Février 1996 - n°5

Monsieur Pierre DUCIMETIERE Directeur de l'Unité INSERM U 258 reçoit le Prix de la Recherche en Nutrition.

Le 16ème Prix de la Recherche en Nutrition a été remis le 6 février 1996 à Monsieur Pierre Ducimetière pour ses travaux dans le domaine de l'épidémiologie cardiovasculaire et nutritionnelle.

Ancien élève de Polytechnique et Docteur es Sciences, Pierre Ducimetière a axé très tôt ses recherches sur les maladies cardiovasculaires. C'est avec le Professeur D. Schwartz (Villejuif) qu'il commence à s'intéresser à l'épidémiologie.

* Dés 1967, avec l'Etude Prospective Parisienne (EPP)*1, il participe à la coordination de l'une des premières grandes études épidémiologiques réalisées en France dans ce domaine. Son objectif : suivre l'évolution de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaire de plus de 7000 hommes, fonctionnaires de la ville de Paris. Cette étude, toujours en cours, a permis de faire avancer d'un grand pas la recherche sur les facteurs de risque cardiovasculaire. Elle a été notamment parmi les premières à décrire l'importance d'un taux d'insuline élevé et d'une obésité de type androïde (graisse située au niveau abdominal) sur le risque coronarien. C'est également l'Etude Prospective Parisienne qui a contribué à donner naissance au fameux paradoxe français en montrant que les facteurs de risques "classiques" (cholestérol, diabète, hypertension, tabac, alimentation,...) ne suffisaient pas à expliquer le faible taux de mortalité par infarctus des Français. De là, Pierre Ducimetière et son équipe se sont engagés dans d'autres études avec toujours l'objectif de mieux comprendre l'étiologie de cette maladie au niveau de la population.

* Avec MONICA *2, par exemple, ils étudient la grande variabilité géographique de la morbidité et de la mortalité coronariennes dans 3 régions de France et 27 pays du monde entier...

* Avec ECTIM *3 et PRIME *3 c'est le rôle de la génétique sur le risque coronarien qui est mis en avant...

* Avec EVA*4, ce sont des données sur le vieillissement artériel qui devraient voir le jour prochainement...

L'Epidémiologie est un complément indispensable aux autres approches scientifiques (études cliniques, travaux expérimentaux sur animaux, organes, cellules ou molécules...).

A travers le Prix de l'Institut Français pour la Nutrition, remis ce jour à Mr Pierre Ducimetière par MrPhilippe Lazar, Directeur Général de l'INSERM, c'est toute l'Epidémiologie Française qui est à l'honneur.

*1 EPP - Etude Prospective Parisienne : L'EPP 1, débutée en 1967, avait pour objectif de suivre la morbidité cardiovasculaire -jusqu'en 1977- et la mortalité -jusqu'en 1993- de plus de 7000 policiers.

Une seconde étude de ce type (EPP2) a débuté en 1982 et porte sur 4000 policiers et agents SNCF. Des résultats, concernant en particulier les apports alimentaires en acides gras, sont en cours de publication.

*2 MONICA - Monitoring of trends in Cardiovascular disease : MONICA est une étude internationale, coordonnée par l'OMS, qui vise à expliquer les variations importantes, parfois de sens divergents, de la mortalité coronarienne observée depuis 20 ans dans les pays industrialisés. Trente-neuf centres dans 27 pays participent au projet qui, depuis 10 ans, enregistre les infarctus récents du myocarde et les décès coronariens, étudie les traitements dispensés lors des épisodes aigüs et effectue des enquêtes de population sur le niveau des facteurs de risque et les mesures de prévention. Le projet MONICA-France inclut trois régions (Bas-Rhin, Haute-Garonne, Communauté urbaine de Lille) et un centre coordinateur (l'Unité INSERM 258).

Les données d'incidence des cardiopathies ischémiques dans le projet MONICA-France confirment la fréquence relativement basse de ces maladies en France (bien que la situation apparaisse moins exceptionnelle que ne le laissait supposer l'observation des seules données de mortalité).

Néanmoins, les facteurs de risques classiques et notamment les caractéristiques de l'apport alimentaire moyen des Français en lipides et leur niveau de cholestérolémie semblent insuffisants pour en rendre compte. Les habitudes de consommation d'alcool, d'autres facteurs de nature alimentaire et peut-être psychosociale, sont vraisemblablement en cause. Une nouvelle enquête de population ayant un volet nutritionnel est en cours.

*3 ECTIM (Etude Cas Témoins de l'Infarctus du Myocarde) et PRIME (Etude Prospective de l'Infarctus du Myocarde) : Ces 2 études sont actuellement en cours dans les trois régions de MONICA-France (Lille, Strasbourg, Toulouse) et en Irlande du Nord (Belfast), en collaboration avec de nombreux laboratoires de biologie.

* ECTIM est une étude cas-témoins qui a pour but d'apprécier les différences, en terme de facteurs de risque d'infarctus du myocarde, entre ces centres. Elle a déjà permis d'étudier de nombreux polymorphismes de gènes candidats analysés au SC 7 INSERM (F. CAMBIEN).

* PRIME est une étude prospective qui doit permettre de surveiller, pendant 6 ans, 10 000 hommes âgés de 50 à 59 ans (2500 dans chaque centre). Les résultats devraient permettre d'avoir, en particulier, des informations précises sur le rôle d'une alimentation riche en lipides et en antioxydants.

Des interactions avec des polymorphismes génétiques seront recherchées.

*4 EVA - Etude du Vieillissement Artériel : Cette étude longitudinale porte sur le vieillissement artériel carotidien et le déclin des fonctions cognitives. Plus de 1300 volontaires de la ville de Nantes, âgés de 60 et 69 ans, sont examinés, à trois reprises, tous les deux ans. Dans cette étude, coordonnée par les Unités INSERM 258 et 360 (A. ALPEROVITCH), une place importante est donnée à la biologie des radicaux libres.

 

B.BOUILLARD.