Février 2007 - n°118

Centre Technique du Papier : l’innovation au cœur du papier

155 salariés dont 52 chercheurs et 58 techniciens de recherche, un chiffre d’affaires 2005 stable à 11,07 millions d’euros… Le Centre Technique du Papier de Grenoble : c’est 3 métiers inter-reliés : la R&D appliquée, le Conseil-Expertise et les Prestations d’appui des laboratoires. A bientôt 50 ans d’existence, il affine sans cesse le papier du futur…

Créé en 1957 sous la forme d’une association loi 1948, le Centre Technique du Papier (CTP) est un organisme de recherche et de développement industriel, d’expertise et d’information. Il fait partie des 17 centres techniques industriels français répartis par secteurs industriels. Sa mission est d’apporter le support technique et scientifique à l’industrie des pâtes, papiers, cartons et industries associées, clientes du CTP, dans le but d’accroître leur productivité et leur compétitivité, dans le respect de l’environnement et des lois nationales ou européennes en vigueur.

Vers une nouvelle orientation stratégique…

Dirigé par Jacques Sturm (Directeur Général) le Centre Technique du Papier apporte un soutien à l’industrie papetière :
- à travers le haut niveau de compétences de ses chercheurs et ingénieurs dans toutes les disciplines de la chaîne papier-carton,
- par sa situation géographique près des pôles scientifiques grenoblois,
- par ses capacités d’intervention sur les sites de production : prestations, conseils, expertises…
- par les performances de ses pilotes qui valident les améliorations des procédés étudiés en laboratoires,
- par sa base de données documentaires, ses études socio-économiques et sa veille technologique.
Ses clients se répartissent en deux catégories : les sites industriels en demande d’appuis technologiques concrets et de court terme pour leur compétitivité, les groupes industriels en recherche de solutions innovantes et de transferts technologiques correspondant pour se différencier sur le marché. « Les projets sont conduits avec nos clients qui supervisent la recherche, partagent les résultats et définissent les programmes à partir de leurs besoins », explique Gérard Galland, Directeur « Groupes Industriels ». « Les chercheurs du CTP travaillent ainsi en étroite collaboration avec ces industriels et s’engagent à satisfaire les besoins exprimés ».

Depuis 2003, le Centre Technique du Papier est en pleine réorientation stratégique, commerciale et managériale. « Le CTP a réorganisé ses activités de recherche appliquée, d’appui technique, de prestation et de formation aux sites industriels », précise Gilles Lenon, Directeur des Opérations « Sites Industriels ». Il s’agit d’une part de créer une nouvelle dynamique interne grâce à un management de proximité favorisant la communication et les échanges internes. Ainsi, les 10 Unités Scientifiques et Technologiques (UST) du CTP collaborent activement sur des projets novateurs :
- UST Eco-conception et Recyclage des Emballages
- UST Développement durable, Eau, Air, Energie
- UST Certification, Hygiène, Alimentarité, Santé
- UST Performances, Qualité, Normalisation des Papiers-Cartons
- UST Process Pâtes et Fibres Fonctionnelles
- UST Procédés de Désencrage
- UST Pâtes désencrées, chimie de la Partie Humide
- UST Nanotechnologies, Surfaces Fonctionnelles
- UST Technologie d’impression et Imprimabilité
- UST Capteurs – Modélisation, Traitement de données

Les laboratoires des différentes UST travaillent sur le contrôle qualité, la traçabilité, la conformité, la sécurité alimentaire, les risques industriels. Les accréditations portent sur les Essais Physiques des papiers et cartons, ainsi que sur les analyses chimiques, sensorielles et des essais de migration des papiers et cartons destinés au contact alimentaire… Autant de missions qui peuvent aussi être effectuées sur site, chez les clients, grâce aux véhicules laboratoires du Centre (bilan de fonctionnement de station d’épuration, bilan thermique sècherie, bilan contaminant, etc…).

D’autre part le Centre doit accroître ses performances par l’anticipation des besoins des clients et par la créativité pour plus d’innovation face à la concurrence. Pour cela, le CTP s’appuie sur le Comité des Programmes, constitué d’industriels, qui débat des priorités du Programme Général de Recherche (PGR) du Centre.

