Juin 1997 - n°19

Le Service Commun de Biosystématique de l'Université Pierre et Marie Curie - Paris VI

"Le Service Commun de Biosystématique de l'UPMC trouve son origine dans les années 92-93 avec la création des premiers centres français de biosystématique ; constitués afin de développer une approche plus moderne de la biologie des organismes, ces centres avaient pour objectif de former un vaste nombre d'experts naturalistes aux techniques nouvelles -notamment d'informatique et de biologie moléculaire- sur lesquelles reposent aujourd'hui l'évolution de la systématique", explique le PrDEUTSCH, directeur du Service Commun de Biosystématique de ParisVI.

Initialement coordonnés par un Comité Scientifique national, ces centres voient leurs statuts modifiés sur décision gouvernementale en 1995, au profit de leur intégration dans le cadre de la structure universitaire où ils sont localisés.

Officiellement fondé en décembre 1993, le Centre de Biosystématique de ParisVI constitue donc, dès lors, le Service Commun de Biosystématique de l'Université Pierre et Marie Curie - ParisVI.

Animé par une équipe d'une dizaine de personnes -chercheurs, techniciens, ingénieur, étudiants en DEA et en thèse...-, le Service Commun de Biosystématique de l'UPMC a pour but de soutenir des projets de recherche à la demande des laboratoires de l'Université ParisVI. Trois axes essentiels guident aujourd'hui ses travaux:

1- La phylogénie moléculaire des plantes

Parmi les nombreux projets développés par l'équipe du PrDEUTSCH, la phylogénie moléculaire des plantes occupe une place importante; notons,à titre d'exemple, la récente étude sur l'origine du Gingkobiloba pour le laboratoire "Paléobotanique et Paléoécologie" de ParisVI.

A partir d'arguments paléobotaniques, est en effet remise en cause l'origine de cette espèce végétale, à la base de tout un groupe de plantes. Ses relations avec d'autres classes, telles que celles des conifères et des cycadales, ont également été étudiées... Les travaux sont actuellement terminés et les publications sous presse. D'autres recherches ont par ailleurs permis une étude phylogénique moléculaire très poussée sur les relations entre plantes angiospermes, et notamment sur la classe des conifères.

Contrairement aux idées reçues, ces travaux impliquent le fait que les conifères les plus communs, tels que les pins, pourraient également être les plus primitifs...

2- Les animaux des sources hydrothermales

"Ce second thème de recherche vise à comprendre quels motifs au niveau moléculaire pourraient être caractéristiques de l'adaptation des espèces aux milieux extrêmes", explique le Pr DEUTSCH. "Les animaux des sources hydrothermales vivent en effet en absence d'oxygène, dans des conditions de chaleur et de température très spécifiques..."

En collaboration avec les équipes de Biologie Marine de Roscoff, le Service Commun de Biosystématique s'est donc intéressé plus particulièrement à différentes espèces, dont notamment les vestimentifères -avec le Riftia directement issu de sources hydrothermales- et les annélides -Arenicola isolées à Roscoff et Alvinella provenant de sources hydrothermales-.

"L'isolement et le séquençage de l'ADN du collagène de ces différentes espèces ont alors permis de développer une intéressante analyse phylogénique, complétée par les données dont nous disposons déjà sur d'autres espèces telles que les oursins, les mammifères...", précise le PrDEUTSCH. "Cela nous a amené à reconsidérer les classes de collagènes humains sur la base de l'évolution de cette protéine et non plus sur des propriétés physiologiques."

Les conclusions de ces travaux ont d'ailleurs été confirmés par des résultats structuraux et d'autres concernant l'évolution plus globale du génome...

3- Les crustacés

Le troisième axe de recherche du Service Commun de Biosystématique est tourné vers l'étude des crustacés, et plus particulièrement des cirripèdes comme la balane, ce crustacé conique très souvent fixé sur les rochers.

Une nouvelle méthode d'analyse des séquences de l'ARN ribosomique a d'ailleurs été récemment mise au point par l'équipe du Pr DEUTSCH, en collaboration avec l'atelier de bio-informatique de l'UPMC.

L'ARN ribosomique est en effet souvent utilisé pour les travaux de phylogénie moléculaire, mais la simple étude de la séquence d'acides nucléiques ne tient pas compte de l'existence des structures secondaires et engendre ainsi très souvent une perte importante d'informations.

Pour résoudre ce problème, a donc été développée au sein de ParisVI une nouvelle approche scientifique: la morphologie moléculaire. Basée sur l'étude informatique des diverses formes de la molécule, cette méthode offre une somme de renseignements complémentaires, essentiels à la systématique phylogénique...

Remarquablement équipé sur le plan de la biologie moléculaire, le Service Commun de Biosystématique de l'UPMC possède de hautes compétences en matière d'amplification et de séquençage d'acides nucléiques ainsi qu'en analyse informatique des données de séquence.

Outre ses activités de recherches, il participe à la formation des chercheurs sur ces techniques et méthodes, tant lors de collaborations inter-laboratoires que dans le cadre de la formation continue de l'UPMC...

 

Quelques rappels théoriques...

La systématique peut être définie comme la science qui classe et nomme les êtres vivants d'après un système ordonné de référence. La classification biologique doit permettre de prévoir les propriétés biologiques d'un organisme à partir du nom du groupe auquel il appartient et, à l'inverse, de retrouver son groupe d'appartenance à partir d'un petit nombre de ses propriétés biologiques.

La systématique phylogénique est apparue dans les années50 et est à l'origine d'une véritable révolution de la systématique classique.

Purement méthodologique, elle consiste en un ensemble de méthodes permettant de proposer des hypothèses falsifiables - et donc scientifiques -sur les relations de parenté des organismes ou des groupes. Les systématiciens ont, entre autres, été obligés de reconnaître que des groupes aussi évidents que les poissons ou les reptiles n'ont pas de réalité historique et biologique, et doivent être divisés en groupes indépendants pour être utilisés scientifiquement...

(d'après Mr TILLIER, professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle et coordinateur du Réseau National de Biosystématique - cf La Gazette du Laboratoire novembre1995).

 

S.DENIS