Octobre 2004 - n°92

PHYTORESTORE : des jardins filtrants pour dépolluer

Soutenue par plusieurs grands programmes de recherche à travers le monde depuis les années 1990, la phytorestauration (ou phytorémédiation) est l'ensemble des technologies qui utilisent les plantes comme principal agent de traitement des pollutions. La société Phytorestore créée en juin 2004 est une pionnière en France de cette méthode révolutionnaire qui apporte l'espoir d'une préservation efficace des ressources vitales de notre bonne vieille planète.

L'enjeu est important puisqu'il s'agit de trouver de nouvelles possibilités de dépollution allant dans le sens du développement durable. Notamment, faire en sorte de reconvertir les eaux usées, de lutter contre la pollution urbaine et certains gaz à effet de serre… Tout en gardant un espace vert paysager où les enfants pourront jouer. Une utopie ? Pas aux dires de l'équipe de Phytorestore qui commence déjà à le démontrer avec ses jardins filtrants !

Acteur du développement durable

Premier industriel de dépollution "écologique", la toute jeune société Phytorestore est déjà un véritable acteur industriel de développement durable. Son dirigeant et fondateur, Thierry Jacquet est un pionnier de la Phytorestauration en France. Il a acquis plus de 15 ans d'expériences de maîtrise d'œuvre au sein de la société Site et Concept, de recherches scientifiques internationales et de mises au point de techniques fiables, avant de se lancer dans cette aventure écologique.

La Phytorestauration vise à préserver les ressources essentielles que sont l'eau, les sols, l'air mais aussi la valeur sociale,économique, écologique et paysagère des sites traités. Testée sur des cas difficiles comme les sols contaminés aux métaux lourds ou aux déchets radioactifs, cette méthode progresse chaque jour en terme d'efficacité et de traitement paysager. Le marché a été évalué par l'Agence Protection de l'Environnement (EPA) à plus de 70 milliards de dollars pour les USA et l'Europe…

Différents types de techniques peuvent être initiées en un même lieu. Les jardins filtrants pour l'eau, composés de zones humides artificielles combinent les différentes composantes d'un écosystème : végétaux supérieurs, micro-organismes, sols (matériaux alluvionnaires, pouzzolane, tourbe…). Cela permet de traiter les eaux usées (élimination des charges organiques, de l'azote, du phosphore, désinfection des germes…) aussi bien qu'avec une station d'épuration et d'apporter une solution écologique par la constitution d'un véritable jardin public paysager.
Les jardins filtrants pour les boues et sols sont des alternatives écologiques et économiques à l'enfouissement et à l'incinération. Constitués d'une succession de casiers creusés dans le sol, ils utilisent la capacité d'épuration de la nature (végétaux, micro-organismes, activateurs, substrats) pour traiter les sols pollués (friches industrielles, boues d'épuration, contamination aux hydrocarbures, aux métaux lourds, aux pesticides…). Les polluants sont alors bio-dégradés, piégés en un volume très réduit, transformés sous des formes naturelles non bio-disponibles. La partie non toxique est transformée en terreau réutilisable pour amender les espaces verts ou les champs.
Enfin, un jardin filtrant pour l'air est un filtre végétalisé capable de traiter les gaz viciés et certains gaz à effet de serre, d'éliminer les mauvaises odeurs et de détruire une grande partie des germes (désinfection).

Recycler les polluants en ressources naturelles

Le 19 juin 2004, l'équipe de Thierry Jacquet a inauguré un jardin filtrant pour l'eau usée zéro rejet à Escamps dans l'Yonne, aux côtés de M. Chaton, Maire de la commune et de personnalités de la région. Au centre du village de 800 habitants, se trouve un parc regroupant une aire de jeux pour jeunes enfants, des terrains de sport ainsi qu'un vestiaire. Au milieu de ce parc, le jardin filtrant traite les eaux usées de la commune et sert même en partie de pas de tir à l'arc. Un espace est réservé pour l'entretien : les plantes fauchées servent à faire du compost réutilisé comme engrais pour le parc. Voici son principe de fonctionnement :
La totalité des effluents bruts est acheminée vers le jardin filtrant par un réseau séparatif enterré. Après un simple dégrillage, les eaux usées brutes traversent un premier étage (filtre vertical) qui débarrasse l’eau de ses charges organiques. L’eau traverse ensuite un filtre horizontal qui traite les germes, l’azote et autres divers polluants. Au bout du jardin filtrant, une aire d’infiltration et d’évapotranspiration traite l’eau résiduelle de manière à assurer zéro rejet à l’extérieur du site.

