Décembre 1997 - n°23

Les Centres Nationaux de Référence à l'Institut Pasteur

Nommés tous les trois ans par arrêté de Ministre en charge de la Santé, les Centres Nationaux de Référence (C.N.R.), consacrés aux maladies transmissibles, sont au nombre de39 en France, dont17 à l'Institut Pasteur à Paris et 2à l'Institut Pasteur de Guyane. Les autres sont, pour la plupart stiués dans des CHU de Paris ou de Province. Leurs missions sont également définies par arrêté ministériel.

Experts au jour le jour en contribuant à l'identification et à la caractérisation de souches, acteurs de premier plan dans le cadre de la surveillance épidémiologique, sentinelles donnant l'alerte en cas d'épidémie, les C.N.R. sont aussi les promoteurs de techniques modernes, visant à l'utilisation d'outils toujours plus performants pour le bien de la Santé Publique.

Concrètement, comment un C.N.R. fonctionne-t-il pour assurer ces différentes missions?

Un exemple : la surveillance des méningites

Le Centre National de Référence des Méningocoques et Neisseria apparentées possède un réseau de correspondants, responsables de quelques 450laboratoires de Centres Hospitaliers Universitaires ou laboratoires d'analyses de biologie médicale.

Lorsqu'une souche parvient au C.N.R., son identification bactériologique est tout d'abord réalisée en2ou 3jours, puis suit une seconde étape consistant à classer la souche en sérotypes ou en sous-types, grâce à des marqueurs moléculaires. Ce diagnostic, particulièrement important, permet de trouver l'origine de la souche et d'évaluer ainsi le risque épidémique. Il requiert 2semaines de recherches spécialisées.

Soulignons, par ailleurs, que le C.N.R. des Méningocoques et Neisseria ne travaille pas seul; il fait en effet partie de l'European Monitoring Group on Meningococci. C'est ainsi, grâce aux informations échangées par les différents centres de surveillance européens que le C.N.R. pasteurien a été alerté, en 1995, d'une augmentation des cas de résistance partielle de souches de méningocoques à la pénicilline. Un travail rétrospectif sur les souches des années précédentes, conservées dans la collection du C.N.R., a alors permis de dater le début de ce phénomène à 1991.

Une des priorités actuelles du C.N.R. est donc de mettre au point des techniques fines pour surveiller cet événement qui pourrait, si toutefois il s'amplifiait, conduire à des échecs thérapeutiques.

Tout Centre National de Référence doit ainsi être en mesure de s'adapter rapidement face aux dangers parfois soudains des infections qu'il surveille.

Chiffrer le danger

Acteur de premier plan lors d'enquêtes sanitaires d'intérêt public, les C.N.R. sont, à ce titre, amenés à réaliser des études à plus longue échéance.

Citons, notamment, pour exemple les travaux conduits en 1993, lorsque, face à la recrudescence de la tuberculose en France, la Direction Générale de la Santé a souhaité évaluer le phénomène de multirésistance aux antibiotiques des bacilles tuberculeux.

Laboratoires hospitaliers, grands laboratoires privés, Instituts Pasteur, services de santé des armées: 360laboratoires de métropole et des DOM ont été enrôlés dans cette étude, coordonnée par le C.N.R. pour la Surveillance de la Tuberculose -situé à l'Hôpital Pitié-Salpétrière, à Paris- et le CNR des Mycobactéries de l'Institut Pasteur.

Le suivi des souches multirésistantes a ainsi pu être réalisé et a permis de montrer une prévalence de la multirésistance de0,5% en1993. Même si ce chiffre est bien moins alarmant que ceux observés à cette date Outre-Atlantique, il n'en reste pas moins indispensable de pouvoir compter sur un dispositif CNR efficace, capable d'assurer le suivi de ce phénomène.

Epidémies d'ici et d'ailleurs...

L'existence des C.N.R. est aussi particulièrement cruciale en cas d'épidémie; ce sont généralement eux qui donnent l'alerte, fournissent les informations de base permettant à différents organismes de mener l'enquête, puis d'endiguer l'épidémie en cours.

Véritables observatoires, les C.N.R sont en effet tenus d'informer immédiatement le ministre chargé de la Santé de toute constatation qu'il a été appelé à faire au cours de ses travaux et pouvant avoir des répercussions graves sur l'état sanitaire de pays.

Notons à ce titre que les Centres Nationaux de Référence peuvent intervenir dans le cadre d'épidémie sur le territoire français comme sur l'ensemble de la planète.

