Septembre 1996 - n°10

PRIX DU JEUNE CHERCHEUR DE LA VILLE DE LYON: Le Dr Patrick MEHLEN récompensé pour ses travaux

Le Dr Patrick Mehien, du laboratoire du stress cellulaire (CNRS/UMR 106 - 69622 Villeurbanne) a reçu récemment le prix du jeune chercheur de la Ville de Lyon pour son travail intitulé " Les petites protéines de stress: des protéines qui contrôlent la mort cellulaire"

Trois processus cellulaires majeurs sont essentiels pour réquler l'édification et le maintien d'un organisme: la division cellulaire qui permet à partir d'une cellule oeuf d'obtenir des milliards de cellules constituant l'organisme, la différenciation qui permet de spécifier chaque cellule à une tache particulière. Enfin, le dernier processus, la mort cellulaire, apparaît aujourd'hui comme un des thèmes de recherche les plus prometteurs puisqu'elle joue un rôle majeur tant dans l'édification que dans le maintien de l'organisme.
En effet, elle accompagne de nombreuses étapes du développement des organismes: I'exemple classique étant la régression de la queue du tétard à la métamorphose. Par ailleurs, le processus de mort cellulaire est essentiel au maintien de l'intégrité de l'organisme en participant activement d'une part à la maturation sélective du système immunitaire et d'autre part à l'élimination des cellules "potentiellement dangereuses" de l'organisme. Ainsi, une cytokine sécrétée par des cellules de type macrophage appelée ; TNF (Tumor Necrosis Factor) est capable d'induire le "suicide" de nombreuses cellules cancéreuses tant in vivo qu'in vitro. Tenter de comprendre pourquoi, alors que toutes les cellules de l'organisme reçoivent le même signal de suicide, seules certaines cellules et en particulier les cellules cancéreuses s'engagent dans un processus de mort cellulaires, devenait un pari fantastique.

Au sein de l'équipe du stress cellulaire dirigée par le Professeur A-P ARRIGO (Centre de Génétique Moléculaire de Lyon (CNRS UMR 5534) responsable: J. GODET), le Dr Mehlen et ses collogues ont montré qu'une protéine intracellulaire appelée "petite protéine de stress", (small stress protein) ou encore hsp27 pourrait jouer ce rôle d'élément discriminant. En effet, I'expression de cette protéine dans des cellules en culture suffit pour bloquer le processus de la mort cellulaire induit par le TNF (1). Cette protéine, qui n'était alors connue que pour être impliquée dans la réponse des cellules face à des modifications toxiques de leur environnement (élévation de température, oxydation du milieu...) (2) prenait alors une nouvelle dimension: celle de protéine régulant le processus de mort cellulaire.

En fait, I'action d'hsp27 ne se limite pas au blocage de la mort par le TNF, elle pourrait réguler la mort cellulaire en général. Ainsi, hsp27 est connue pour s'accumuler transitoirement lors de la maturation des Iymphocytes B et T Or, ces cellules sont le siège d'un intense processus de mort cellulaire dépendant de la stimulation de récepteurs membranaires appelés Fas/APO-1, ce qui permet ainsi d'éliminer les cellules B et T "non désirées" (soit plus de 95% de ces cellules). Très récemment l'équipe a pu montrer que l'expression d'hsp27 est en fait un élément suffisant pour bloquer la mort des cellules générée par la stimulation des récepteurs Fas/APO-1 (3). Par ailleurs, hsp27 est connue pour s'accumuler in vivo dans certains tissus et à certaines étapes du développement et on retrouve in vitro cette accumulation transitoire lors de la différenciation de nombreuses cellules en culture. Cherchant la signification biologique de cette accumulation,l'équipe a en fait montré qu'elle permet aux cellules d'éviter la mort cellulaire (4), la différenciation pouvant basculer semble-t-il assez naturellement vers la mort cellulaire.

Ainsi, dans de nombreuses étapes de l'ontogenèse de l'organisme, hsp27 pourrait représenter un élément important de la réqulation de la mort cellulaire. Le Dr Mehlen a alors cherché à comprendre les bases moléculaires de l'action d'hsp27. Dans de nombreux cas et en particulier suite à l'action du TNF, ia mort cellulaire semble liée à l'accumulation dans les cellules de molécules très réactives dérivées de la réduction de l'oxygène moléculaire, les radicaux libres oxygénés. Ces molécules produites par la cellule elle-même en attaquent alors les éléments essentiels comme les membranes cellulaires (peroxydation des lipides), les protéines (oxydation des protéines) et même l'ADN (fragmentation de l'ADN), ce qui pourrait conduire à la mort cellulaire. Il a alors été établi que l'expression d'hsp27 conduit à une baisse drastique du taux de ces radicaux libres oxygénés de telle sorte que les différents constituants cellulaires ne sont plus altérés, ce qui permettrait d'expliquer le blocage de la mort cellulaire (5). Plus précisément, le Dr Mehien a établi que hsp27, sous des formes biochimiques bien définies (6,7) élimine les radicaux libres oxygénés par l'intermédiaire du glutathion, un tripeptide présent en grande quantité dans toutes les cellules et connu pour être impliqué dans la détoxification des radicaux libres (5). Le mécanisme moléculaire par lequel hsp27 élimine les radicaux libres grâce au glutathion reste à l'heure actuelle une énigme et est le centre des préoccupations du laboratoire du stress cellulaire.

Ces travaux ont donc permis de proposer une nouvelle fonction moléculaire pour une protéine jusqu'ici mal connue et qui pourrait lui permettre de jouer un rôle central dans des phénomènes aussi importants et variés que le développement, la maturation du système immunitaire ou même l'auto-élimination des cellules cancéreuses de l'organisme. Comprendre la réqulation et le mécanisme d'action d'une telle protéine et éventuellement modifier son expression et/ou son activité pourrait permettre de mieux contrôler et/ou de "doper" l'organisme pour se défendre contre les cellules dangereuses pour son intégrité...

(*)Une bonne nouvelle n'arrive jamais seule: Mlle Munsch s'est vu remettre en juin 96 un chèque de 96 000 FF de la part de la BNP dans le cadre de son fonds destiné à la recherche médicale, en partenariat avec la Fondation pour la Recherche Médicale.

BB