Mars 1996 -n°6

U293 / PARIS : Une nouvelle dimension pour le dosage de l'Hormone Antimüllérienne (AMH).

Mme Nathalie JOSSO, médecin et directrice de l'Unité INSERM U293 nous confie : "... au départ, je n'avais pas envisagé de faire de la recherche. C'est la rencontre avec le professeur Alfred JOST (27 Juillet 1916 - 3 Février 1991) au Collège de France qui a influencé ma carrière en l'orientant vers la recherche en endocrinologie. Le professeur JOST fut en quelque sorte le père spirituel de l'AMH, car il soupçonna très tôt l'existence de cette hormone. Mon équipe et moi, nous l'avons seulement purifiée et caractérisée...".

Très tôt le Professeur A.Jost a castré des fœtus de lapin in utero, afin de voir si les gonades jouent ou non un rôle dans la différenciation sexuelle. L'entreprise s'avéra rude. L'utérus acceptait mal d'être ouvert aux stades de la gestation qu'il était nécessaire d'explorer. Finalement, en 1947, le résultat expérimental est clair bien qu'inattendu : les fœtus des deux sexes, castrés au moment où leur appareil génital est encore au stade indifférencié, se développent comme des femelles. Après contre-épreuve, la conclusion s'impose : le testicule, par ses sécrétions, impose le sexe masculin à l'appareil génital contre une tendance féminine inhérente, c'est-à-dire que la féminisation survient, que des ovaires soient présents ou non : il suffit qu'il n'y ait pas de testicule. Autrement dit, pour masculiniser l'organisme, il faut que, sous contrôle génétique, se différencient d'abord des testicules qui, à leur tour, empêchent le reste du corps de devenir féminin. Les testicules exercent donc deux actions différentes : d'une part, ils stimulent le développement des canaux mâles et masculinisent les autres parties de l'appareil génital, d'autre part, ils font disparaître les canaux femelles, les canaux de Müller ; c'est une sorte d'action antiféminine. Or la testostérone, l'hormone testiculaire de l'adulte, lorsqu'elle est donnée au fœtus mâle castré ou à la femelle, est seulement masculinisante. Elle n'inhibe pas les canaux de Müller, comme le fait le testicule chez le mâle, ou une greffe de testicule sur le fœtus femelle. D'où l'interprétation, présentée en 1952 par Mr A. Jost, que le testicule fœtal produit probablement non seulement une hormone semblable à celle de l'adulte mais en plus une deuxième hormone inhibitrice des canaux de Müller.

Le mérite de l'indentification de l'hormone inhibitrice revient à l'équipe de Nathalie JOSSO qui, en 1984, a isolé et purifié cette hormone. Les chercheurs d'une entreprise américaine de génie génétique, sous la direction de Richard Cate, furent les premiers, en 1986, à établir la structure du gène de l'hormone humaine et bovine, devançant de peu l'équipe Parisienne. La production de cette hormone, après clonage du gène, a permis d'étudier en détail les propriétés de cet inhibiteur müllérien.

Cette molécule a été nommée Hormone Antimüllérienne (AMH). L'AMH est une glycoprotéine sécrétée par les cellules de Sertoli et appartient à la famille du Transforming Growth Factor ß (TGF-ß). Cette hormone est sécrétée jusqu'à la puberté et permet une exploration fonctionnelle du testicule chez l'enfant. Sa mise en évidence permet au médecin, dans certains cas, d'orienter son diagnostic notamment pour certaines ambiguïtés sexuelles qui concernent environ 10 000 enfants pour la Communauté Européenne.

Le dosage de l'AMH repose sur les techniques sandwich du test Elisa, puisque les Ac. monoclonaux sont disponibles depuis 1990. L'INSERM U 293 réalise en moyenne 500 dosages / an pour les services pédiatriques français et étrangers. Actuellement, devant la relativement faible demande, ce dosage reste au stade du laboratoire de recherche. Mais récemment, des résultats montrant une augmentation de l'AMH dans le sang de patientes présentant des tumeurs au niveau des cellules de la granulosa de l'ovaire, pourraient ouvrir d'autres perspectives à ce dosage. L'AMH pourrait être un marqueur intéressant, car des résultats montrent que son élèvation dans le sérum peut précéder de 2 ans la détection clinique de la tumeur.

L'AMH pourrait donc permettre le diagnostic de cette tumeur et le suivi des patientes lors des rémissions.

 

B BOUILLARD