Les programmes de R&D au CTP

« Chaque jour, nous faisons progresser le papier… »
La R&D du CTP s’inscrit dans une finalité industrielle de transfert technologique. Le Programme Général de Recherche se focalise sur 4 axes principaux :
- Le Programme de Recherche Pâtes Vierges, développé en 2005 en partenariat avec l’AFOCEL dans le cadre d’InTechFibres. Le programme comporte 5 nouvelles thématiques : valorisation de la diversité naturelle, compréhension et amélioration des procédés de mise en pâte, développement des biotechnologies, caractérisation des fibres/modélisation prédiction, amélioration de la qualité des pâtes et de leurs utilisations.
- Le Programme de Recherche Fibres Recyclées a des thèmes bien définis depuis plusieurs années : assurer à l’industrie papetière une ressource en fibres recyclées de qualité et développer des outils et procédures permettant le contrôle qualité de papiers récupérés, diminuer les coûts de production pour l’optimisation des procédés, améliorer la qualité des pâtes obtenues et optimiser leur utilisation.
- Le Programme de Recherche Environnement qui a été recentré autour des thèmes : développement durable, qualité de l’eau, énergie, propreté des process.
- Le Programme de Recherche Qualité des Produits qui s’articule autour du traitement de surface, de l’imprimabilité, de la caractérisation des papiers et imprimés ou encore des propriétés des papiers.
Un Conseil scientifique, constitué de 9 personnalités scientifiques renommées garantit la qualité scientifique et technique du PGR et des travaux menés. Il donne un avis sur les programmes d’ensemble avec leurs orientations.

Un exemple concret d’une R&D de valeur ajoutée : le concept « Chimie Verte » dans la filière papetière pour la valorisation des sous-produits de l’industrie des pâtes et papiers… Explications techniques…
Dans l’industrie du bois et plus particulièrement lors de la production de pâte et papier, des quantités importantes de sous-produits tels que écorces et copeaux déclassés (riches en nœud) sont générés. En général, ces déchets sont destinés à la production d’énergie sur site (brûlé en chaudière). Dans le cadre du Vème Programme Cadre, le Projet Européen ‘CERBERUS’ (QLK5 CT-2002-01027) réunissant l’INRA–UBHM (Massy, FR), University of Westminster – Biotechnology Department (London, UK);Abo Akademy University – Laboratory of wood and Paper Chemistry (Turku, FIN), MCA Research Laboratory Ltd. (Turku, FIN) et le CTP -co-ordonnateur, a permis d’étudier concrètement la valorisation de ces déchets pour la production de substances bio-actives de type microbicide, slimicide, anti-oxydant et pharmaceutique.
Les arbres sont connus pour contenir diverse substances bio-actives dont les concentrations ne dépassent pas 2% en général. Les écorces, renferment quant à elles beaucoup de substances extractibles (10 à 30%). Les nœuds de bois contiennent jusqu’à 100 fois plus de substances extractibles que le bois. Dans le cadre du projet CERBERUS, sept espèces de bois ont été étudiées : pin maritime, pin noir, sapin, mélèze, chêne, peuplier, eucalyptus. Un travail important d’identification et de quantification des composés extractibles contenus dans les écorces, les nœuds et le bois (par GC/FID, GC/MS) a été mené par le CTP, en parallèle à un screening des propriétés bio-actives (anti-bactérienne, anti-adhésive et anti-oxydante), a permis de mettre en évidence des extraits particulièrement prometteurs. L’étude a ainsi établi une liste des extraits/échantillons les plus intéressants selon le type d’application. Des premiers contacts avec les industriels du secteur concerné ont été initiés.
Le développement à l’échelle pilote d’une technologie innovante pour l’isolation des copeaux riches en nœuds, en partenariat avec l’Université d’Abo Akademi et Oy Separation Research Ab a été un des principaux succès du Projet. Il a été mis en oeuvre sur des copeaux déclassés industriels de sapin (Abies alba) provenant d’une usine française. Le rendement d’extraction en substances d’intérêt a atteint 19%. La valorisation de 100 m3/an de nœuds conduirait à 6 tonnes / an de substances actives.
Des écorces industrielles de peuplier ont également été étudiées à l’échelle semi-pilote. Le rendement d’extraction des écorces s’est élevé à 9%, avec principalement des composés phénoliques. La revalorisation de 20 tonnes / jour d’écorce permettrait de purifier 250 kg/j de composés bio-actifs

Compte tenu des quantités de matières premières utilisées et de déchets générés (écorces, copeaux déclassés riche en nœuds, liqueurs, etc.) l’industrie papetière se prête plutôt bien à la mise en place d’une filière ‘Chimie verte’ de revalorisation de ses sous-produits dans la cadre de la productions de substances bio-actives et/ou de bio-composés en remplacement des produits chimiques issus de la pétrochimie. De nombreuses perspectives d’études sont maintenant en discussion dans le cadre des pôles de compétitivités français et internationaux, et du 7ème PCRD européen, entre le CTP, des instituts et centres de recherche et acteurs industriels des domaines concernés.

Fort de ses nombreux atouts, le CTP n’a de cesse de faire évoluer ses recherches et de rester un grand centre français de l’industrie papetière. « Pour un monde en développement durable, il faut des ressources renouvelables, recyclables, biodégradables », estime Jacques Sturm. Un défi que le CTP compte bien relever…

M. HASLÉ