Juin 1998 - n°29

Le laboratoire de génie génétique du centre d'immunologie Pierre Fabre à Saint-Julien-en-Genevois

Les laboratoires Pierre Fabre ont développé en 1989 leur activité de recherche en immunologie et biotechnologie en inaugurant le Centre d'Immunologie Pierre Fabre. Ce centre se caractérise notamment, par rapport aux autres centres de recherche du groupe, par la présence d'une unité de génie génétique. Ce laboratoire est dirigé par Monsieur Thien N'Guyen (Docteur ingénieur) depuis sa création en 1989. Ce département se compose de quatre chercheurs statutaires, un ingénieur, trois techniciens et un thésard. Ce service a l'initiative des projets de recherche en nouvelles protéines recombinantes à buts thérapeutiques. Il développe également des outils biologiques (micro-organismes, vecteur d'expression). Il s'appuie sur le principe de l'expression hétérologue chez Escherichia coli. Selon M. Thien N'Guyen "l'originalité du laboratoire est de créer de nouvelles protéines vaccinales par génie génétique". Le laboratoire travaille avec comme hôtes d'expression des souches d'Escherichia coli mais aussi avec les bactéries gram-positives. Concernant l'équipement, le laboratoire est muni d'un fermenteur pré-pilote permettant d'étudier au stade du laboratoire le comportement en fermentation des souches produisant les protéines recombinées. Ceci facilitant par la suite la procédure d'extrapolation ("scale up") pour les fermenteurs pilote au stade du développement. Enfin, il est à noter que ce laboratoire, comme les autres laboratoires du centre, travaille aux normes BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire). A chaque étape du développement des organismes, le laboratoire met en place des contrôles. Il doit également surveiller la stabilité plasmidique des souches bactériennes recombinées.

Dans ce cadre, l'équipe travaille en relation étroite avec les services du développement industriel et de la production pour vérifier si l'expression hétérologue est conservée durant la fermentation dans les réacteurs de grande capacité. Travailler avec des organismes recombinants nécessite également un niveau de sécurité important pour les scientifiques, mais aussi pour éviter les contaminations de l'extérieur ou vers l'extérieur.

Les principaux champs d'activités du laboratoire sont : la mise au point à l'aide de la technologie de l'ADN recombinant d'un vaccin contre le virus respiratoire syncitial (VRS), le développement de vaccins vivants et enfin la vaccination par molécule d'ADN codant pour des antigènes.

Le projet vaccin VRS

Le CIPF s'est investi dans un projet de mise au point d'un vaccin recombinant contre le virus respiratoire syncitial (VRS) sous la responsabilité de M. Thien N'Guyen. Le virus respiratoire syncitial provoque chez les nouveaux nés et chez les personnes immunodéprimées des maladies telles que les bronchiolites et pneumopathies. On estime à 50 millions le nombre d'enfants infectés chaque année par le VRS. Tous les services de recherche, de développement, de production du CIPF ont été mis à contribution. Le laboratoire de génie génétique a eu pour rôle central d'élaborer les vaccins candidats, en exprimant dans une souche hôte des gènes codant pour des séquences peptidiques. Ces séquences correspondent à des fragments des protéines de surfaces du VRS (Protéines F et G). Les protéines antigéniques exprimées seront analysées par d'autres services de recherche du centre afin de déterminer celle qui aura les meilleures propriétés immunogénique et antigénique. Le travail du laboratoire a consisté à fusionner deux gènes et les cloner dans E.coli. Le produit d'expression comprend une partie protéine porteuse et la séquence peptidique correspondant a l'antigène du vaccin candidat. Il aura fallu quatre ans entre 1990 et 1994 pour obtenir un vaccin candidat. Trois ans furent nécessaires pour réaliser les essais pré-cliniques, la mise au point des procédés de production et de purification ainsi que les procédures de dépôt de brevet et de certification, pour aboutir aux premiers lots de vaccins destinés aux essais cliniques de phase I, qui doivent débuter au premier trimestre de cette année. Les premiers résultats sont attendus avec intérêt, car le développement d'un vaccin issu du génie génétique est une première pour les laboratoires Pierre Fabre.

