Octobre 1995 - n°1

PARTENARIAT EXEMPLAIRE ENTRE L'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) et six industries de transformation de la soie principalement situées dans la région Rhône-Alpes.

6 ANS POUR UN TRANSFERT DE BIOTECHNOLOGIE

L'Unité Nationale Séricicole (U.N.S.) a été créée lors d'une réunion interministérielle tenue à l'Hôtel Matignon le 8 Février 1979. L'U.N.S. s'est installée dès le départ dans la région lyonnaise, sur un domaine du 17ème siècle, permettant la culture du mûrier, seule alimentation possible pour le ver à soie.

Le passé de la ville de Lyon, capitale historique de la soie, la présence de l'Institut Textile de France (I.T.F.), héritier de la Condition des soies, et la proximité des industries de la soierie et des activités de production en sériciculture expliquent ce choix géographique.

L'U.N.S. a été rattachée à l'INRA en 1991. Dirigée depuis 1986 par Mr Chavancy, l'équipe de l'U.N.S. regroupe 4 chercheurs, 5 ingénieurs et techniciens et 1 étudiant en thèse. L'U.N.S. possède aujourd'hui des animaux hybrides , capables de produire de la soie en quantité, dans une qualité irréprochable.

Pour parvenir à ce résultat, l'U.N.S. a dû dans un premier temps développer la culture de mûriers, afin d'alimenter les insectes. Elle détient une véritable collection de mûriers , qui permet la sauvegarde du patrimoine génétique et la multiplication de plants adaptés aux conditions de culture les plus diverses.

Pour assurer la poursuite de ses activités en période hivernale, l'U.N.S. a mis au point de nouvelles technologies d'élevage, en développant et en utilisant l'alimentation artificielle pour le ver à soie.

Actuellement l'U.N.S. possède plus de 60 variétés de vers à soie Bombyx mori qui présentent des caractéristiques physiologiques et génétiques variées.

Une telle collection est unique hors des pays asiatiques.

L'action de l'U.N.S. s'articule autour de 3 axes de recherche :

Le premier est basé sur des recherches en génétique quantitative, dans le but de mettre au point des variétés polyhybrides performantes sur le plan séricicole, c'est-à-dire capables de donner des quantités importantes de soie de très haute qualité.

Le second concerne des recherches qui utilisent le ver à soie comme outil biotechnologique. Il s'agit, grâce aux méthodes de la génétique moléculaire et du génie génétique, de transformer le patrimoine héréditaire de l'insecte pour obtenir, dans la glande séricigène, la production de protéines d'intérêt économique (pharmaceutique, médical, agronomique...) qui seront synthétisées et sécrétées avec la soie.

Le troisième axe de recherche consiste à étudier le mode d'action des Régulateurs de Croissance des Insectes. Ces produits, nouvellement utilisés en agriculture, entraînent le dérèglement du développement des insectes et, chez le ver à soie, l'absence de filage du cocon. Les doses actives chez le ver à soie sont extrêmement faibles, si bien que des mûriers situés à bonne distance des zones d'utilisation des produits, peuvent être suffisamment «contaminés» pour induire des pertes économiques importantes.

Le mode d'action cellulaire de ces nouveaux produits est encore inconnu, or cette connaissance est indispensable, si l'on veut lutter contre leurs effets dans les pays producteurs de soie.

Pour réaliser ses objectifs, l'U.N.S. a doté ses laboratoires des techniques les plus sophistiquées. Des méthodes d'analyse classique en biochimie jusqu'au spectro de masse, l'U.N.S. utilise tous les outils modernes de la biologie moléculaire pour l'analyse du génome, du séquençage du gène à l'étude de son expression.

Une coopération Internationale

L'U.N.S., qui héberge le siège de la Commission Séricicole Internationale (C.S.I.), a une forte voca- tion internationale. Notons que la C.S.I., dont le Secrétaire Général est également l'actuel Directeur de l'U.N.S. a été, jusqu'à l'installation d'Interpol, la seule organisation intergouvernementale ayant son siège dans l'agglomération lyonnaise. Aujourd'hui la C.S.I. compte 13 états membres et rayonne sur plus de 40 pays, avec une centaine de membres associés.

