Juillet 2004 - n°90

Le dada d'Oncodesign est la lutte anti-cancer !

Société de biotechnologie dijonnaise créée en 1995, Oncodesign recherche de nouvelles thérapies anticancéreuses pour contourner les mécanismes de résistance faisant échec aux traitements actuels. Son succès grandissant l'amène à intégrer de nouveaux locaux en octobre prochain et à développer ses multiples activités au carrefour de la biologie et de la clinique.

Lorsque Philippe Genne obtient en 1992 son Ph.D. en pharmacologie, il a déjà envie de créer sa propre société en exploitant ses connaissances sur l'étude des mécanismes de résistance des cellules tumorales à la chimiothérapie et aux moyens thérapeutiques pour les contourner.

Découvrir de nouvelles thérapies

Pendant son expérience de recherche, il a l'occasion de développer une molécule jusqu'à sa phase clinique. Au sein de l'unité INSERM U252 de la Faculté de Médecine (Dijon), il travaille en effet en collaboration avec les laboratoires Glaxo-Wellcome et Texinfine. Ces recherches ont débouché sur la découverte d’un inhibiteur de la " multidrug resistance " la Cinchonine, dont il est l'inventeur. Il a ensuite continué le développement de cette molécule en tant que chef de projet dans les laboratoires Debiopharm, à Lausanne (Suisse).

En plus de son expérience pré-clinique importante, il a participé à des études cliniques en phase I et II. Il a travaillé également en tant que consultant pré-clinique pour plusieurs firmes pharmaceutiques. En 1995, il soutient avec succès une Habilitation à Diriger des Recherches. Cette même année, il décide, avec sa femme Catherine, de créer une société privée spécialisée dans la lutte anti-cancer
à partir de l'université de Bourgogne : Oncodesign est née.
La pré-incubation avait déjà eu lieu pendant 2 ans dans le cadre d’un CRITT depuis 1993 dans le laboratoire d'oncologie et de pharmacologie, en collaboration avec le Pr. Eric Solary, hématologue de formation et dirigeant actuellement l'unité Inserm U517 "Mort cellulaire et Cancer" au CHU de Dijon.

"La mission première de la société est de découvrir des thérapies efficaces contre le cancer par une approche pharmacologique", explique Philippe Genne. "Il s'agit de reconnaître et de comprendre l’activité de la molécule dans l'organisme, d’identifier les plus actifs candidats en essayant de les améliorer. L'identification et la validation de nouvelles cibles protéiques peuventégalement générer de nouvelles molécules pouvant déboucher sur des médicaments efficaces".

Oncodesign conçoit et gère des études pharmacologiques pré-cliniques en vue d’aboutir à la preuve du concept de futurs médicaments, conformément aux normes BPL. Cela représente une part importante de l'activité de la société. Elle dispose pour cela d'une plate-forme spécialisée sur l'évaluation des traitements anticancéreux utilisant des modèles expérimentaux de cancer établis chez le rongeur, à l'usage de l'industrie pharmaceutique et biotechnologique.

La plate-forme fonctionne selon 3 axes :
- Animaux-cellules : des lignées de cellules tumorales d'origine humaine ou animaleétablies en culture et/ou des fragments de tumeurs induites avec ces mêmes cellules, sont greffées ou inoculéesà des animaux.
- Animaux-tumeurs : des fragments de tissus tumoraux, provenant de tumeurs primaires ou métastatiques humaines obtenues après résection chirurgicale, sont greffés sur des animaux à système immunitaire déficient,
- Transgénique ou Knock-out : animaux dans lesquels sont injectées des constructions géniques afin d'induire ou d'inhiber l'expression d'un gène.

Développer des modèles expérimentaux

Oncodesign propose des modèles expérimentaux de cancer mis au point chez le rat (Nude, syngénique) - c'est leur spécialité ! - et la souris (Nude, SCID, syngénique).

Les modèles syngéniques sont utilisés pour recevoir des greffes de tumeurs spontanées ou induites (chimiquement, par irradiation…) issues de la même espèce. Ces animaux sont obtenus par croisement consanguin frère-sœur pendant plusieurs générations. Leur système immunitaire est intact, mais ils acceptent des greffes de tissus issus d'individus de la même espèce.

Les rongeurs athymiques ou "Nude" sont utilisés pour des greffes de tumeurs humaines. Il s'agit d'animaux mutants obtenus par sélection en cours d'élevage. Ils présentent une déficience naturelle de leur système immunitaire et sont donc susceptibles de recevoir des greffes de
tissus étrangers, notamment humains.

