Octobre 2006 - n°114

Le projet AmiKana.BioLogics

Porté par Pablo Gluschankof, un chercheur passionné, le projet AmiKana.BioLogics, en incubation, se positionne sur le marché du diagnostic/traitement du VIH. La future société développe des outils d'analyse des résistances aux antiviraux et devrait se créer courant 2007.

Les dernières constatations de l’ONU font état de la croissance du nombre d’infections par le virus du Sida dans les pays développés. Un autre constat est inquiétant : l’émergence, chez les individus infectés et sous trithérapie, de virus mutés résistants aux traitements. . En effet, c’est le cas de 80 % de personnes atteintes du VIH de type 1, le VIH de type 2 touchant davantage la population africaine. Pour récapituler, environ un million de personnes, dans le monde, bénéficient d’un traitement (trithérapie), et 15% de nouveaux cas sont infectés par des virus résistants.
Les attentes de médecins prescripteurs, afin de pouvoir anticiper/prévoir la réponse thérapeutique d’un patient donné en définissant le caractère répondeur/résistant de la souche particulière qui infecte ledit patient, concernent aussi bien une interprétation simple et standardisée des résultats, de tests dit de « résistance », ainsi que la caractérisation des variants minoritaires résistant, ce qui représente moins de 20% du pool viral infectant l’individu.

Un projet doublement incubé

Docteur d’état en Biochimie et chercheur CNRS depuis 20 ans, Pablo Gluschankof a travaillé sur la levure pendant de longues années, un travail qu’il a toujours voulu « marier » avec un autre sujet. Il a par ailleurs travaillé sur le VIH, et plus particulièrement sur la résistance du VIH aux anti-rétroviraux. En 2003, Pablo Gluschankof décide de prendre pour cible un des enzymes du virus, la protéase, et de travailler sur le VIH 2 (moins bien traité que le VIH 1). En effet, il y a très peu d’informations sur les mutations de résistance du gène codant la protéase de ce virus. Avec le concours d’un ingénieur de recherche et d’une étudiante en thèse, ils mettent en place un test pour définir la résistance de la protéase du VIH 2 aux anti-rétroviraux. Séduits par cette approche, le CNRS et l’Université Aix-Marseille II, déposent un brevet en juin 2004 sur le procédé innovant.
L’idée de Pablo Gluschankof est d’orienter également ses recherches sur le VIH 1 pour s’ouvrir à un marché plus important et donc de créer l’entreprise AmiKana.BioLogics.
En mai 2005, le projet AmiKana entre chez l’incubateur Impulse. En juin, le projet est Lauréat du 7e Concours National du Ministère de La recherche d’Aide à la création d’entreprises innovante, catégorie « Emergence ».
En décembre 2005, le projet fait une double incubation à Grand Luminy (Biotechnologies) et est accepté en février 2006 pour suivre une formation de « management entreprise innovante « à HEC Paris). L’épopée d’AmiKana a continué récemment, en juillet 2006 : Lauréat du Tremplin des Entreprises, signe encourageant en Biotechnologie.
Pablo Gluschankof a le souhait de marier ses connaissances avec les besoins de la société : «En effet, il y a un besoin de casser la bulle qui entoure le chercheur, afin d’avoir une interaction plus concrète avec la société ».

Utiliser la levure comme modèle expérimental pour comprendre et agir sur les infections virales

