Décembre 2000 - n°63

Innate Pharma mise sur les cellules lymphocytaires non conventionnelles pour développer de nouveaux traitements par immunothérapie

Fondée en septembre 1999 à Marseille, Innate Pharma se consacre au développement de nouveaux traitements anticancéreux par immunothérapie. L'originalité de la société est qu'elle focalise ses efforts sur l'utilisation des cellules lymphocytaires non conventionnelles ** et NK, sa force est qu'elle s'appuie sur un important portefeuille de brevets et un réseau scientifique expert en immunologie. Innate Pharma s'est créée autour de quatre chercheurs européens -associés d´Innate Pharma dans le cadre de la loi sur l´innovation du 12 juillet 1999- et deux managers confirmés des biotechnologies. Côté scientifique, Eric Vivier (1) et Alessandro Moretta (2) sont deux experts des lymphocytes NK tandis que Jean-Jacques Fournié (3) et Marc Bonneville (4) sont spécialistes des lymphocytes ** . Côté managers, Hervé Brailly et François Romagné respectivement PDG et directeur R&D d'Innate Pharma, sont tous les deux docteurs en immunologie et ex-membres de la société marseillaise Immunotech aujourd'hui intégrée au groupe américain Beckman Coulter.

Une levée de fonds de 30 millions de francs en avril dernier

Pour lancer Innate Pharma, ses fondateurs ont postulé en 1999 à deux concours d'aide à la création d'entreprise organisés l'un par la Fondation Rhône Poulenc, l'autre par le MENRT. Leur dossier a été retenu et les dotations obtenues, complétées par une aide de l'Anvar Région PACA, ont permis de financer les six premiers mois de la structure et de boucler un tour de table avec différents capitals-risqueurs (Sofinnova (Paris), GIMV (Anvers) et Auriga (Paris)). "Nous avons rassemblé 30 MF" précise Hervé Brailly "nous avons convaincu les investisseurs grâce à trois points essentiels : une crédibilité scientifique avec les meilleurs experts en immunologie, une importante propriété industrielle et un plan lisible de développement produit" poursuit le P.D.G. d'Innate Pharma. Depuis, la société a recruté de nouveaux collaborateurs pour assurer la R&D et compte aujourd'hui 9 personnes.

Les lymphocytes non conventionnels présentent des propriétés particulièrement intéressantes pour des applications en immunothérapie

Les lymphocytes conventionnels B et T sont impliqués dans la réponse immunitaire classique qui se caractérise par son effet mémoire (à la base de la vaccination), sa spécificité et son caractère unique à chaque individu, la molécule MHC chargée de se lier à l'antigène pour le présenter au récepteur de la cellule T est en effet spécifique à chacun. Ce polymorphisme de la protéine MHC nécessaire à la survie de l'espèce humaine est en revanche un facteur limitant pour l'utilisation des lymphocytes conventionnels en pharmacologie. Un autre facteur limitant étant la faible fréquence de reconnaissance d'un antigène donné par les lymphocytes T et B (0,001 à 0,1 %). Contrairement à la réponse conventionnelle, les lymphocytes non conventionnels -parmi lesquels les NK et les ** -reconnaissent des antigènes non associés à une molécule spécifique à chaque individu et la fréquence de reconnaissance d'un antigène donné est forte (1 à 10%). Autre différence importante, les cellules NK et ** reconnaissent des antigènes non peptidiques. Toutes ces propriétés particulières permettent d'envisager de formidables applications en immunothérapie, l'idée étant de synthétiser des petites molécules solubles analogues dérivées de ces antigènes non peptidiques. Administrées directement chez le malade, ces molécules appelées Novel Chemical Entities (NCEs) stimuleront l'activité cytotoxique des lymphocytes non conventionnels quel que soit l'individu. Aujourd'hui, à la lumière des travaux brevetés des chercheurs associés à Innate Pharma, l'utilisation des lymphocytes non conventionnels en immunothérapie n'est plus une utopie et ouvre de nouvelles perspectives de traitements notamment pour les cancers.

Des avancées scientifiques décisives brevetées au cœur des projets d´Innate Pharma

Les recherches de Marc Bonneville et Jean-Jacques Fournié ont conduit à la découverte d'une nouvelle famille de composés organiques activateurs des cellules *9*2 (la principale sous-population de lymphocytes ** dans le sang) via une action spécifique sur le récepteur *9* 2 T. Le programme principal de développement concernant cette première génération de NCEs est la mise au point d'un traitement anti-tumoral par intraveineuse, "les premiers essais cliniques sur une des molécules retenue démarreront fin 2001" annonce Hervé Brailly. Une autre voie envisagée est la thérapie cellulaire avec prélèvement des cellules *9*2 du patient, leur amplification in vitro avant réinjection. Enfin, au regard d'autres propriétés décrites des lymphocytes ** et notamment leurs fonctions régulatrices d'immunomodulation, le dernier axe concerne d'autres pathologies comme les maladies infectieuses, les allergies ou les maladies auto-immunes.

Eric Vivier et Alessandro Moretta ont quant à eux levé l'inconnu concernant l'activation et l'inhibition des cellules NK, un processus resté non élucidé depuis la découverte de ces lymphocytes trente ans plus tôt. Les chercheurs ont identifié un groupe de récepteurs inhibiteurs (les récepteurs KIR) et un groupe de récepteurs activateurs (récepteurs NC.R) modulant l'activité des cellules NK. La mise en évidence de ces récepteurs et de leur mode d'action permet maintenant aux scientifiques de travailler sur des ligands modèles activateurs ou inhibiteurs des lymphocytes NK. "Les travaux dans ce domaine se situent un peu plus en amont que pour les cellules *9*2 mais d'ici fin 2001, nous rentrerons une de ces molécules en développement" précise Hervé Brailly. Le schéma de valorisation de ces recherches sur les lymphocytes NK est le même que précédemment avec le développement prioritaire de médicaments anticancéreux et des possibilités également envisagées en thérapie cellulaire et sur d'autres pathologies.

Le positionnement d'Innate Pharma sur la stimulation de l'immunité non conventionnelle est unique et la société bénéficie d'une avance scientifique décisive dans ce domaine. La start-up marseillaise possède aujourd'hui les connaissances et les outils pour agir sur l'activation des lymphocytes NK et ** avec à la clé le développement à moyen terme de nouveaux traitements prometteurs notamment en cancérologie, une pathologie où la demande de thérapies novatrices est forte.

V.CROCHET

(1) professeur à l'université de la Méditerranée, directeur d'un groupe de recherche au Centre d'Immunologie INSERM-CNRS de Marseille Luminy

(2) professeur de médecine expérimentale à l'université de Gènes

(3) directeur de recherche CNRS, responsable d'un groupe de recherche au sein de l'unité INSERM toulousaine 395

(4) directeur de recherche CNRS, directeur de l'unité INSERM 463 à Nantes

Contact :

Innate Pharma

Hervé Brailly