Les recherches effectuées à l'U.N.S., en relation étroite avec d'autres laboratoires français -en particulier l'Unité Mixte de Recherche CNRS/Université Lyon I du Centre de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire- sont le support de plusieurs collaborations avec des laboratoires étrangers (Italie, Belgique, Japon, Etats-Unis, Inde...). L'une de ces collaborations fait d'ailleurs l'objet d'un programme soutenu par l'Union Européenne.

A la demande de la Banque Mondiale, de l'union Européenne, du Gouvernement Français, d'Etats étrangers ou d'Organismes privés, l'U.N.S. intervient dans le domaine de l'expertise technico-économique et en tant que consultant dans de nombreux projets séricicoles.

Des actions ont ainsi été menées en Côte d'Ivoire, à Madagascar, au Mexique, en Colombie, en Inde, au Maroc, en Chine, au Brésil, au Japon... Cette très large activité internationale a contribué à renforcer l'image de Lyon comme Centre Mondial de la soie.

La mise en route du Projet EUROCHRYSALIDE

Les industries de transformation de la soie, situées essentiellement en région Rhône-Alpes, dépendent exclusivement de la Chine pour leur approvisionnement en matière première : le fil de soie grège (fil de soie brute obtenu après dévidage des cocons). L'Industrie en consomme et donc en importe plus de 500 tonnes par an.

La Chine est dans la pratique le seul pays qui produit un fil de soie d'une qualité suffisante pour être utilisé par les industriels européens. La vitesse de travail des machines à tisser européennes exige une qualité irréprochable.

Face à ce monopole chinois, 6 industriels français se sont regroupés et ont fondé EUROCHRYSALIDE, une Société Anonyme dont l'U.N.S. est le partenaire principal.

L'objectif d'EUROCHRYSALIDE est de mettre en place, en France, une filière technologique complète de production de soie grège -du mûrier au fil de soie- pour assurer un transfert de technologie. Ce modèle français grandeur nature, permettra le transfert de techniques d'élevage et de production du ver à soie vers des pays tiers, qui pourront devenir à terme de nouvelles sources d'approvisionnement en soie grège de qualité pour les Industriels Européens en général et Français en particulier.

* Le projet nécessite la mise en place des différents segments de la filière et fait intervenir tous les opérateurs français :

- la culture du mûrier (moriculture) et sa multiplication in vitro

- l'élevage moderne du ver à soie

- la multiplication des oeufs de vers à soie polyhybrides commerciaux (qui correspond au grainage)

- la génétique (sélection, hybridation) du ver à soie

- le dévidage des cocons (la filature)

- la classification des soies, plus simplement, les tests de qualité et la gradation de la soie.

* Les sites retenues sont les suivants :

- moriculture à Puechlong (Gard)

- filature à Mazel (Gard)

- plate forme de gradation de la soie à l'Institut Textile de France à Ecully (Rhône)

- élevage moderne et grainage au Pradel (Ardèche) avec l'appui scientifique et logistique de l'U.N.S.

Ce programme d'envergure bénéficie de financements issus de la communauté européenne et des régions Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon. Il repose en grande partie sur la création de la station de grainage du Pradel (ouverture prévue pour le Printemps 1996). Cette station produira des hybrides de vers à soie performants, qui seront vendus sur le marché international. Elle assurera aussi le transfert de technologie.

Pour l'obtention de vers à soie génétiquement aptes à cette production de qualité, EUROCHRYSALIDE à signé avec l'INRA une convention cadre et un contrat de recherches, pour la réalisation à l'U.N.S. des travaux nécessaires. Ce contrat représente un budget de 6,2 Millions de francs sur 6 ans. La réalisation complète d'EUROCHRYSALIDE représente un investissement de 45 millions de francs sur la même période.

En matière de bio-technologies, le ver à soie a, sans nul doute, un avenir prometteur.

 

B.BOUILLARD