La future mission d’Amikana Biologics est de créer et développer des outils de diagnostics, à l’aide de la levure, pour aider le médecin à améliorer le traitement de maladies d’origine virale, en passant d’abord par le Sida.
Actuellement, il existe de tests diagnostiques basés sur deux procédés distincts :
• phénotypiques à base de la production de virus recombinants, infectieux, en laboratoire sécurisé L3. Un Résultat d’analyse demandant 3 à 4 semaines de délai, 1500 $/deux cibles (non remboursable en France. Le marché est présent seulement aux USA).
• génotypiques à base de séquençage de gènes cibles et recherche des «signaux de
résistance» à l’aide d’algorithmes. Une interprétation relative de résultats (différents algorithmes selon les pays), jusqu’à 80 % de faux résultats pour certains médicaments. Un résultat d’analyse demandant 2 à 4 jours de délai, 145 €/cible remboursé par la Sécurité Sociale.
Rejoint par le Pr D Raoult, (APHM, Univ. Aix-Marseille II) Membre du Conseil Scientifique d’AmiKana.BioLogics,. Pablo Gluschankof se concentre sur le développement de la future offre d’AmiKana, basée sur son procédé levure breveté. En bref, ce procédé repose sur le fait que les activités enzymatiques virales (aussi bien la protéase que la transcriptase inverse) induisent de phénotypes de vie ou de mort aux cellules de levures qui les expriment. L’inhibition de ces activités par les principes actifs de médicaments antirétroviraux contrecarrent cet effet. C’est ainsi, qu’en mesurant la vie (ou mort) de ces cellules de levure exprimant les cibles thérapeutiques virales en présence d’inhibiteurs, on détermine le caractère répondant de souches virales.
Selon Pablo Gluschankof, son procédé a l’avantage d’être fonctionnel, donc indépendant d’algorithmes mathématiques puisque la résistance est mesurée dans une cellule, et peu onéreux du fait même de l’utilisation de la levure.

L’offre d’AmiKana.BioLogics

L’offre de la future société est composée d’un produit et de deux plate-formes de services :

- Un Kit de Diagnostic pour déterminer la résistance de deux cibles majeures du VIH (transcriptase inverse et protéase)aux antirétroviraux. Ce produit répond aux besoins du diagnostic pour le patient déjà en traitement, ainsi que pour celui venant d’être infecté. Il faut savoir que 15 à 20 % des personnes infectées le sont par des souches résistantes issues d’autres malades. L’utilisation de ce kit aidera le médecin traitant à diagnostiquer, d’une manière rapide et fiable, le caractère répondant/résistant des souches infectant l’individu et lui permettra dechoisir, lors du suivi du patient, le bon traitement à prescrire. Résultats sous 4-5 jours avec un prix identique à celui d’un génotypage.

- Une Plateforme d’analyse pour déterminer la présence de variants VIH minoritaires portant une résistance aux antirétroviraux (à proposer aux Hôpitaux). But : les médecins voudraient pouvoir agir sur les souches résistantes émergeantes dès leur apparition. Le système proposé par Amikana est le seul à pouvoir détecter les variants résistants représentant moins de 1% de la population virale du patient.

- Une Plateforme de Profiling de molécules à activité anti-rétrovirale (à proposer aux industries pharmaceutiques). Les sociétés pharmaceutiques recherchent de nouveaux inhibiteurs afin d’inhiber les souches résistantes et les souches sauvages. Amikana propose une banque de protéases VIH-1 mutées, et répertoriées selon leur phénotype de résistance..
Dans un premier temps, deux personnes (technicien et responsable) travaillent sur le lancement du kit, ensuite viendra le développement robotique de deux plate-formes après la création effective de la société Amikana. Dans sa 3e année d’exploitation, la société devrait avoisiner les 10 personnes.

Pour mener à bien son projet de création, l’équipe d’Amikana continue à travailler dans son laboratoire de recherche au sein de l’ « Unité des Rickettsies » de l’université d’Aix-Marseille II (à La Timone – Marseille). Un déménagement est prévu fin 2007 – début 2008 dans la future pépinière Biotech Luminy Marseille.
Le porteur du projet, Pablo Gluschankof, compte bénéficier de la loi d’innovation Allègre (2000), qui fait qu’un chercheur d’état peut être détaché jusqu’à 6 ans pour la création de sa propre société. Il peut ainsi se consacrer à 100 % à la valorisation de ses recherches. La date de création de la société se fera en fonction de l’avancement du plan de recherche et développement et des capitaux recueillis. Des levées de fonds prochaines sont d’ailleurs prévues, ainsi que la présentation de l’entreprise au concours d’aide à la création des entreprises, dans la catégorie « Création et développement » en 2007.

« Mon projet d’avenir ? Etre heureux ! », s’exclame malicieusement Pablo Gluschankof. « Mon but est de faire en sorte qu’Amikana Biologics devienne non seulement un leader dans son domaine, mais aussi que son produit devienne un standard dans le diagnostic de la résistance ». En attendant, il prépare la création effective de la société qui devrait intervenir lors du 1er semestre 2007. Mais un autre souhait profond du porteur serait que l’entreprise soit présente au moment où la trithérapie sera mieux distribuée en Afrique noire…

MH