Mars 1998 - n°26

Une animalerie commune créée sur le Campus de Gif-Sur-Yvette

 

La mise en place des normes européennes en matière d'expérimentation animale et le développement des techniques de transgénose et de manipulation de virus ont justifié un programme de restructuration important des animaleries au sein du Campus CNRS de Gif-sur-Yvette.

Le projet de centralisation de ces différentes unités s'est finalisé en janvier 1998 par la mise en service d'une nouvelle animalerie, commune à l'ensemble des laboratoires du Campus. L'agencement des locaux et le choix de leur aménagement ont été réalisés en fonction, non seulement des objectifs scientifiques actuels, mais également des techniques et sujets d'expérimentation susceptibles d'être développés de façon prioritaire, dans un avenir proche, par le CNRS.

Conformité et sécurité

Sur le Campus de Gif-sur-Yvette, des problèmes de conformité se posaient pour les animaleries de plusieurs laboratoires relativement proches les uns des autres. Dans ces conditions, le projet de création d'un site unique est apparu comme la solution la plus satisfaisante en réponse aux exigences normatives ainsi qu'en terme de faisabilité et de coût.
Un comité scientifique a alors été créé sur le campus afin de contrôler le respect de la législation en vigueur et l'application stricte des règles d'éthique. Un service vétérinaire y est, en outre, associé pour une surveillance suivie de l'animalerie.
Dotée d'une surface de 600m2, l'animalerie centrale offre par sa localisation unique des avantages notables; citons, entre autres:
- la proximité des principaux laboratoires potentiellement utilisateurs,
- une sécurité accrue grâce à des locaux de différents niveaux de confinement, obéissant à des règles précises de contrôle de risque.L'animalerie commune est notamment constituée d'un local de quarantaine, de locaux de stockage, de pièces propres à l'élevage des différentes espèces animales (cobayes, souris, lapins, poissons, vertébrés supérieurs) et de laboratoires dont deux à zone de confinement P2.
- la mise en place de gros équipements pour le lavage, la climatisation, les conditions de régulations de l'hygrométrie, la ventilation, équipements qui n'auraient pu, étant donné leur coût, être implantés dans chacune des animaleries indépendantes.
Soulignons l'installation d'un système de double ventilation, conçu pour la mise en place éventuelle de locaux de type P3; et ceci dans l'optique d'une adaptation aux recherches susceptibles d'être développées à l'avenir par les laboratoires du Campus et qui nécessiteraient une telle zone de confinement.

A noter, par ailleurs, que 4 personnes sont actuellement chargées à temps complet du fonctionnement de l'animalerie centrale. Les locaux, et en particulier les zones de confinement P2, sont accessibles uniquement aux personnes autorisées, ayant suivi les formations appropriées. Les systèmes d'autoclaves placés en zone P2 ne peuvent, notamment, être utilisés que par les animaliers qualifiés à cet usage.

Un chef animalier, actuellement en cours de recrutement, aura en outre la responsabilité générale de l'animalerie, tant sur le plan de l'hébergement et du suivi des soins animaliers que de la gestion même de l'établissement.

Des objectifs scientifiques étroitement liés à la création de l'animalerie:

- la nécessité d'une animalerie transgénique.
Les techniques modernes de génie génétique permettent, outre l'isolement et la modification de gènes appartenant à des organismes eucaryotes, l'expression de gènes étrangers par transfert dans une large gamme d'organismes-hôtes, notamment chez les mammifères. Ainsi classés selon leur espèce et le moyen utilisé pour introduire et permettre l'expression du transgène, ces organismes sont appelés organismes transgéniques.
Devant être élevés en animalerie, les animaux transgéniques font l'objet d'une réglementation particulièrement stricte. L'isolement, voire le confinement des organismes-hôtes, constitue en effet l'une des précautions les plus élémentaires qu'il convient de prendre pour leur étude ou leur utilisation à des fins expérimentales. Des classes de risque, dépendant du type de transgènes intégrés dans les animaux, ont d'ailleurs été définies dans le cadre de la loi du 13 juillet 1992 dont les conditions d'application sont supervisées par la Commission de Génie Génétique mise en place par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Plusieurs laboratoires du Campus CNRS de Gif-sur-Yvette utilisent déjà des animaux transgéniques (essentiellement des rongeurs) dans le cadre de leurs programmes de recherche. Etant donné l'énorme intérêt que représente la transgénèse pour l'étude des fonctions génétiques d'organismes complexes, cette orientation sera, sans aucun doute, renforcée dans les années à venir et a constitué, de fait, l'une des motivations importantes pour la création d'une animalerie centrale, intégrant les nouvelles normes de sécurité.
La construction de cette animalerie spécialisée s'impose alors comme une nécessité évidente pour un Campus scientifique dont les activités développent, sous de multiples dimensions moléculaires et cellulaires, l'étude neurophysiologique des organismes métazoaires et des réseaux neuronaux.

- la nécessité de zones protégées d'hébergement pour la microinoculation de virus
De nouvelles techniques neuroanatomiques, utilisant le transfert transneuronal de virus neurotropes (herpès, pseudorage et rage), apportent un progrès considérable dans la cartographie des réseaux complexes de neurones interconnectés, en particulier chez les vertébrés supérieurs. Le développement de nouveaux programmes scientifiques, intégrant ces techniques, constitue l'une des perspectives de recherche du Campus de Gif-sur-Yvette. Un des laboratoires du Campus s'intéresse d'ores et déjà à l'étude des bases moléculaires du neurotrophisme des virus pseudorage et rage. Des mutants viraux, dont certains gènes ont été supprimés, sont fabriqués et la propagation de ces virus modifiés dans des réseaux neuronaux est étudiée.
Ces types d'expérimentation nécessitent que la microinnoculation et l'hébergement des animaux inoculés soient réalisés dans des conditions de sécurité identiques à celles requises pour la transgénose.
Enfin, il est envisageable, à terme, que l'animalerie centrale puisse permettre également la production des anticorps polyclonaux antiviraux ; d'où l'importance d'une structure élaborée pour répondre en tout point aux normes en vigueur.
Jusqu'alors, les animaleries, ou plus exactement les locaux qui faisaient office d'animalerie pour les six laboratoires impliqués sur le Campus de Gif-sur-Yvette, abritaient près de 9000 animaux, toutes espèces confondues. La mise en fonctionnement de l'animalerie centrale, regroupant le "matériel biologique" de ces laboratoires CNRS, permet de fournir aux chercheurs du campus de Gif-sur-Yvette un outil de travail conforme à la nouvelle réglementation en matière d'expérimentation animale.

Les recherches de pointe dans le domaine des neurosciences intégrées pourront s'effectuer dans des conditions rigoureuses de sécurité et d'éthique.

 

S.DENIS