Vaccins vivants

L'autre voie de recherche du laboratoire est la mise au point de souches bactériennes vivantes exprimant sur leurs membranes des protéines antigèniques de virus ou de bactéries pathogènes. C'est la stratégie des vaccins vivants. Elle s'appuie sur la production de protéines de fusion et sur l'utilisation de la voie mucosale comme porte d'entrée pour la vaccination. Des souches bactériennes inoffensives pour l'homme, telles Staphyloccocus xylosus et staphyloccocus carnosus sont utilisées comme vecteurs pour faciliter la présentation d'antigène aux cellules du système immunitaire. Elles expriment à leur surface des protéines de fusion comprenant une protéine membranaire pouvant servir comme adjuvant et une séquence peptidique correspondant à un ou plusieurs antigènes. On peut aboutir ainsi au développement de vaccins multivalents pouvant assurer une protection efficace contre plusieurs infections. Le laboratoire de génie génétique s'attache donc à développer ces vaccins vivants en collaboration avec d'autres instituts.

Les vaccins du futur

Enfin, le dernier grand axe de recherche du laboratoire est la vaccination par l'ADN nu. Les gènes codant la séquence peptidique d'un antigène d'un virus ou d'une bactérie sont directement injectés dans les cellules de l'organisme. Des essais ont montré l'efficacité de ce procédé bien qu'il soit encore limité. Cette nouvelle voie de vaccination est pleine d'avenir car elle évite les problèmes liés à l'utilisation de micro-organismes mais aussi les problèmes de la purification des vaccins atténués.

La limite actuelle de ce procédé est encore le faible taux d'immunisation mais aussi le manque de connaissance à propos de la sécurité de la procédure par rapport aux problèmes d'intégration et de recombinaison du fragment d'ADN injecté. Ce type de technologie représente pour le laboratoire une voie de recherche très intéressante, car elle peut s'appuyer sur les connaissances et la technologie acquises lors du développement des séquences nucléotidiques pour le vaccin contre le VRS.

Manuel Velasco

Contact :

Thien N'Guyen

Département Génie Génétique, CIPF

74160 Saint Julien en Genevois

Le CIPF

Le Centre d'Immunologie Pierre Fabre (CIPF) est situé à Saint-Julien-en-Genevois en Haute Savoie à quelques kilomètres de Genève. Le CIPF est intégré au sein de l'institut de recherche Pierre Fabre. Ce centre occupe une superficie de 10 000 m2. Sa construction a représenté un investissement de 150 millions de francs. Il faut noter que son architecture tout en étant très futuriste en forme de flèche est très fonctionnelle. A ce jour un effectif de cents personnes composé de chercheurs, d'ingénieurs, de secrétaires, de techniciens et d'agents administratifs travaille au CIPF. La mission du centre est la découverte, le développement, la production de nouvelles molécules dans le domaine vaccinal à l'aide des biotechnologies. Selon Monsieur Jean-Yves Bonnefoy, Directeur du CIPF "le point fort du centre est de regrouper des équipes pluridisciplinaires qui travaillent en interface entre la recherche, le développement et la production". Le centre se divise en quatre parties :

- La recherche qui est subdivisée en dix laboratoires dont celui de génie génétique, de virologie, de biologie cellulaire, de bactériologie, d'immunologie moléculaire. Le CIPF vient de se doter depuis fin 1997 d'un laboratoire de recherche exploratoire et de bioinformatique. Ces deux dernières unités auront pour rôle d'identifier les cibles thérapeutiques au niveau des gènes.

- Le développement industriel est impliqué dans trois types de missions. Tout d'abord, développer les procédés industriels de fermentation et de purification pour les nouveaux produits issus de la recherche. Ensuite, fournir les quantités nécessaires pour les essais précliniques des produits issus des biotechnologies. Enfin, préparer les lots pour les essais cliniques de phase I et II.

- La production travaille en relation étroite avec les autres services. Elle a à sa disposition deux fermenteurs de 800 litres chacun permettant la production d'une large gamme de bactéries. Cet équipement est utilisé pour la production de biomasse pour un immunostimulant, le RIBOMUNYL®. C'est un mélange de plusieurs souches bactériennes permettant la stimulation des défenses immunitaires chez les enfants atteints d'infections O.R.L. récidivantes.

- La documentation et la veille technologique. Ce service a pour rôle de fournir toutes les informations nécessaires à l'activité du centre. Il peut s'agir d'informations d'ordre scientifique, technique, économique ou réglementaire. Ce sevice, par la surveillance de l'environnement effectuée, est un acteur important impliqué dans l'innovation et la propriété industrielle.

Le CIPF met à disposition de ses scientifiques des moyens importants en informatique, en secrétariat, en technicien, en logistique pour faciliter au maximum la mise au point de nouvelles molécules thérapeutiques issues des biotechnologies. Ce centre représente un outil précieux de recherche pour le groupe Pierre Fabre.

Manuel Velasco