En moyenne, il faut entre 6 mois et un an pour créer et valider un modèle animal. Des accords sont passés avec des instituts de recherche comme l'institut Curie et les unités Inserm mais aussi des collaborations avec des sociétés de biotech comme Idéalp'pharma, Nucléis,
Ipsogen…

A partir de ces modèles Oncodesign réalise différentes prestations de recherche pour le compte de ses clients, entre autre :

Mesurer l’efficacité des thérapies
Oncodesign travaille sur l'évaluation préclinique de l'efficacité des thérapies anticancéreuses sans restriction, et l'étude du mécanisme d'action des molécules anticancéreuses : antimitotiques, peptides, thérapie antiangiogénique, nouvelles formes galéniques, oligonucléotides antisens, antioestrogènes, thérapie génique, immunothérapie...

Déterminer la pharmacocinétique/ métabolisme
Pharmacocinétique de drogues ou de nouvelles formes galéniques (scintigraphie, molécules radiomarquées, étude de métabolisme et biodistribution (C12/C13), HPLC-MS/MS, AAS, IRM...).

Investiguer les propriétés immunologiques
Protocole d'essais séquentiels pour l'évaluation préclinique et clinique d'immunomodulateurs (activation in vivo ou in vitro, essais de cytotoxicité, types d'activités : NK, macrophage, A-LAK, polynucléaires, histologie ; rongeurs et humains).

Préciser la toxicité
Test de toxicité hématologique et neurologique de substance testée sur rongeurs.

Avec sa plate-forme technologique (savoir et savoir-faire scientifiques et techniques, installations modernes, modèles validés), Oncodesign propose donc des solutions innovantes aux entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques internationales, pour le développement d'agents thérapeutiques nouveaux. Philippe Genne précise : «Ce qui est important, c’est qu’au travers de son activité commerciale rentable, la société puisse prendre le temps de se structurer en restant libre de définir et de suivre sa propre route. Construire une entreprise technologique repose avant tout sur une alchimie humaine et scientifique. Il est regrettable à l’heure d’aujourd’hui, que l’on accorde beaucoup plus de crédit aux levées de fonds qui sont réalisées plutôt qu’à la performance économique qui doit nécessairement en résulter. Le monde des investisseurs se fixe essentiellement sur les aspects " sexy " des projets et ce n’est pas avec cela que l’on pourra construire des entreprises pérennes. Ce jeu dangereux pour notre économie ne permet pas aujourd’hui aux entrepreneurs technologiques de créer de la valeur économiqueà l’échelle de leur talent».

En route vers de nouveaux locaux !

Société bénéficiaire et rentable, Oncodesign s'appuie sur le marché de l'évaluation pré-clinique concernant la thérapie anticancéreuse. Ses 90 clients se répartissent dans 13 pays au niveau international. L'entreprise a mis en place 4 laboratoires spécifiques : Analytique, Culture cellulaire, Bio Molécule et de Formulation anatomopathologique. Elle dispose aussi d'une animalerie assez impressionnante. Ses équipements sont liés à la culture cellulaire (hotte, étuve, lecteur plaque, robot pour la mise en place des tests …), l'analytique (HPLC-MS, UV, fluorescence…), la biologie moléculaire (RT-PCR, lecteur gel, transfections, western blot, northern blot…), l'IRM.
Jusqu'à présent, tous se répartissaient dans 5 sites différents. En octobre 2004, ces structures seront regroupées sur un seul site d'1,8 ha situé dans la nouvelle zone d'activité et nouveau pôle de biotechnologie de Mazen-Sully. Un investissement de 8,7 millions d'euros est prévu
sur la période 2004-2006 pour cela.

Le bâtiment de 3 000 m2 est en cours de finition. Dans cet espace, 500 m2 seront dévolus aux laboratoires et 700 m2 pour l'animalerie et la nouvelle unité d'imagerie du petit animal incorporé (IRM). Par ailleurs, la partie in vitro des recherches sera robotisée d'ici octobre 2004.

Actuellement, Oncodesign emploie 42 personnes dont 30 dans les laboratoires (10 post-doc, 10 ingénieurs, 10 techniciens de recherche) et 12 personnes dans l'administratif et la partie commerciale. Son objectif est d'identifier et de valider de nouvelles molécules pour les amener en phase 1, notamment en continuant de travailler sur la pharmacologie du patient avec les centres de recherche clinique. Pour cela, Oncodesign compte évoluer encore d'ici 2 ans et employer 65 à 70 personnes qui s'appliqueront à trouver de nouvelles thérapies efficaces contre le cancer…

M. HASLÉ