Avril 1998 - n°27

Le Laboratoire de microbiologie marine CNRS UPR 223 de la Faculté des Sciences de Luminy (Aix-Marseille II) - L'étude des bactéries marines, acteurs majeurs des écosystèmes océaniques

Il est maintenant connu et reconnu que les bactéries sont des acteurs majeurs des écosystèmes océaniques: elles assimilent la matière organique dissoute présente dans les océans et participent par ailleurs à la reminéralisation des éléments majeurs comme le carbonne, le phosphore et l'azote. En revanche, beaucoup d'aspects de ces mécanismes microbiens restent à expliquer. Par exemple, une régulation naturelle fait que, dans n'importe quelle mer, à n'importe quel endroit, la concentration bactérienne tourne à 105 -106 bactéries parml, les régulations par la source nutritionnelle et par la prédation par les protozoaires sont connues des scientifiques mais n'expliquent pas entièrement une régulation aussi fine. Un autre phénomène particulièrement d'actualité reste aussi en partie à élucider, il s'agit des conséquences sur l'effet de serre du CO2 rejeté par les bactéries marines dans l'atmosphère.

Créé en 1976, le Laboratoire de microbiologie marine CNRS UPR 223, équipe du Département des Sciences de l'Univers, mène des opérations de recherche afin de décrire et d'expliquer toujours plus en détails les différentes interventions des bactéries marines dans les flux océaniques de carbone et d'azote.

Le Laboratoire de Luminy se partage en deux thèmes de recherche complémentaires: un thème directement lié aux bactéries et à leur métabolisme (l'assimilation des ressources, la croissance de la biomasse, sa régulation...) et un autre davantage biochimique avec des analyses quantitatives et qualitatives des sources nutritives de carbone et d'azote présentes dans les océans.

Un matériel adapté aux particularités de la microbiologie marine

Les prélèvements en mer

Les bactéries marines participent à l'écosystème océanique sur toute la colonne d'eau, de la surface jusqu'aux fonds des océans, c'est-à-dire jusqu'à plusieurs milliers de mètres de profondeur. En réponse à cette difficulté technique, le Laboratoire de Luminy a mis au point un système de prélèvement adapté aux profondeurs des océans et aux problèmes de décompression. Le "serial high pressure sampler" permet de prélever les bactéries à pression constante sans décompression jusqu'à une profondeur de 4000mètres.

La numération des bactéries

Les bactéries marines sont de petites tailles et très hétérogènes ce qui les rend difficiles à numérer. Le dénombrement classique par leur mise en culture sur milieux solides ou liquides entraînait une forte sous-estimation, de nombreuses bactéries n'ayant pas la capacité de proliférer en conditions de culture. Depuis quelques années, cette étape délicate de numération bactérienne a été simplifiée grâce à l'acquisition par le Laboratoire d'un système de comptage semi-automatique utilisant un analyseur d'images couplé à un microscope à épifluorescence. Cette technique, mise au point dans un premier temps pour le dénombrement des bactéries du lait, a été ensuite appliquée au dénombrement des bactéries marines et à la mesure de leur volume. Dans le domaine de la microbiologie marine, la cytométrie en flux pourrait aussi apporter des solutions intéressantes dans les années à venir et le Laboratoire s'intéresse aux nombreux développements de cette technique en plein essor.

L'analyse chimique fine de la matière organique

Le Laboratoire de microbiologie marine est équipé par ailleurs d'une pièce à radioactivité pour le suivi du métabolisme du carbone par utilisation de radioéléments traceurs et possède de multiples appareils analytiques pour le dosage des sources nutritionnelles (HPLC pour les sucres et les acides aminés, GC pour les lipides, TOC 500 pour carbonne organique dissous.

Des programmes de recherche pluridisciplinaires

En tant qu'unité du Département des Sciences de l'Univers du CNRS, le Laboratoire de microbiologie marine participe à de nombreux programmes de recherche pluridisciplinaires sur l'étude des océans.

On peut citer parmi les programmes en cours, le programme national ANTARES, projet d'étude de l'Antarctique: son but est de comprendre pourquoi s'est formé un trou d'ozone au-dessus de cette région, le Laboratoire de microbiologie marine étudie pour sa part le cycle du carbone des bactéries et notamment leur rejet en CO2 dans l'atmosphère. Parmi les projets européens, le programme MATER est une étude générale de la Méditerranée, le Laboratoire de Luminy s'intéresse à l'aspect des cycles bactériens de carbone et d'azote dans une mer qui est connue pour être "pauvre", c'est-à-dire qu'elle produit peu de matière organique. Le programme européen METROMED concerne quant à lui l'étude d'un milieu fortement pollué par des rejets industriels et agricoles: le delta du Rhône. Le Laboratoire de microbiologie marine y étudie le cycle de l'azote de certaines bactéries émettrices d'azote nitreux et de méthane, des biogaz aux forts effets de serre.

Des recherches fondamentales sur le métabolisme des bactéries marines aux études plus appliquées sur leur rôle dans l'effet de serre, le Laboratoire de microbiologie marine travaille depuis plus de vingt ans à une meilleure connaissance des bactéries, éléments majeurs des écosystèmes des mers et des océans.

 

V.CROCHET