Février 1997 - n°15

Les médailles d'argent 1996 du CNRS : le sud de la France est bien représenté!

Jean Martinez, 47ans - directeur de recherche à Montpellier, est distingué dans la catégorie des sciences chimiques. François Bonhomme, 42ans - directeur de recherche à Montpellier et Bernard Malissen, 43ans - directeur de recherche à Marseille, sont distingués dans la catégorie des sciences de la vie.

Jean Martinez, Directeur du Laboratoire des Aminoacides, Peptides et Protéines (CNRS, Universités Montpellier 1 et 2). A l'interface de la chimie et de la biologie

La thématique du laboratoire dirigé par Jean Martinez, concerne l'application de la chimie organique en vue de la synthèse stéréosélective d'acides aminés et de molécules dérivées et de l'obtention et de la caractérisation d'outils pharmacologiques, voire thérapeutiques, permettant l'étude des mécanismes d'action de neuropeptides et de systèmes enzymatiques.

"L'originalité de nos recherches est qu'elles allient la chimie organique, l'analyse spectrométrique, la pharmacologie, la biologie et la modélisation moléculaire", déclare Jean Martinez. "Me situer résolument à l'interface Chimie-Biologie afin d'appréhender le problème dans sa globalité, à toujours été ma volonté", poursuit ce Docteur es Sciences en Chimie organique.

Le laboratoire des Aminoacides, Peptides et Protéines (LAPP) est le résultat de la fusion en janvier 1995 de l'URA 1845 "Chimie et Pharmacologie de Molécules d'Intérêts Biologiques" située sur la faculté de pharmacie (Université Montpellier 1) et dirigée par J. Martinez et de l'URA468 "Amino-acides, Peptides: Synthèse, Méthodologie et Applications" située sur la faculté des sciences (Université Montpellier 2) et dirigée par Ph.Viallefont.

La complémentarité des travaux réalisés par les deux équipes, la mise en commun des différents savoir-faire et des moyens matériels ont permis la mise en place d'un laboratoire de dimension européenne et d'un plateau technologique performant de grand intérêt en particulier pour le milieu industriel. Le LAPP regroupe, en 1996, 42permanents, 25doctorants et 5post-doctorants et de nombreux étudiants.

Méthodologie en synthèse d'acides aminés et dérivés

Les recherches concernent la mise au point de méthodes originales de la chimie organique pour permettre la synthèse stéréosélective d'acides aminés exotiques et de dérivés (glycosylaminoacides, glycopeptides). Un aspect important de nos recherches est orienté vers la mise au point de méthodes de synthèse sur support solide et leur caractérisation par spectrométrie de masse, en vue d'une application en chimie combinatoire.

Les neuropeptides et acides aminés neuroexcitateurs

Les travaux de J.Martinez portent principalement sur les neuropeptides -cholécystokinine, gastrine, bombésine, neurotensine et bradykinine - et les acides aminés neuroexcitateurs. Les chimistes et les biologistes travaillent en synergie. Les premiers synthétisent des agonistes ou des antagonistes sélectifs de ces neuropeptides, les seconds grâce à des modèles in vitro et aux outils modernes de la biologie moléculaire étudient le mécanisme d'action de ces neuropeptides et évaluent l'activité des molécules synthétisées par leurs confrères.

Inhibiteurs enzymatiques

Un autre volet des travaux de J.Martinez est consacré à la synthèse d'inhibiteurs d'enzymes impliqués dans les maladies cardio-vasculaires, la maladie d'Alzheimer et la maturation du VIH.

Méthodologie en synthèse peptidique

Dans le domaine de la méthodologie en synthèse peptidique, plusieurs aspects sont abordés et notamment l'étude de la réactivité de dérivés d'acides aminés, la mise au point de biocatalyseurs, de protéines, de peptides cycliques, de pseudopeptides et peptidomimétiques.

Les recherches menées au Laboratoire des Aminoacides, Peptides et Protéines ont des retombées thérapeutiques potentielles importantes essentiellement dans le domaine de la santé publique (cancer, douleur, vieillissement cérébral) mais aussi de l'environnement. Depuis la création du laboratoire en 1995, 5molécules ont déjà fait l'objet d'un dépôt de brevet et Jean Martinez compte à son actif une trentaine de brevets depuis le début de ses recherches dans ce domaine.

Contact : Jean Martinez

Tél. 04 67 04 01 83 - Fax. 04 67 41 20 17

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François Bonhomme, Directeur du Laboratoire Génome et Population (CNRS)

La génétique moléculaire des populations

L'unité de recherche "Génome et Populations" (UPR CNRS 9060) dirigée par François Bonhomme a été créée en 1992 et compte environ 25 personnes dont 10permanents.

Le laboratoire se situe sur deux sites distincts:

- la faculté des sciences de Montpellier,

- la station biologique de Sète (cette station construite en 1879 a été récemment rénovée par l'université Montpellier 2 et accueille plusieurs équipes).

Les deux grands thèmes développés au laboratoire sont la génétique des populations et l'évolution du génome.

"Nos recherches se situent à l'interface de la biologie moléculaire et de l'écologie", explique François Bonhomme, "...les deuxtiers des travaux que nous menons concernent les poissons d'eaux douces et les souris. Nos autres recherches portent sur les organismes aquatiques marins, c'est la raison de notre présence à la station biologique de Sète".

Docteur es Sciences en génétique, François Bonhomme a pressenti très tôt, à la fin des années70, l'impact considérable que la biologie moléculaire pourrait avoir sur les sciences de l'évolution. Il a contribué parmi les premiers, au développement en France, des outils modernes de biologie moléculaire pour l'étude moléculaire des populations.

