Juin 2006 - n°111

La société suisse Speedel a le vent en poupe

Speedel est une biopharma dont l’activité consiste à développer des composés destinés au traitement de maladies cardiovasculaires et métaboliques.
Le savoir-faire et l’expérience de Speedel dans le domaine de l’inhibition de rénine découlent de décennies de recherche au sein de compagnies pharmaceutiques majeures. Bientôt dix ans d’existence et une santé innovante en pleine dynamique !

L’aventure « Speedel »

La société biopharmaceutique Speedel est née en 1998 de la ténacité du Dr Alice Huxley.
Biochimiste de formation, le Dr Huxley a rejoint les laboratoires de Ciba Geigy en tant que chercheuse scientifique après y avoir accompli son post-doctorat au sein du département de biotechnologie. Elle y a occupé différents postes, assumant de plus en plus de responsabilités, aussi bien en recherche (particulièrement en endocrinologie) qu’en développement clinique où ses travaux se sont concentrés sur des projets relatifs aux maladies cardiaques et au cancer. Parmi les molécules travaillées par son équipe, figurent alors les inhibiteurs de rénines. Très vite, le Dr Huxley croit fermement en leur potentiel thérapeutique.

En 1998, la fusion des groupes Ciba Geigy et Sandoz amène Novartis à abandonner les travaux consacrés à un inhibiteur de rénine, le SPP100, alors en phase précoce - une décision prise en raison du processus de synthèse coûteux de la molécule, dont l’effet n’avait pas encore été clairement établi. Le Dr Huxley y croit pourtant. Refusant de voir mourir ce projet dans lequel elle s’était investie, elle annonce à Novartis que s’ils ne veulent plus développer ce projet, alors, elle s’en chargerait elle-même.

Depuis son propre grenier, et en quelques mois, Alice Huxley crée sa société, convaincant le Novartis Venture Fund (et DSM Venture Fund) d’avancer le capital de départ nécessaire à la création de « Speedel » – acronyme des mots anglais vitesse et développement. Elle persuade Novartis de lui céder les droits pour le développement de l’inhibiteur de rénine oral : le SPP100 (ensuite appelé Aliskiren) et en contrepartie, Novartis bénéficie d’une option de rappel si son développement s’avère fructueux.

Des recherches fructueuses

Les nouvelles thérapies développées par Speedel résultent des innovations et des solutions techniques qui ponctuent chaque étape de la vie du candidat médicament, de l’identification de son potentiel thérapeutique, à la fin de la phase II des essais cliniques. Une fois que son inoffensivité et sa biodisponibilité ont été prouvées, Speedel entre en partenariat pour la poursuite de la phase III des essais et la commercialisation du médicament. Lorsque le produit est destiné à une indication médicale spécialisée, alors Speedel cherche à conduire seul les essais cliniques de phase III.

Speedel acquiert ainsi des projets issus de :

- sa propre unité de recherche,« Speedel Experimenta », qui identifie de nouveaux composés prometteurs, et assure leur programme d’optimisation et de modélisation.
- Biotechs ou de start-up de recherche qui souffrent d’un manque de moyens ou de connaissances techniques pour poursuivre le développement de leur projet
- Big pharma qui pour des raisons techniques et/ou stratégiques, abandonnent leurs travaux dans un domaine particulier. Généralement, cette compagnie pharmaceutique exerce son option de rappel de droits une fois que le « proof of concept » a été établi en essais cliniques, pour poursuivre les essais et lancer la commercialisation du médicament.

Actuellement, le portefeuille de produits de Speedel contient 4 programmes de médicaments potentiels en essais cliniques, et 3 autres séries de programmes en phase de développement pré-clinique.

- Le SPP100 (Rasilez de Novartis)
C’est le produit phare de Speedel puisqu’il a été à l’origine de sa création. Il est aujourd’hui sous l’attention des analystes et spécialistes de l’industrie, qui voient en lui un « blockbuster » pouvant révolutionner le traitement de l’hypertension.
Le SPP100 est un inhibiteur de rénine qui agit sur le système naturel RAS : « le Rénine-Angiotensine System ». Le RAS consiste en une cascade métabolique en haut de laquelle se trouve l’enzyme appelée « rénine ». Elle transforme l’angiotensinogène en angiotensine I qui est lui même converti en angiotensine II par une seconde enzyme dénommée ACE (Angiotensine Converting Enzyme). L’angiotensine II agit sur des récepteurs cellulaires pour provoquer une vasoconstriction qui augmente la pression sanguine.
En bloquant la cascade à n’importe quel niveau, on empêche la vasoconstriction de se produire, une stratégie clef dans le traitement de l’hypertension.

