Octobre 1998 - n°31

Unité Associée Université Blaise Pascal - INRA :
Organisation et Variabilité des Génomes Végétaux

L' Unité Associée Organisation et Variabilité des Génomes Végétaux (UA OVGV) existe depuis avril 1993. Utilisant la carte génomique du tournesol comme outil de base, cette Unité a pour principale thématique de recherche l'analyse des relations entre le tournesol et ses pathogènes. Ces relations sont étudiées aux différents niveaux de l'interaction :

* au niveau du pathogène, par caractérisation du génome, dont la variabilité se traduit par l'apparition de races ou d'isolats ayant des propriétés infectieuses différentes

* au niveau de la plante, par étude :

- des gènes de résistance qui permettent la reconnaissance des pathogènes et déclenchent le mécanisme de défense

- des gènes de défense, induits sous contrôle d'un gène de résistance et impliqués dans une réaction type hypersensible.

Les principaux pathogènes étudiés sont essentiellement des pathogènes fongiques : l'agent du mildiou (Plasmopora halstedii), l'agent de la pourriture blanche (Sclerotinia sclerotiorum) et l'agent du Phomopsis (Diaporthe helianthi), mais aussi une plante parasite (Orobanche cumana).

Les principaux résultats obtenus par l'UA concernent la génétique moléculaire du tournesol (3ème plante cultivée en France, soit 800 000 à 1 000 000 d'hectares cultivés chaque année). Les recherches sont menées dans les locaux de l'Université et réalisées en collaboration étroite avec les équipes de Felicity VEAR et Denis TOURVIEILLE, qui travaillent sur la génétique et la pathologie du tournesol à la station INRA d'Amélioration des Plantes et de Pathologie Végétale, dirigée par Robert DUMAS DE VAULX.

Mise au point de la première carte mondiale génomique du tournesol

Soutenu financièrement par le GIE CARTISOL (regroupant 16 établissements semenciers), le programme CARTISOL Phase 1 s'est achevé en juillet 1994.

Ce programme a permis de construire la première carte génomique de tournesol, par marqueurs RFLP. Il s'agit d'une carte consensus obtenue à partir de cinq croisements et localisant 237 marqueurs, qui ont été préalablement sélectionnés à partir de plusieurs banques d'ADN. La mise au point de cette carte moléculaire a demandé trois ans de travail au laboratoire de l'UA. En permettant de localiser des gènes de fonctions connues sur les chromosomes du tournesol, elle permet d'y voir plus clair sur le génome du tournesol et constitue l'outil de base des travaux de recherche du laboratoire.

Variabilité du génome des pathogènes du tournesol

L'analyse par marqueurs moléculaires RAPD ou AFLP de la variabilité du génome des pathogènes du tournesol a été entreprise pour permettre la caractérisation des races ou isolats afin d'étudier la structure des populations.

Cartographie des gènes ou QTL de résistance aux pathogènes

L'utilisation de la carte génomique et de la stratégie BSA (Bulked Segregant Analysis) a permis de localiser plusieurs gènes de résistance au mildiou, différents quant à leur spécificité de race vis-à-vis du pathogène biotrophe qu'est P. Halstedii. Ces différents "gènes" sont localisés sur le même site chromosomique. Un "gène" est en fait constitué d'un cluster de plusieurs gènes, dans lequel chaque gène confère vraisemblablement la résistance à une race spécifique du pathogène.

Dans le cadre du programme Cartisol 2 et de l'AIP INRA "gène de résistance", les équipes du laboratoire et de la station INRA d'amélioration des plantes ont, à partir de cinq croisements, avec des répétitions en différents lieux, localisé sur la carte génomique plusieurs QTL de résistance à l'agent de la pourriture blanche. Simultanément à ces résultats, ont été localisés plusieurs QTL, mais cette fois d'intérêt agronomique (teneur en huile, rendement...)

Caractérisation et clonage des gènes de résistance

Par une approche "gènes candidats" et une stratégie de clonage par homologie utilisant l'amplification PCR à partir d'amorces dégénérées élaborées à partir de séquences publiées, le laboratoire a cloné des fragments de différents gènes susceptibles d'intervenir dans la résistance au mildiou d'une part, et à la pourriture blanche d'autre part. La localisation sur la carte génomique de ces différents gènes candidats a révélé que l'un coïncidait au locus de résistance au mildiou, alors que l'autre se localisait au niveau d'un pic majeur du QTL de résistance à la pourriture blanche. Ce dernier résultat a d'ailleurs fait l'objet d'un dépôt de brevet en France en mars 1997, brevet actuellement en cours d'extension internationale.

Les travaux progressent au sein du laboratoire pour mieux caractériser ces gènes qui sont désormais qualifiés de présomptifs de résistance aux deux pathogènes concernés.

Caractérisation et clonage des gènes de défense

Dans les modèles moléculaires d'interaction plante-pathogène, les gènes de défense seraient induits en réponse à l'interaction entre les produits des gènes de résistance de la plante et les produits des gènes d'avirulence du pathogène. Certains gènes de défense sont bien connus, d'autres restent à découvrir. Le laboratoire de l'UA a entrepris d'identifier les gènes de défense intervenant dans le processus d'interaction Tournesol/Agent du mildiou. Dans un premier temps, l'équipe a cloné par homologie les gènes de défense connus, afin d'étudier la cinétique d'expression de ces gènes au cours de la réaction de défense. La stratégie de la DDRT-PCR (Differential Display Reverse Transcription PCR) a alors été appliquée à la période la plus favorable, ce qui a permis de mettre en évidence plusieurs gènes spécifiquement exprimés dans la situation de résistance (interaction incompatible) et non dans la situation de sensibilité (interaction compatible). Trois de ces gènes, inconnus jusqu'ici, font l'objet de la poursuite actuelle des travaux, ainsi que des gènes impliqués dans le processus de défense au niveau du métabolisme des superoxydes.

L'objectif est de comprendre le mécanisme intime des gènes qui luttent contre la maladie : les gènes de résistance qui reconnaissent le pathogène et qui, par un mécanisme encore très mal connu, peuvent réguler l'expression des gènes de défense. L'ensemble de ces cascades de réaction reste à éclairer. Le but est de trouver des résistances durables au plus grand nombre de pathogènes, afin d'améliorer la sélection sur des critères croisés associant notamment caractère résistant, rendement et teneur en huile.

Des maladies des plantes aux maladies humaines

D'autres thématiques du laboratoire, qui seront développées ultérieurement, concernent l'étude de molécules qui, produites par des cellules végétales, sont efficaces les unes pour la destruction de virus, les autres pour la destruction de cellules tumorales, aussi bien chez la plante que chez l'animal ou l'homme. A terme, ces molécules pourraient permettre l'obtention de nouveaux médicaments.

B. Bouillard