations externes (chiffres 2001), l’hôpital public est un acteur incontournable de la recherche publique.

La recherche constitue, avec le soin et l’enseignement, l’une des trois missions dont est investie la communauté hospitalière, sans considération de sa taille ou de son statut. “ Le service public hospitalier concourt à la recherche médicale, odontologique et pharmaceutique ” : cette vocation est inscrite dans le code de la Santé Publique.

Au sein même du service public hospitalier, les 29 Centres Hospitaliers Universitaires (CHU),établissements associés par convention avec une université, sont les référents et les pivots en matière de recherche. Comme le précise encore le code de la Santé Publique, les centres hospitaliers et universitaires sont “des centres de soins où, dans le respect des malades, sont organisés…, sans préjudice des attributions des autres établissements de recherche…, la recherche médicale et pharmaceutique… ”
L’hôpital a ainsi été de fait un partenaire “ historique” de l’industrie du médicament, partenariat désormais formalisé.

L’hôpital est présent à tous les stades de la recherche clinique :

- en phase 1, pour évaluer la tolérance des molécules, leur devenir dans l’organisme (absorption, distribution, métabolisme, élimination) et leur innocuité. A ce stade, est déterminée la plage des doses susceptibles d’être utilisées par la suite pour démontrer l’efficacité des produits.
Ces études sont effectuées avec un petit nombre de volontaires sains par les 21 centres d’investigation clinique (CIC) localisés dans les CHU, prochainement renforcés de CIC de biothérapies (centres d’investigation clinique pour les médicaments de biotechnologie) ;

- en phase 2, afin d’évaluer l’efficacité, la posologie et le rythme d’administration du produit expérimenté, elle est pour l’essentiel réalisée dans les CHU, avec des effectifs limités et très sélectionnés de malades ;

- en phase 3 et 4, dans des conditions courantes, dites “ de routine ”, d’utilisation pour évaluer l’efficacité et la sécurité sur de grandes cohortes dans les CHU et les centres hospitaliers…
Notez que la phase 3, dite “ phase de confirmation”, porte sur quelques centaines à plusieurs milliers de patients atteints de la maladie à traiter. C’est au terme de cette phase qu’est évalué le bilan efficacité / sécurité, c’est-à-dire le rapport bénéfice / risque de la molécule testée ; un bilan en fonction duquel sera accordée ou non l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). La phase 4 ne concerne que les produits ayant obtenu l’AMM et se déroule tout au long de la vie des médicaments. Elle permet d’affiner les connaissances, de mieux évaluer la fréquence des effets indésirables, de mieux préciser les modalités et les conditions d’utilisation – par exemple, dans des groupes de maladies à risque -, et enfin, de mieux “ situer ” le médicament en comparaison avec les traitements disponibles…

Les établissements hospitaliers sont associés à la plupart des 2200 essais cliniques initiés chaque année en France (données DGS – année 2002), avec certaines disciplines de prédilection : cancérologie/onco-hématologie, dermatologie, cardiologie, neurologie.

Les Centres Hospitaliers Universitaires, puis les Centres Hospitaliers, sont des partenaires de l’industrie du médicament, avec des niveaux d’engagement sensiblement différents. Leurs atouts sont complémentaires :

les CHU peuvent compter sur leur organisation au travers des délégations à la recherche clinique, leur expérience de promoteurs de recherche, leur personnel expérimenté, leur réseau de recherche, et leurs centres experts, dont les centres d’investigation clinique Les CHU, par les fonctions de recours qu’ils exercent, recrutent aux stades les plus avancés ou aux épisodes les plus critiques des maladies.

les centres hospitaliers peuvent proposer leur capacité d’inclusion de grandes cohortes de patients dans des pathologies plus fréquentes. L’association des Chu et CH au sein du partenariat avec les entreprises est synonyme de synergie, d’efficacité, de dynamisme et de transparence…

L'accès précoce des malades aux traitements nouveaux

La recherche clinique conduite par les Entreprises du médicament en France est conséquente.
En 2003, l' AFSSAPS a enregistré 1098 déclarations de lancements d'essais cliniques concernant des médicaments. Les entreprises enétaient les promoteurs dans 71% des cas. Ces recherches portaient sur les cancers dans environ 20 % des cas. Ainsi, en France, près de 30 000 malades atteints d'un cancer ont participé à une étude clinique sur une année, et ont pu bénéficier d'une avancée thérapeutique avant sa mise à disposition large.

Ces chiffres sont importants, mais il faut noter qu'ils sont en recul depuis plusieurs années. Ainsi, entre 1998 et 2002, les lancements d'étude ont décru d'environ 17,9 %.

La France, avec la loi Huriet-Sérusclat sur la protection des patients, s'était pourtant positionnée en leader en matière de réglementation desétudes cliniques protégeant les malades, tout en garantissant des délais d'autorisation satisfaisants et reconnus comme compétitifs au plan européen.

Le principal obstacle sur notre territoire reste le recrutement des malades qui s'avère plus long et complexe essentiellement pour des raisons d'information, comme le soulignait l'étude"Attractivité de la France en matière de Recherche Clinique ”.
L'autre “ retard ” français que peut prochainement combler le projet de loi de Santé publique est celui de la transposition dans notre droit de la directive européenne. Ce point est d'autant plus étonnant que la loi française a très largement inspiré la rédaction de cette directive. Il est pourtant important que sa transposition soit effective afin que les promoteurs internationaux d'études connaissent clairement l'ensemble des paramètres qui régiront les essais cliniques dans chaque Etat.
Les délais d'autorisation seront clairement un facteur déterminant. Et plusieurs états voisins ont déjà transposé, dans des conditions qui augmentent leur compétitivité par rapport à la France.

La recherche clinique est au cœur du développement de médicaments innovants efficaces et sûrs. Le maintien en France d'une recherche clinique dynamique est essentiel pour favoriser l'accès des patients à des traitements nouveaux en préservant un haut niveau d'expertise médical.

Créer les conditions du maintien et du développement de cette Recherche est un enjeu clé pour les entreprises du médicament, le corps hospitalier et médical, et les patients !

La recherche clinique en France, quelques chiffres repères

Environ 2200 nouvelles demandes de recherches déposées à l’AFSSaPS et au Minsitère de la Santé, chaque année, dont 1098 à l’AFSSaPS en 2003
325 000* personnes concernées par ces nouvelles recherches

Trois domaines de recherche principaux :
- les médicaments : 57 % des recherches nouvelles
- la physiologie et la physiopathologie : 17 %
- les dispositifs médicaux : 10 %
71 % des études sont lancées par les entreprises

Répartition des essais cliniques sur les médicaments par domaine thérapeutique en 2003 :
- Cancers : 20 %
- Système nerveux central : 17,5 %
- Anti-infectieux et anti-rétrovirus : 9 %*
- Endocrinologie, métabolisme, nutrition : 9 %*
- Maladies cardio-vasculaires : 8,5 %
- Pneumologie, allergologie, ORL : 7,5 %
- Dermatologie : 7,5 %

* Sources : DGS, Affsaps, FHF – chiffres 2002