Janvier 1996 - n°4

LABORATOIRE DE BIOTECHNOLOGIE DE L'ENVIRONNEMENT - Valoriser les résidus / Eliminer les sources de pollution.

Installée depuis peu dans son nouveau bâtiment proche du centre ville de Narbonne, l'équipe du Laboratoire de Biotechnologie de l'Environnement (L.B.E.), dirigée par Mr René MOLETTA, bénéficie de locaux modernes et spacieux pour poursuivre dans les meilleures conditions la recherche sur le traitement des résidus agricoles et industriels.

L'objectif général du laboratoire consiste avant tout à étudier une valorisation possible des matières présentes sous forme soluble ou insoluble dans les effluents et dans les résidus solides.

Dans un deuxième temps, les chercheurs du L.B.E. considèrent leur transformation sous la forme la moins gênante pour la vie, avant leur rejet dans le milieu naturel.

Les pollutions générées par l'activité humaine sont d'origines industrielle, agricole et urbaine. Dans ce vaste champ d'action, le L.B.E. de Narbonne effectue des recherches sur le traitement des rejets des résidus agricoles et des industries liées à l'agriculture. Le but est de produire et de récupérer des molécules d'intérêt industriel et d'éliminer les pollutions carbonée, azotée et phosphorée.

Pour ce type de dépollution, l'utilisation de micro-organismes constitue un outil de choix. Pour effectuer ses travaux de recherche, le L.B.E. est composé d'une équipe pluridisciplinaire de 24 personnes avec des chercheurs spécialisés en génie microbiologique, en microbiologie, en automatique des procédés et en génie chimique.

Le L.B.E. accueille aussi une vingtaine de stagiaires par an, la plupart sont des jeunes préparant un diplôme de 3è cycle (Doctorat, DEA, Ingénieur...). Des ingénieurs détachés par des industriels peuvent aussi passer quelques temps au centre de transfert du L.B.E. (des locaux leur sont réservés) pour résoudre un problème ou améliorer un procédé.

Les thèmes de recherche :

Les thèmes de recherche consistent aussi bien en une approche fondamentale génératrice de connaissances qu'en une approche appliquée élaborant des procédés industriels testés au stade pilote.

- Production de molécules d'intérêt industriel :

Certaines levures et bactéries fermentent les sucres lignocellulosiques issus de résidus végétaux et produisent des molécules d'intérêt économique comme l'éthanol et le xylitol.

Avec comme source de carbone le glycérol, constituant majeur des résidus de distillation d'alcool, le microorganisme Gluconobacter oxydans par voie aérobie produit de la Dihydroxyacétone (D.H.A.). La D.H.A. est déjà utilisée en cosmétique comme agent autobronzant. La faisabilité de la production a été démontrée en milieu industriel (vinase de distillerie) et le procédé a été optimisé.

Par voie anaérobie, le glycérol est transformé par certaines bactéries comme Clostridium butylicum en 1,3- propanediol.

Cette molécule présente un intérêt nouveau dans la synthèse organique en remplacement du butanediol toxique.

Pour toutes ces fermentations, le L.B.E. étudie les moyens de maîtriser et d'optimiser la production de ces molécules à haute valeur ajoutée.

- Elimination des sources de pollution :

Le L.B.E. travaille sur les dépollutions carbonée, azotée et phosphorée des rejets agricoles et des industries liées à l'agriculture.

La dépollution carbonée est étudiée par le processus de digestion anaérobie en utilisant les eaux usées de papeterie et les rejets vinicoles comme modèles. La digestion anaérobie (ou méthanisation) consiste à mettre en œuvre un écosystème microbien anaérobie qui transforme la matière organique en méthane et gaz carbonique. Le laboratoire a largement contribué à la maîtrise de cette technique très performante. Le nombre d'implantations industrielles de ce type d'installation est en augmentation constante.

La digestion anaérobie ne touche pas la pollution azotée et il est donc nécessaire de compléter le traitement du carbone par le traitement de l'azote dans les effluents méthanisés pour avoir une filière de dépollution la plus complète possible. Le L.B.E. étudie notamment la mise au point de réacteurs adaptés aux effluents méthanisés. Il a été démontré récemment au laboratoire qu'il était possible de dénitrifier dans les réacteurs de méthanisation. Un réacteur de nitrification adjoint aux réacteurs de méthanisation permet un traitement du carbone mais aussi de l'azote.

En plus du carbone et de l'azote, la pollution phosphorée pose aussi des problèmes notamment avec l'eutrophisation des lacs. Des bactéries aérobies ont la capacité d'accumuler les phosphates sous forme de granules de polyphosphates dans certaines conditions de culture. Le L.B.E. étudie la mise en œuvre d'un système de déphosphatation biologique intégré à un procédé de dépollution carbonée et azotée.

- Automatique des procédés dépolluants :

Le L.B.E. est doté de spécialistes en automatique qui, en collaboration avec les autres chercheurs du laboratoire, aident à conduire la fermentation. Dans les procédés de dépollution il existe une grande variabilité (des effluents à traiter, des écosystèmes bactériens...). Pour cette raison, le fonctionnement du bioprocédé peut être amené à dévier de son état optimal.

En termes d'automatique, il s'agit de contrôler un système non linéaire, non stationnaire, à fortes perturbations en entrées pour minimiser les sorties et leurs variations.

- Biologie moléculaire :

Une nouvelle équipe du L.B.E. s'intéresse à l'identification des bactéries entrant dans la composition des différents écosytèmes bactériens. En effet, la composition exacte des consortiums bactériens utilisés en dépollution biologique est très peu connue et soumise à des variations qualitatives mais aussi quantitatives en fonction des substrats et des conditions de croissance dans les digesteurs.

Le L.B.E. s'attache donc à identifier les bactéries présentes dans un même fermenteur. La biologie moléculaire, séquençage automatique de l'ARN 16 s, rend possible cette identification. Déjà trois cents espèces différentes de bactéries ont été identifiées à partir d'une seule fermentation, ce qui tend à montrer que les écosystèmes bactériens sont plus complexes encore qu'on ne pensait.

Cette connaissance fondamentale permettra par la suite de définir des marqueurs et, à l'aide de sondes, de suivre la population bactérienne au cours d'une fermentation (dénombrement des différentes espèces bactériennes présentes par analyse d'image).

A côté de l'amélioration des connaissances, les recherches menées au L.B.E. ont permis des avancées technologiques importantes notamment :

* l'application industrielle de procédés de méthanisation.

* la mise au point d'un procédé industriel de conduite automatique des réacteurs de méthanisation.

Au-delà de la recherche scientifique, le L.B.E. intègre dans sa démarche les aspects technico-économiques de la valorisation et de la dépollution des effluents. Car l'application industrielle des biotechnologies n'est envisageable que si elle est performante mais aussi intéressante économiquement. Ainsi le L.B.E. travaille à la mise au point de réacteurs de méthanisation rustiques comme les lagunes anaérobies et les filtres à supports lignocellulosiques. Ces deux procédés sont particulièrement adaptés aux besoins économiques et techniques des PME / PMI qui contribuent pour une large proportion à la genèse de la pollution.

De plus, depuis 1996, le Laboratoire de Recherche de DEGREMONT sur l'oxydation à l'ozone s'est installé dans les locaux du L.B.E., pour mener avec lui des études sur le couplage des traitements chimiques et biologiques pour éliminer la DCO dite dure.

 

V.CROCHET