Octobre 1998 - n°31

UPRES 2201: Physiopathologie Respiratoire

Le laboratoire de Physiopathologie Respiratoire de l'IFR Jean Roche (Marseille) centre ses activités sur la neurobiologie respiratoire, incluant l'étude du contrôle ventilatoire et bronchomoteur ainsi que les rôles joués par les afférences musculaires métabosensibles.

Reconnu aujourd'hui en tant qu'UPRES 2201, le laboratoire de Physiopathologie Respiratoire dépendait auparavant du CNRS (pendant huit ans) sous la forme d'une unité URA (d'abord "biologie des hautes pressions", puis "physiopathologie respiratoire"). Le laboratoire fait partie de l'IFR Jean Roche.

Il comprend un professeur des universités, cinq maîtres de conférence dont quatre habilités à diriger des recherches et quatre IATOS, dont un ingénieur électronicien.

Le laboratoire bénéficie de deux sites d'expérimentation :

- dans les bâtiments universitaires ont lieu les expérimentations animales in situ et in vitro.

- dans les locaux de l'APM, à l'hôpital nord sont réalisés des expérimentations sur l'homme (volontaires sains).

L'UPRES 2201 se consacre à l'étude de deux thématiques principales :

Contrôle ventilatoire et bronchomoteur

Le thème général concerne la ventilation en charge (bronchospasme, obstruction des voies aériennes, inhalation de gaz dense en hyperbarie...), toutes les pathologies ou circonstances qui augmentent les pressions dans l'appareil respiratoire, en vue d'une modélisation de la pathologie humaine.

L'analyse, menée à l'hôpital, est relative à l'appareil respiratoire, et plus particulièrement aux poumons, avec étude du contrôle nerveux de la ventilation et du contrôle réflexe de la motricité bronchique (aspect neuroscience). Ce travail, réalisé pendant de nombreuses années sur l'animal, porte actuellement sur l'homme, sain ou présentant des désordres respiratoires (asthmatique ou insuffisant respiratoire).

Les chercheurs s'intéressent, plus particulièrement depuis cinq ans, aux relations réflexes entre le nez et les bronches déclenchées par l'air froid et la pollution atmosphérique. Les personnes travaillant dans les chambres frigorifiques constituent une des applications possibles (aspect physiopathologie de la médecine du travail).

La perspective de cette recherche est d'étendre les études des réflexes entre nez et bronches aux sujets humains pathologiques dans deux cas : asthme bronchique et rhinite allergique en vue de détecter une hypo ou une hyperactivité de ces réflexes nasopulmonaires. Dans le cas de la rhinite spasmodique, les réflexes semblent être diminués.

Dans cette thématique, une autre partie de cette étude concerne l'animal. En collaboration avec le laboratoire de physiologie de Bruxelles du Pr. Detroyer, spécialiste du contrôle de la ventilation chez l'animal (hôpital Erasme, université libre de Bruxelles), les muscles respiratoires (ex : diaphragme) et les réflexes existant entre les différents muscles sont examinés en détail. Les futurs travaux concernent les relations réflexes phrenico-intercostaux chez l'animal.

Dans le cadre de ces recherches, une collaboration de longue date existe avec la Comex a été réalisée pour étudier le retentissement, sur l'appareil respiratoire, sur les muscles respiratoires et sur les échanges thermiques respiratoires, de l'hyperbarie (record à 701 m de plongée, il y a quatre ans).

Effets tissulaires de l'hypoxie aiguë ou chronique

L'étude porte sur le métabolisme aérobique et anaérobique des tissus. Le laboratoire de Physiopathologie Respiratoire est spécialisé dans l'identification et le rôle des terminaisons nerveuses. Il existe des métabo-récepteurs, récepteurs chimiosensibles, qui mesurent le défaillance en oxygène au niveau des muscles et par conséquent l'apparition du métabolisme anaérobique. Ils interviennent en pathologie ou en environnement déficitaire en oxygène (hypoxie). Par exemple, dans les exercices effectués en altitude (3000-4000 m, et plus) où en cas d'insuffisance respiratoire ou circulatoire.

