Septembre 2008 - n°135

La société lyonnaise NETRIS-Pharma est née !

NETRIS-Pharma est née le 25 juin 2008. Elle est la 100ème entreprise créée via l’incubateur lyonnais CREALYS. Sa mission est de découvrir et de développer de nouvelles molécules anticancéreuses. Le 27 juillet 2008, la nouvelle approche de l’entreprise appliquée au cancer du poumon a été retenue parmi les 5 recherches financées à hauteur de 4,1 millions d’euros par le Cancéropôle Rhône-Alpes Auvergne et les partenaires industriels.

Le nom de « NETRIS-Pharma » est inspiré de « NETR » qui signifie "celui qui guide" en sanscrit. Le projet, porté par Agnès Bernet, enseignante-chercheur, s'inscrit dans la catégorie Biotechnologie-Sciences du vivant. Il est issu de la découverte d'une molécule, l'Anétrine, dont le développement concrétise une nouvelle approche thérapeutique en vue du traitement des formes métastasiques du cancer du sein : cancer actuellement incurable. Cette première molécule thérapeutique ciblée ("prescription du bon médicament à la bonne personne") repose sur un concept innovant, basé sur un nouveau mécanisme d'action, celui des récepteurs à dépendance découvert en 1998 par le Dr.Patrick Mehlen.

Proposer une thérapie anticancéreuse d'un genre nouveau

Le concept des récepteurs à dépendance a été découvert par Patrick Mehlen au Buck Institute (USA) et a été publié en 1998. Les travaux liés à ce concept se poursuivent actuellement au sein de l'unité CNRS UMR 5238 « Apoptose, Cancer et Développement », à Lyon. Créé spécifiquement en janvier 2007, et dirigé par Patrick Mehlen, ce laboratoire est installé au Centre anticancéreux régional Léon-Bérard. Également unité de recherche de l'Université Claude-Bernard Lyon I, il est à l'origine de l'identification de la plupart des récepteurs à dépendance connus à ce jour, soit une dizaine. Lorsque le Centre Léon-Bérard a proposé d'accueillir le laboratoire de Patrick Mehlen, l'équipe du chercheur du CNRS a souhaité rechercher un lien entre ses travaux et le cancer. Sa rencontre, au Centre anticancéreux, avec le Docteur Thomas Bachelot lui a notamment permis d'accéder à la banque des biopsies de tumeurs du sein primaires. La collaboration débute ainsi, pour prendre la forme d'une mise à disposition de moyens financiers et humains. Aujourd'hui, les recherches sont réalisées en lien étroit avec les oncologues du Centre Léon-Bérard qui apportent, en amont, une réflexion clinique. Et le CNRS, désigné comme représentant des titulaires du brevet, a choisi d'accompagner le projet de création de l'entreprise NETRIS-Pharma.

Les récepteurs à dépendance sont des protéines transmembranaires qui reçoivent des signaux pour les transmettre à l'intérieur des cellules. Ils se comportent comme des "interrupteurs moléculaires" actionnés par une molécule soluble, le ligand, présent dans l'environnement des tissus. En présence du ligand, les récepteurs transmettent à l'intérieur des cellules, un signal de prolifération. En l'absence de ligand, ces récepteurs possèdent la propriété de ne pas être inactifs : ils induisent un processus actif de mort cellulaire (apoptose). La cellule devient donc dépendante de la présence du ligand pour survivre, d'où le nom de "récepteur à dépendance". Il est ainsi possible d'agir à l'extérieur de la cellule, de proposer une thérapie anticancéreuse d'un genre nouveau.

Le projet NETRIS-Pharma consiste donc à développer des molécules thérapeutiques innovantes capables d'empêcher l'interaction entre le ligand et son récepteur et, ainsi, de rétablir le processus normal de mort cellulaire. Cette approche permettra de traiter les stades avancés de certains cancers pour lesquels peu de solutions thérapeutiques sont efficaces. La première molécule développée par NETRIS-Pharma a été baptisée Anétrine. Après les tests réalisés in vitro et in vivo chez la souris, l'enjeu est le passage à la thérapie humaine. Un plan de développement pré-clinique précis a été élaboré en vue d'une première administration chez le patient prévue fin 2009.

Trois fondateurs expérimentés et un incubateur

Agnès Bernet, enseignante-chercheur en biologie moléculaire et cellulaire, rejoint l'équipe de Patrick Mehlen au sein du Centre Léon Bérard dès 2002. La découverte initiale permet d'identifier de nouvelles molécules. Plutôt que de confier immédiatement leurs brevets à l'industrie pharmaceutique, et de voir leurs nouvelles molécules transformées en médicaments bien des années plus tard, tous deux décident de gagner du temps et de se charger eux-mêmes des phases de recherche appliquée. Pour cela, ils décident de créer une entreprise : NETRIS-Pharma, qui a pour objectif de développer des molécules issues de la recherche fondamentale, jusqu'aux phases cliniques I et II (tests de toxicité, puis d'efficacité chez l'homme), avant de proposer aux industriels le rachat des licences.