En 2002, après que Speedel l’ait porté jusqu’en fin d’essais cliniques de phase II, les droits du SPP100 sont rachetés par Novartis. Le 20 avril 2006, le géant pharmaceutique suisse a déposé auprès de la FDA (Food and Drug Administration) un dossier d’enregistrement de nouveau médicament pour le SPP100 (rebaptisé Rasilez).
Si ce dossier de NDA (New drug Application) est accepté, le SPP100 sera le premier inhibiteur de rénine à être lancé sur le marché. Il sera utilisé en monothérapie ainsi qu’en pluri thérapie, c’est à dire couplé avec d’autres agents anti-hypertensifs comme des inhibiteurs d’ACE, des Bloqueurs aux Récepteurs à l’angiotensine II (ARB), ou encore des Bloqueurs de Canaux ioniques au Calcium (CCB).

- Le SPP301 – en phase III
C’est un antagoniste aux récepteurs d’endothéline de type A qui sont responsables de la vasoconstriction au niveau des vaisseaux cérébraux et du reste du corps. La fixation de certaines endothélines à ces récepteurs se poursuit non seulement par une hausse de la pression sanguine, mais aussi par la stimulation des contractions cardiaques, la libération de substances vasoactives, et la sécrétion de substances par des tissus comme les reins ou encore le foie.
En juillet 2005, Speedel a entamé les essais cliniques de phase III pour l’indication du traitement de la néphropathie hépatique – une complication hépatique due au diabète sucré. C’est la première fois que Speedel conduit seul un programme d’essai de phase III. S’il est lancé sur le marché, le SPP301 sera donc le premier traitement de sa catégorie à soigner la néphropathie hépatique.

- Le SPP200 (Pegmusiridin) – en phase II
Il s’agit d’une protéine recombinante pégylée qui agit comme un anticoagulant en tant qu’inhibiteur direct de la thrombine. Utilisée pour les patients diabétiques en phase terminale, et nécessitant d’être dialysés chroniquement, cette protéine permettrait d’éviter la formation de caillots au niveau de la greffe qui relie le patient à la machine à dialyse. Le SPP200 est actuellement en phase II d’essais cliniques aux Etats-Unis chez 125 patients dialysés. L’étude vise à comparer le profil de sécurité du SPP200 avec celui de l’héparine non fractionnée – le traitement standard utilisé aux USA lors des dialyses chroniques.

- Le SPP635 – en phase I
Sous les termes de l’accord avec Roche, cette molécule sera entièrement développée et - si elle s’avère efficace - commercialisée par Speedel. C’est une nouvelle génération d’inhibiteur de rénine dont la biodisponibilité est supérieure à celle du SPP100.

- Les séries SPP600 et SPP800
Majoritairement développés par Speedel Experimenta (en collaboration avec Locus Pharmaceuticals pour ce qu’il est de la série SPP800), ces projets sont actuellement en phase pré-clinique.

Aujourd’hui, Speedel a synthétisé et testé in vitro plus de 1100 nouveaux inhibiteurs de rénine, dont 54 ont été étudiés dans des modèles animaux durant les 3 dernières années. Tout au long de ces étapes et lorsqu’elle le jugeait nécessaire, la société a protégé ses découvertes par des brevets. Depuis peu, l’entreprise conçoit également les programmes de développement clinique en interne, endossant la responsabilité d’assurer la qualité des données collectées et retransmises, et en respectant les procédures de conformité.
La plupart des démarches purement cliniques sont confiées à des CRO (Contract Research Organisation) qui possèdent les infrastructures pour mener à bien les actions de recrutement des patients, d’études de toxicologie, etc…

Une unité de recherche efficace : Speedel Experimenta

Filiale du groupe , Speedel Experimenta a été créée pour donner à la compagnie de « drug development » la capacité de produire ses propres candidats médicaments – tout en gardant la possibilité d’acquérir les droits sur des molécules découvertes par d’autres compagnies. Trouver des molécules à vendre est en effet très difficile et aurait mis Speedel dans une situation de dépendance vis-à-vis d’autrui. C’est donc dans un souci de mieux contrôler son évolution que Speedel a commencé à mettre au point ses propres molécules.