Pour ses clients, Phytorestore analyse les polluants rejetés, puis conçoit, construit et entretient des jardins filtrants afin de traiter de façon spécifique le type de pollution. Le principe de base est de restaurer les ressources naturelles par le biais de procédés non destructifs. Les polluants ne sont pas détruits mais sont changés en ressources naturelles, d'où le terme de "phytorestauration".

Le temps de création d'un jardin filtrant dépend du site et de sa pollution. En moyenne, il faut 3 jours d'installation chez un particulier et un mois pour un industriel. La société construit des kits de traitement à base d'alvéoles qui assurent l'étanchéité pour les petites collectivités, les piscines et les maisons individuelles. A plus ou moins long terme, ils constitueront des solutions économiques et durables pour les besoins des pays en voie de développement.

Un succès grandissant

Si au début de l'aventure, Site et Concept s'est illustrée surtout en tant que concepteur de ces jardins, Phytorestore sera maintenant un acteur industriel qui construit et exploite ses réalisations. La création de la société a été soutenue par des financiers industriels importants dans le domaine de l'acier.
Les 80 m2 de locaux de la société se trouvent certes à Paris, mais plusieurs centres de phytorestauration en France sont à l'étude.

L'entreprise compte actuellement 8 personnes, effectif qui devrait évoluer avec son développement. Un réseau de professionnels forment les employés : du chimisteà l'ingénieur hydrogéologue spécialiste des plantes. Actuellement, 10 projets de jardins filtrants sont en cours de montage en France et à l'étranger.

Thierry Jacquet est le concepteur et maître d'œuvre des jardins filtrants de la station d’épuration du SIVOM d'Honfleur qui sera inaugurée le 5 novembre prochain. Il s'agit du plus grand site d'aménagement en phytorestauration (4 hectares) traitant simultanément l'eau, les sols et l'air.
Après traitement biologique dans la station d’épuration, les eaux usées parcourent 16 chenaux plantés d’espèces végétales épuratives qui permettent de diminuer ou d’éliminer les germes et autres charges polluantes résiduels : nitrates, phosphores... À l’issue de ces chenaux, l’eau circule à travers deux taillis courte rotation, qui terminent l’affinage du phosphore, avant d’être rejetée dans la rivière Morelle.
Constitués d’une succession de casiers creusés dans le sol, les jardins filtrants de la station d'Honfleur permettent de réduire les volumes et la masse de boues issues de la station d’épuration, de les minéraliser et d’en filtrer les polluants. Ces boues urbaines pourront dès lors être utilisées comme amendement pour les espaces verts ou les champs. L’air est, quant à lui, traité dans une serreà l'intérieur de la station d'épuration qui permet de désodoriser, par filtre végétalisé, pour les mauvaises odeurs H2S, COV….

Le succès de ces jardins filtrants devrait amener l'équipe de Phytorestore à s'agrandir, mais aussi à s'illustrer dans des manifestations professionnelles afin de présenter son savoir-faire. En attendant, Phytorestore continue de développer ses jardins filtrants basés sur sa charte de qualité composée de 3 principes : un principe paysager pour que chaque jardin soit personnalisé, un principe de biodiversité (préserver les espèces végétales ou animales locales), et un principeéconomique (chaque site est conçu autant que possible avec les matériaux locaux disponibles). Une manière écologique de mêler l'utile et l'agréable…

N.B. : " Jardin filtrant " est une marque déposée à l’INPI par Thierry Jacquet.

M. HASLÉ