Décembre 1996 - n°13

Rencontre avec Ellen Van Obberghen- Schilling, Directeur de recherche, INSERM, distinguée par la Fondation pour la Recherche ,Médicale pour ses travaux sur le récepteur de la thrombine

La Fondation pour la Recherche Médicale a décerné en 1996 deux prix de recherche fondamentale. L'un est revenu au Dr Judith Melki, Directeur de recherche INSERM (U393) et médecin consultant à l'hôpital Necker des Enfants-Malades, I'autre a couronné les travaux du Dr Ellen Van Obberghen- Schilling, Directeur de recherche INSERM au Centre de biochimie (CNRS UMR 134) de l'Université de Nice.
E. Van Obberghen-Schilling est américaine, elle est venue en France en 1980 pour réaliser sa thèse au sein de l'équipe nouvellement formée à l'époque par le Dr Jacques Pouysségur, au Centre de biochimie de Ni ce.
Les recherches de cette équipe sont orientées sur l'étude du contrôle de la division cellulaire et des mécanismes d'actions des facteurs de croissance.
E. Van Obberphen-Schilling consacre en partie sa thèse à la thrombine et à ses effets mitogènes sur des fibroblastes de poumon de hamster (lignée CCL 39). Surtout connue pour son action enzymatique protéasique dans le processus de coagulation sanguine, la thrombine exerce en effet de nombreux effets sur les cellules circulantes (plaquettes, leucocytes et Iymphocytes T) et sur les cellules de l'endothélium vasculaire.

La caractérisation des récepteurs de la thrombine
Après un post-doc de deux ans aux Etats-Unis, E. Van ObbergNen-Schilling revient dans le laboratoire dirigé par J. Pouyssépur et, en étroite collaboration avec J.C. Chambard, concentre ses travaux sur la caractérisation au niveau moléculaire des récepteurs de la thrombine, toujours sur les cellules CCL 39. En 1991, ses recherches aboutissent au clonage et à l'expression du récepteur de la thrombine des fibroblastes dans des ovocytes de Xénope. C'est une étape capitale franchie pour l'identification moléculaire de ce récepteur. Presque en même temps, une équipe de recherche américaine présente le clonage et l'expression du récepteur de la thrombine des mégacaryocytes humains. Les séquences en acides aminés du récepteur humain et du récepteur de hamster sont identiques à 80%. Le récepteur de la thrombine appartient à la famille des protéines à sept passages transmembranaires, c'est un récepteur couplé aux protéines G. Dans son grand domaine N-terminal extracellulaire, le récepteur possède un site de clivage spécifique à la thrombine. A côté de ce site, se trouve une séquence qui correspond au vrai lipand du récepteur. Comme l'activité protéolytique de la thrombine est nécessaire pour la plupart de ses actions blologiques, la présence d'un site de clivage par la thrombine indiquait que le récepteur était peut-être un substrat de la thrombine.
Pour mieux comprendre ce processus, I'équipe d'E. Van Obberphen-Schilling a réalisé en 1994 I'expression du récepteur dans une lignée de cellules embryonnaires humaines (HEK 293). Ce système d'expression a permis de démontrer pour la première fois que le récepteur est bien un substrat de la thrombine.
Le laboratoire a aussi mis à jour les voies de signalisation stimulées par le récepteur de la thrombine et il a par ailleurs étudié les mécanismes de désensibilisation de ce même récepteur.

Un intérêt médical et pharmaceutique
Plus récemment, I'équipe d'E. Van Obberphen-Schilling a débuté des travaux de recherche sur les cellules vasculaires et leur activation par la thrombine. Lorsque l'endothélium est lésé, la thrombine induit en effet la prolifération des cellules participant ainsi à la réparation de la paroi vasculaire. Mais la réponse proliférative des cellules musculaires lisses vasculaires joue également un rôle dans les complications cliniques survenant après une angioplastie coronarienne et une implantation de greffons vasculaires.
La thrombine est par ailleurs un puissant activateur des plaquettes sanguines et son rôle dans la ttrombose artérielle est maintenant reconnue.
" Nos résultats sur la structure du récepteur de la thrombine et sur les voies de signalisation qu'il stimule contribuent de façon considérable à la compréhension du mode d'action de la thrombine. Lensemble de ces données permettra d'identifier au niveau cellulaire et moléculaire les cibles spécifiques pour la prévention et le traitement éventuel de situations physiopathologiques chez l'homme„ conclut Ellen Van Obberghen-Schilling.

 

V.CROCHET