Agnès Bernet rencontre en 2005 pour la première fois Nadia Kamal, en charge des projets sur la thématique sciences de la vie-biotechnologie au sein de CREALYS. Pour l'enseignante-chercheur, deux solutions : s'entourer des bonnes compétences pour diriger une entreprise, ou les acquérir elle-même. Patrick Mehlen fait le choix de rester en amont, de contribuer à l'entreprise depuis le laboratoire académique CNRS UMR 5238 « Apoptose, Cancer et Développement », au Centre Léon-Bérard. Le projet NETRIS-Pharma entre en incubation chez CREALYS en 2006 et Agnès Bernet opte pour la recherche d'une troisième personne aux compétences complémentaires, capable de prendre en charge l'aspect managérial. Une quête difficile jusqu’à la bonne rencontre en Novembre 2007. Rodolphe Pasquier-Desvignes quitte l'industrie pharmaceutique et rejoint le projet.

Les trois associés créent leur entreprise, NETRIS-Pharma, le 25 juin dernier sous la forme d’une SAS au capital de 40 000 Euros. Les trois jeunes quadras partagent la même ouverture d'esprit, le même enthousiasme et la même vision de la complémentarité des compétences.

Entre-temps, le projet a obtenu la reconnaissance de l’état à travers l’obtention du Prix Oséo « Emergence » en 2006, puis « Création/Développement » en 2008 dans le cadre du concours du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

« Cette aventure ressemble davantage à des portes que l'on ouvre, plutôt qu'à un parcours semé d'embûches. Il faut être motivé, croire en son projet ! Nous sommes dans une spirale positive. Pas question de décevoir tous ces gens qui nous ont fait confiance !", explique avec enthousiasme Agnès Bernet. " Nous sommes quasiment les seuls à chercher dans le domaine des récepteurs à dépendance dans le monde et, potentiellement, nous avons une dizaine de molécules nouvelles à proposer ! Notre concept est innovant, nous avons envie de nous en charger nous-même, de garder la main mise le plus longtemps possible sur notre projet et d'aller vite pour proposer le plus rapidement possible une solution thérapeutique à ceux qui en ont besoin. »

Avec la création de NETRIS-Pharma, est créée une plateforme thérapeutique dédiée à ce savoir-faire scientifique sur un terrain peu exploité à ce jour. L'équipe de Patrick Mehlen est quasiment la seule au monde à travailler sur le concept des récepteurs à dépendance. La vocation de NETRIS-Pharma est de découvrir et de développer de nouvelles molécules anticancéreuses, contre le cancer métastasique du sein mais aussi contre d'autres types de cancer, et ce jusqu'à démonstration de leur efficacité. Sur la base des éléments scientifiques disponibles à ce jour, le marché ciblé visé pour l’Anétrine sera dans un premier temps celui du cancer du sein à un stade avancé. Le marché des thérapies ciblées a en effet connu au cours de ces dernières années une croissance exceptionnelle car, parmi les anticancéreux les plus vendus, quatre sont des agents ciblés. L’Anétrine pourra donc être développée dans d’autres indications : marché majeur (cancer du poumon) ou indication de niche comme le neuroblastome (tumeur maligne du jeune enfant).

Outre les 3 fondateurs, NETRIS-Pharma s’est adjoint les compétences d’un partenaire extérieur, Denis Ravel, consultant spécialisé en développement clinique des molécules. Prochainement, l’équipe envisage de s’étoffer pour aller jusqu’à 10 personnes (gestion de projets, gestion du quotidien, ingénieurs et techniciens). Rodolphe Pasquier-Desvignes est Président de NETRIS-Pharma.

La première levée de fond devra permettre d'obtenir 1,5 à 2 millions d'euros pour aller jusqu'en phase clinique. Mais il faudra atteindre les 8 à 10 millions d'euros pour parvenir jusqu'à la cession d'une licence. Les fondateurs tablent sur la cession de la première licence en 2012 pour assurer le financement des autres molécules en développement.

L'objectif de l'entreprise est de devenir leader dans le développement de nouvelles thérapies anticancéreuses basées sur ce concept innovant. Pour cela, le CNRS, l'Université Claude-Bernard de Lyon et le Centre Léon-Bérard, copropriétaire du brevet, cèdent la licence exclusive de l'Anétrine à NETRIS-Pharma. Dans un deuxième temps, NETRIS-Pharma entend développer une plateforme consacrée à la recherche et à l'identification d'autres molécules qui cibleront d'autres ligands des récepteurs à dépendance. Les travaux seront menés en amont, en collaboration avec le CNRS, avec le laboratoire dirigé par Patrick Mehlen.

M. HASLÉ

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