"Au début des années 80, cet axe de recherche était très novateur, les techniques de biologie moléculaire étaient très lourdes et peu appliquées en dehors du domaine médical...", se souvient François Bonhomme, alors chercheur à l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier.

En 1987, la PCR marque une grande révolution dans l'étude de l'ADN. L'équipe de François Bonhomme sera la première à appliquer cette technique à la génétique des populations. Depuis, la PCR a pris une place prépondérante dans le laboratoire qui compte une dizaine de machines.

"L'ADN est notre unique support d'étude, nous travaillons sur des comparaisons de populations, toutes nos analyses reposent en partie sur la PCR suivie d'un bonne dose d'analyse des données", confirme François Bonhomme, "...pour chaque étudiant que nous accueillons dans le laboratoire, il faut compter un ordinateur et une demie machine à PCR !".

La structuration des populations

François Bonhomme et son équipe analysent les flux géniques au sein des populations naturelles, c'est-à-dire la vitesse de circulation de l'information génétique d'une population à l'autre.

"La structuration des populations, par exemple, est une conséquence de la réduction des flux géniques" explique François Bonhomme. La co-adaptation génomique est aussi abordée par l'étude des hybridations naturelles ou artificielles "La spéciation est liée à la nature de ces phénomènes génétiques", poursuit Fr.Bonhomme, "...ces études sont possibles sur tous les bouts d'ADN qui servent de marqueurs moléculaires neutres: ADN mitochondrial, ribosomique et microsatellites par exemple".

"Mais il est nécessaire désormais de s'intéresser également à des marqueurs sélectionnés: le but est d'identifier les gènes ou les associations de gènes qui sont la cible de l'évolution et permettent l'adaptation ou non des populations", nous apprend Fr.Bonhomme.

Les apports scientifiques les plus marquants de François Bonhomme concernent jusqu'à présent la biologie évolutive des souris ainsi que celle de plusieurs poissons marins que ce soit au niveau des populations mais aussi à l'échelle du génome.

Contact : François Bonhomme

Tél. 04 67 14 38 87 - Fax. 04 67 14 45 54.

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Bernard Malissen, Directeur du Centre d'Immunologie de Marseille - Luminy (INSERM - CNRS)

La génétique moléculaire des lymphocytes T

Le Centre d'Immunologie de Marseille-Luminy (C.I.M.L), unité mixte INSERM-CNRS, est un des principaux instituts de recherche fondamentale en Immunologie en Europe. Implanté dans le parc Scientifique et Technologique de Luminy à Marseille, le centre a fêté ses 20 ans en 1996 (à cette occasion, un article complet est paru dans le numéro de mars 1996 de la gazette du laboratoire).

Bernard Malissen est le directeur actuel du CIML qui fonctionne sur le principe d'une direction tournante avec des mandats de 4ans pour les directeur et directeur adjoint. Les 15équipes de recherche du CIML (166personnes) s'intéressent aux mécanismes fondamentaux de la réponse immunitaire. Le groupe de Bernard Malissen a centré ses travaux sur l'étude du récepteur T. Le récepteur T est un assemblage complexe de plusieurs protéines, Bernard Malissen s'intéresse plus particulièrement à la génétique moléculaire de ce récepteur, c'est-à-dire à l'étude des gènes codant pour ses différentes protéines dans le but de caractériser ce récepteur, d'expliquer son fonctionnement et sa place au sein de la cascade immunitaire.

Bernard Malissen a rejoint le CIML en 1977 pour réaliser sa thèse consacrée à l'analyse des populations lymphocytaires ; après un séjour aux USA très axé biologie moléculaire, il revient au centre en 1984 où il démarre ses études sur les mécanismes génétiques et moléculaires des lymphocytes T.

La structure tridimensionnelle du récepteur principal enfin élucidée

Ses premiers travaux consistent à clôner et exprimer les différents gènes codant pour les protéines du récepteur T afin d'étudier le rôle de chacune de ces protéines et à partir des "éléments du puzzle" reconstruire le processus de reconnaissance de l'antigène par le lymphocyte.

La volonté de Bernard Malissen était aussi de produire in vitro ces protéines en plus grosses quantités afin de les cristalliser et d'étudier leurs structures tridimensionnelles.

Plus de dix années de recherche ont été nécessaires pour mettre au point la production de formes solubles du récepteur principal à des fins de cristallisation.

L'étude in vivo du rôle des gènes

Début 1990, alors que la technique de ciblage génique ou inactivation dirigée s'installe au CIML, Bernard Malissen décide de l'appliquer à l'étude des gènes codant pour le récepteur T afin d'intégrer la dimension in vivo à ses recherches.

Le principe est d'inactiver un des gènes codant pour un des polypeptides du récepteur et d'observer les conséquences de cette mutation. L'étude se fait sur des souris appelées souris "knock-out". Cette manipulation "à la carte" du système immunitaire a permis notamment de dresser la liste des gènes importants dans la maturation lymphocytaire au sein du thymus.

Dans un avenir proche, une nouvelle animalerie va être construite au CIML, elle sera spécifiquement conçue pour reçevoir les souris "knock-out" ou souris bulles, dépourvues de système immunitaire.

Cette nouvelle animalerie permettra à l'équipe de Bernard Malissen (et aussi à d'autres groupes du CIML) de développer un ciblage génique plus performant.

L'étude des relations structure-fonction du récepteur est aussi envisagée maintenant que sa structure tridimensionnelle est connue.

"Nous sommes dans une phase divergente de nos recherches... Au fur et à mesure que nous avançons dans nos travaux, nous mettons à jour de nouveaux éléments imbriqués dans la réponse immunitaire", conclut Bernard Malissen.

 

V.CROCHET