Juin 1997 - n°19

Marseille : Faculté des Sciences de Luminy - Gros plan sur le groupe "Biocatalyse et chimie fine" ERS CNRS 157

Les travaux menés par le groupe ERS 157 "Biocatalyse et chimie fine" se situent à l'interface entre la chimie organique et la biologie puisqu'ils consistent en l'utilisation de biocatalyseurs pour réaliser et/ou améliorer la synthèse de molécules organiques.

Ces recherches nécessitent une double compétence, biologistes et chimistes organiciens travaillent donc en étroite collaboration au sein de ce laboratoire de la Faculté des Sciences de Luminy (Université de la Méditerranée) dirigé par Roland Furstoss, Directeur de Recherche au CNRS. "Nous travaillons sur les bioconversions, c'est-à-dire sur l'application des biocatalyseurs à la synthèse de molécules organiques, depuis une vingtaine d'années, bien avant la vague des biotechnologies" explique R.Furstoss.

Cette thématique concerne particulièrement la synthèse de molécules éniantiomériquement pures, c'est à dire la préparation exclusive d'un seul des deux énantiomères d'une molécule chirale. Par voie de synthèse organique conventionnelle, une telle molécule est généralement obtenue sous sa forme racémique (c'est à dire sous forme d'un mélange des deux énantiomères, molécules images l'une de l'autre dans un miroir). Or il est maintenant largement reconnu que l'activité biologique d'une molécule réside très souvent dans un seul de ses deux énantiomères, l'autre antipode pouvant être au mieux inactif, au pire hautement toxique. Il en résulte que, à l'heure actuelle, la règlementation internationale exige que des molécules douées d'activités biologiques (produits pharmaceutiques, phytosanitaires...) doivent être du moins étudiées, sinon fabriquées et commercialisées, sous forme énantiomériquement pure. Ceci pose évidemment le problème de la mise au point de techniques performantes pour leur synthèse. Les techniques de bioconversion développées au sein du groupe Biocatalyse et Chimie Fine sont basées sur l'utilisation des catalyseurs naturels : les enzymes. Ces biocatalyseurs peuvent être mis en oeuvre soit sous forme de cellules entières -généralement des champignons ou des bactéries- soit sous forme d'extraits enzymatiques plus ou moins purifiés. Ils présentent des avantages particulièrement intéressants par rapport à la chimie conventionnelle : d'une part, les réactions réalisées sont très souvent hautement énantiosélectives, d'autre part, les procédés industriels impliquant ces biocatalyseurs peuvent être dans certains cas réellement plus performants et moins polluants, et participent donc au développement de la "chimie verte".

Trois grands types de biocatalyseurs sont étudiés par le groupe "Biocatalyse et chimie fine": les époxydes hydrolases, les monooxygénases et les lipases estérases.

Beaucoup de synthèses passent par l'intermédiaire de la fonction époxyde et dans certains biocatalyseurs spécifiques de cette fonction : les époxydes hydrolases ont été découvertes récemment et font l'objet de nombreux travaux. R.Furstoss est actuellement le coordinateur d'un contrat de recherche européen qui porte sur ces enzymes, leur clonage et leur surexpression, par exemple dans des cellules d'insectes. Huit équipes européennes, dont deux industrielles, participent à ce programme de recherche.

Les monooxygénases constituent un sujet plus ancien et certaines enzymes, suite aux travaux menés entre autres par le groupe "Biocatalyse et chimie fine", sont déjà commercialisées. L'objectif actuel est la mise sur le marché de "kits" destinés aux laboratoires de recherche.

Une proposition de contrat européen, identique à celui sur les époxydes hydrolases mais avec des partenaires différents, est à l'étude.

Dernièrement, le laboratoire a publié une voie de synthèse en sept étapes de l'énantiomère (R)-(-)-Baclofene®, un analogue lipophile de l'acide *-aminobutyrique (GABA), neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central. L'étape clé de la synthèse repose sur l'utilisation d'une monooxygénase produite par un microorganisme entier, le champignon Cunninghamella echinulata NRLL 3655. Cette bioconversion permet, pour un nombre limité d'étapes, l'obtention de l'énantiomère actif à un très haut degré de pureté énantiomérique. "Cette synthèse du (R)-(-)-baclofen® est l'une des plus efficaces jamais décrite, une optimisation est maintenant nécessaire pour en augmenter le rendement" précise R.Furstoss.

L'avenir prometteur des bioconversions en synthèse organique

Les réactions réalisées par biocatalyse semblent être, bien sûr, en concurrence directe avec les synthèses organiques classiques, mais s'avèrent être très souvent complémentaires de ces techniques. Leur intérêt est maintenant largement reconnu et on assiste depuis quelques années à leur fort développement en milieu industriel, surtout au niveau de la R&D. Les bioconversions intéressent la "chimie fine", avec la synthèse de molécules biologiquement actives, mais aussi la "chimie lourde" pour l'amélioration de procédés industriels (augmentation des rendements, diminution des résidus polluants...). Ces nouvelles méthodologies prometteuses en chimie organique font d'ailleurs l'objet depuis quelques années d'un congrès international bisannuel dont l'édition 1997 se déroulera en France.

BIOTRANS'97, du 22au 26septembre prochain à la Grande-Motte

Après l'Autriche en1993 et l'Angleterre en1995, la France recevra cette année le 3èmesymposium international "Biocatalyse et biotransformations" -intitulé BIOTRANS'97- du 22au 26septembre prochain à la Grande Motte.

L'organisation de la manifestation est prise en charge par le Club français "Bioconversions en Synthèse Organique" dont le Président actuel est JeanBolte, professeur à la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand. RolandFurstoss est directement impliqué dans cette organisation en tant que Président-fondateur du Club et en tant que trésorier du congrès, dont l'organisateur est Robert Azerad, directeur de recherches CNRS à Paris.

 

V. CROCHET