Ces récepteurs possèdent deux rôles distincts : d'une part, ils contrôlent la décharge des motoneurones et inhibent la commande motrice (mécanisme d'épargne musculaire qui constitue une sauvegarde). D'autre part, ils jouent un rôle fondamental dans l'adaptation de la ventilation et du débit cardiaque à l'exercice. En effet, ils détectent l'augmentation des besoins au niveau du muscle et donnent les réponses ventilatoires et cardiaques adaptées.

" L'identification du récepteur se fait chez l'animal. Nous sommes le premier laboratoire européen à décrire les stimulus de ces récepteurs, en particulier le rôle de la fatigue musculaire. Actuellement, l'équipe cherche à déterminer s'il existe une modification de décharge de ces récepteurs lorsqu'on rajoute à la fatigue une hypoxie pour mimer ce qui se passe chez les sujets ayant des insuffissances respiratoires.

Chez l'homme, l'étude porte sur le comportement sensori-moteur et ses relations avec le métabolisme anaérobique. L'interprétation est déduite de l'examen des modifications de la commande motrice par comparaison avec l'animal.

L'équipe essaie de reproduire chez l'homme les mêmes circonstances de travail, dans les limites de tolérance, que chez l'animal : travaux sur bicyclette, sur tapis roulant, sur des bans de travail permettant d'étudier chaque muscle. En rajoutant une hypoxémie (pression partielle d'O2 diminuée) ou une ischémie (débit sanguin réduit), on peut mimer la pathologie circulatoire et respiratoire " déclare le Pr. Y. Jammes.

Le sujet pathologique est également étudié. Les chercheurs observent d'une part si des modifications des contrôles sensori-moteurs apparaissent, lorsqu'ils font respirer de l'oxygène au patient pour corriger l'hypoxémie. Ils vérifient d'autre part s'il y a, après une opération (chirurgie artérielle) pour corriger l'ischémie, un bénéfice du contrôle musculaire après revascularisation.

Actuellement, les recherches prennent une autre direction chez l'homme et chez l'animal, en associant aux techniques physiologiques des techniques de biochimie et de biologie cellulaire. L'équipe dose les formes radicalaires libres de l'oxygène, réputées pour être toxiques, et elle débute actuellement le dosage des médiateurs de l'inflammation (interleukines) et des endorphines (toutes ces substances sont libérées dans le travail musculaire intense). Le but est de connaître la cinétique de libération de ces substances pendant les épreuves de fatigue, de savoir s'il existe une relation cause à effet entre la libération de ces substances et l'activation des métabo-récepteurs, en vue de définir la "pharmacologie de la fatigue" chez l'homme et chez l'animal.

Etude in vitro des phénomènes biochimiques et physiologiques

Pour aller plus loin, des recherches sont réalisées in vitro avec la création de systèmes reproduisant la fatigue musculaire chez le muscle isolé (essentiellement sur le rat). L'objectif étant de voir si des substances agonistes ou antagonistes s'opposent ou favorisent l'activation des métaborécepteurs et la libération des métabolites musculaires.

Les chercheurs ont créé récemment au laboratoire un modèle animal d'hypoxémie chronique (en diminuant la concentration d'oxygène dans l'atmosphère), sur souris et rat, pour déterminer les différences avec des animaux normoxiques.

Dans le cadre de cette thématique, le laboratoire a participé à un protocole humain d'hypoxie simulée (EVEREST) avec la Comex et la région PACA en 1997. Ce projet a été réalisé à la Comex sur huit volontaires sains, amenés à 8848 m d'altitude dans un caisson. Le laboratoire étudiait le contrôle sensori-moteur en hypoxie. Une expérience de haute montagne simulée sera prochainement renouvelée, toujours en association avec la Comex.

Outre ses activités de recherches, le laboratoire dispense une activité de formation dans le cadre d'un DEA, "Adaptation et survie en environnements extrêmes", associant des universités de Lyon et Marseille. L'enseignement, réalisé à Tamaris (Seyne sur Mer), regroupe une trentaine d'étudiants depuis huit ans.

Le laboratoire de Physiopathologie Respiratoire bénéficie de financements issus de l'université, de la Région PACA, de l'AFM et du conseil de l'Europe (Human frontier program) pour l'équipement, pour les bourses de thèses et pour des opérations particulières.

J. SILVY