Ce fut récemment le cas du C.N.R. de la Peste et autres yersinioses, face à l'épidémie de peste survenue en Inde en 1994. Le C.N.R., intégré au sein de l'Unité de Bactériologie Moléculaire et Médicale, a ainsi été amené à collaborer tant avec la Direction Générale de la Santé en France qu'avec les chercheurs indiens participant au contrôle de l'épidémie.

A la recherche d'outils nouveaux: plus rapides et plus sensibles

Tous les C.N.R. travaillent en permanence à l'amélioration de leurs méthodes de diagnostic, par l'adaptation des différentes techniques existantes ou le développement de techniques totalement nouvelles.

Prenons pour exemple le Centre National de Référence pour le Typage Moléculaire des Entérobactéries qui publiait en 1986 une méthode universelle de typage des bactéries: la ribotypie.

Jusque là, la méthode classique servant au typage des bactéries (caractérisation fine, classement) consistait à définir quels types de bactériophages détruisaient la souche bactérienne à typer.

Totalement originale, la méthode mise au point par le C.N.R. se base sur une analyse génétique du génome bactérien. L'ADN de la bactérie est scindé en morceaux par des enzymes de restriction. Les gènes bactériens servant à la fabrication des ribosomes sont alors isolés pour constituer, au final, les profils de restriction des espèces.

Chaque espèce, et plus précisément chacune des souches différentes au sein d'une même espèce, possède un profil qui lui est propre et peut ainsi être identifiée spécifiquement.

Beaucoup plus fiable que la précédente, cette méthode de typage est aujourd'hui utilisée dans le monde entier pour la caractérisation de nombreuses bactéries: Salmonella typhi, Vibrio cholerae, Corynebac-terium dyphtheriae, Escherichia coli.

Tous couplés à des laboratoires de recherche, les Centres Nationaux de Référence de l'Institut Pasteur mettent ainsi leurs compétences au service de la Santé Publique, par le biais d'une observation constante et d'une capacité d'alerte rapide en cas d'épidémie. Leur insertion dans les unités de recherche constitue indéniablement l'un de leurs atouts les plus importants, leur permettant en effet de rester en permanence à la pointe du progrès et développer des outils toujours plus performants...

 

 

A Paris :

- Centre national des Bactéries anaérobies

* Unité des Toxines et pathogènie bactérienne : Michel Robert POPOFF

- Centre national de la Résistance aux Antibiotiques

* Unité des Agents antibactériens : Patrice COURVALIN

- Centre national des Arbovirus et des Fièvres Hémorragiques Virales

* Unité des Arbovirus et Virus des Fièvres hémorragiques : Bernard LE GUENNO

- Centre national des Bordetelles

* Laboratoire des Bordetella : Nicole GUISO

- Centre national des Vibrions et du Choléra

* Unité du Choléra et des Vibrions : Jean-Michel FOURNIER

- Centre national de Typage moléculaire des Entérobactéries

* Unité des Entérobactéries : Patrick GRIMONT, Francine GRIMONT

- Centre national de la Grippe (France-Nord)

* Unité de Génétique moléculaire des virus respiratoires : Sylvie VAN DER WERF, Jean-Claude MANUGUERRA

- Centre national des Leptospires

* Unité de Bactériologie moléculaire et médicale : Guy BARANTON, Danièle POSTIC

- Centre national des Listeria

* Laboratoire des Listeria : Jocelyne ROCOURT et Christine JACQUET

- Centre national des Méningocoques

* Unité des Neisseria : Jean-Yves RIOU

- Centre national des Mycobactéries

* Laboratoire de référence des Mycobactéries : Véronique VINCENT, Fadila BOULAHBAL

- Centre national des Mycoses humaines, des antifongiques et des actinomycètes

* Unité de Mycologie : Bertrand DUPONT, Patrick BOIRON, Françoise DROMER

- Centre national de la Peste et autres Yersinioses

* Unité de Bactériologie moléculaire et médicale: Elisabeth CARNIEL

- Centre national de la Rage

* Unité de la Rage : Henri TSIAN, Hervé BOURHY, Yolande ROTIVEL

- Centre national des Salmonella et Shigella

* Unité des Entérobactéries : Patrick GRIMONT, Philippe BOUVET

- Centre national des Staphylocoques

* Unité des Staphylocoques : Nevine EL SOLH, Olivier CHESNEAU

- Centre national de la Virologie et de l'Immunologie des Rétrovirus humains (SIDA)

* Unité d'Oncologie Virale : Luc MONTAGNIER, Sophie CHAMARET

En Guyane :

- Centre de référence pour la surveillance de la dengue, de la fièvre jaune et de la grippe

* Jean-Louis SARTHOU, Antoine TALARMIN

- Centre de référence de la chimiorésistance du paludisme

* Jean-Louis SARTHOU, Stéphane LAVENTURE

 

S.DENIS