Pour cela, une solide équipe scientifique à été bâtie : 35 techniciens et scientifiques travaillent en Recherche et 20 autres scientifiques et docteurs apportent leurs compétences et connaissances en Développement – soit une bonne majorité des 70 salariés de Speedel. Ces équipes pluridisciplinaires sont expérimentées dans de nombreuses spécialités telles que : la chimie médicinale, la chimie organique synthétique, la biochimie, la pharmacologie, la galénique (ou composition de médicaments) mais encore la modélisation moléculaire, la bioinformatique ou la cristallographie aux rayons X.

Aux commandes de Speedel Experimenta, se trouvent:
- le Dr. Dimitrios Goundis, Managing Director of Speedel Experimenta, qui détient un diplôme universitaire en Chimie, ainsi qu’un doctorat en Biologie Moléculaire. Avant d’intégrer l’équipe scientifique de Speedel en 2000, Dimitrios Goundis a tenu différentes positions chez Roche et chez The Medicines Company
- le Dr. Peter Herold, Director of Chemistry of Speedel Experimenta, qui possède un doctorat en Chimie Organique ainsi qu’une large expérience en drug discovery et chimie médicinale, disciplines pour lesquelles les nombreux postes qu’il a occupé chez Ciba-Geigy, Novartis et Solvias AG lui ont permis d’acquérir de solides compétences en terme de direction de projets.

Ils travaillent en étroite collaboration avec le Dr. Jessica Mann, Medical Director, qui est à la fois cardiologue et une spécialiste des pathologies cardiovasculaires avec une longue expérience en « drug development » académique et pharmaceutique dans de grandes compagnies pharmaceutiques tels que Novartis et Roche.

Partenariats avec différents géants pharmaceutiques

Novartis Pharma : le premier accord en 1998 a permis à Alice Huxley de développer le SPP100. En juin 2002, le SPP100 (depuis renommé Aliskiren) avait rempli avec succès les deux premières phases d’essais cliniques. Novartis récupéra donc ses droits sur la molécule, ce qui représenta pour Speedel, un premier paiement majeur qui servit dans le développement d’autres projets.

En avril 2002, Speedel obtient de Roche des droits mondiaux exclusifs pour son antagoniste aux récepteurs d’endothéline A, baptisé par la suite SPP301. Initialement, Roche garde une option de « call-back » en fin de phase IIb, mais en 2003, Speedel rachète cette option, s’assurant ainsi les droits exclusifs de développement mais aussi de commercialisation à l’échelle mondiale.

Dans le cadre de ses activités de développement scientifique, Speedel sait également s’entourer des meilleurs partenaires. C’est ainsi qu’en 2004, neuf mois à peine après que leur synthèse chimique fut mise au point, les composés de la série SPP600 ont fait l’objet d’une étude de microdosage chez l’humain grâce à un partenariat avec la société britannique Xceleron. Le principe du microdosage chez l’humain consiste à administrer en quantités minimes une molécule marquée radioactivement, de sorte que l’on puisse établir, après une analyse des résultats d’AMS ( Accelerator Mass Spectrometry), le profil ADME (Aborption, Distribution, Metabolism, Excretion) de la molécule testée. Les avantages de cette technique :

- La quantité de produit pharmaceutique actif à tester est si petite qu’elle n’engage pas de conditions de fabrication trop importantes
- Une durée de test de 4 à 6 mois seulement, en comparaison avec les 12à 18 mois nécessaires pour une phase I standard d’essais cliniques
- Un coût réduit pour la détermination de la toxicologie et de l’ADME.

Fort de ses atouts, Speedel souhaite devenir un leader en recherche, développement et commercialisation de produits thérapeutiques innovants pour le traitement de maladies métaboliques et cardiovasculaires -des marchés au potentiel commercial conséquent. Dans l’immédiat, l’entreprise va conduire le SPP301 dans sa 3e phase d’essais cliniques et optimiser son potentiel commercial, continuer le développement des autres produits candidats et ses programmes de recherche scientifique, et conclure de nouveaux partenariats.

A plus long terme, Speedel envisage de construire un portefeuille de produits commercialisés destinés aux maladies cardiovasculaires et métaboliques, de faire de ses inhibiteurs de rénine des traitements de référence pour ces domaines. Et prendre de vitesse ses rivaux !

M. HASLÉ