Novembre 1998 - n°32

INSERM 315 : Physiologie et pathologie digestive

L'unité INSERM 315 se consacre à la pathogénie des lithiases pancréatique et rénale et à la recherche de marqueurs de la pancréatite aiguë et du cancer du colon.
Installée près de l'hôpital Sainte Marguerite, l'unité INSERM 315, avec environ 23 personnes inscrites au profil de l'unité, s'intéresse à l'étude de la physiologie et de la pathologie digestive à travers trois thèmes, et réalise ses recherches en relation étroite avec la clinique.

Lithiase lithogénèse
Cette équipe travaille essentiellement sur les protéines impliquées dans le contrôle de la croissance des cristaux de carbonate de calcium, constituant essentiel des calculs présents dans les canaux pancréatiques. Les chercheurs ont démontré que la lithostathine, protéine sécrétoire pancréatique, inhibait la croissance cristalline du carbonate de calcium. Ils étudient actuellement les mécanismes d'inhibition de cette croissance.
En association avec un service de néphrologie marseillais, s'intéressant à la lithiase urinaire car cette maladie est très fréquente et chronique, l'équipe a mis en évidence cette même protéine dans le rein (expression de l'ARN messager identique à celle trouvée dans le pancréas). L'équipe a établi qu'il fallait contrôler la croissance cristalline du carbonate de calcium car elle provoque en aval celle de l'oxalate de calcium qui constitue la majorité des calculs rénaux. Les chercheurs s'intéressent à l'expression rénale de la lithostathine, à la façon dont la protéine va s'accrocher au cristal pour annihiler sa croissance. Actuellement ils réalisent des mutagénèses dirigées sur des aminoacides jugés indispensables dans l'inhibition. Les protéines recombinantes sont testées afin de savoir si elles ont conservé ou non leur activité d'inhibition de la croissance cristalline. Par ailleurs, ils modélisent certains fragments et tentent de déterminer si cette protéine s'avère active sous forme monomérique ou polymérique, s'il existe des positions privilégiées...
Une étude est menée, sur quatre ans, en collaboration avec d'autres services comptant beaucoup de cliniciens qui travaillent sur les lithiases, sur les facteurs ou les indicateurs de prédisposition à la récidive de la lithiase. Une analyse par double dimension (électrophorèse bidimensionnelle) est réalisée sur des échantillons d'urines avec trois types de patients (régimes classiques, enrichis en fibres et protéiprives) pour définir les évolutions possibles dans les paramètres biologiques, en particulier dans les protéines.

Marqueurs du cancer du colon
En comparant de manière systématique un tissu sain et la tumeur, des marqueurs potentiels sont mis en évidence. Environ 3000 clones d'une banque cDNA ont été séquencés systématiquement et 740 nouveaux gènes ont été décrits. Dans un deuxième temps, l'équipe s'est intéressée aux patients opérés dans le cas d'un cancer du côlon afin de savoir s'il existait des ARN messagers systématiquement surexprimés ou sous-exprimés dans les tissus. Le criblage différentiel a permis de sélectionner des gènes surexprimés ou sous-exprimés dans le tissu cancéreux colo-rectal, en particulier deux gènes semblent jouer un rôle très important, qui reste à définir.

Protéines pancréatiques
L'équipe "protéines pancréatiques" s'intéresse aux protéines qui sont exprimées de manières différentes dans le pancréas sain et malade. Elle a déterminé que le pancréas était capable d'une réaction de défense très spécifique de type réaction de stress qui se traduit par une diminution de l'expression de toutes les protéines non nécessaires à la survie de l'organe et par une augmentation de la synthèse de protéines spécifiques de défense. Deux recherches sont conduites :
- étude de la relation structure fonction des protéines impliquées dans la réaction de type stress (protéines de type chaperon).
- recherche sur la possibilité de diagnostic sachant que ces protéines sont produites abondamment dans un pancréas malade.
Les chercheurs ont montré qu'un dosage sérique de la protéine PAP (protéine associée à la pancréatite), non produite en temps normal, permet de suivre l'évolution de la gravité de la crise (Dépôt d'un brevet avec l'INSERM, association de l'INSERM avec une PME Dynabio SA qui produit actuellement un kit de dosage de cette protéine). La PAP constitue ainsi un marqueur de la souffrance pancréatique.
La plus grande application clinique du dosage sérique de la PAP concerne le dépistage de la mucoviscidose, maladie de tous les systèmes sécrétoires, dont le pancréas. Il est supposé que les enfants atteints de mucoviscidose subissent tous une attaque pancréatique, qui débute in utero. Ainsi, si la PAP est déjà synthétisée in utero alors un dosage sérique de la PAP à la naissance pourrait être un marqueur de dépistage néonatal de la mucoviscidose. Une étude, portant sur 250 000 naissances, a montré que la PAP discriminait les enfants atteints de muscoviscidose, et que d'autres situations pathologiques se traduisaient aussi par une élévation de cette protéine (pathologies néonatales tournant autour du système digestif et qui ont des répercussions au niveau pancréatique). Ce test, insuffisamment spécifique, doit être couplé avec un dosage immunologique de trypsine. Cet examen, en deux étapes biologiques sur le même prélèvement sanguin, permettra de mieux sélectionner les cas qui devront faire le test génétique (0.2% au lieu de 1.2% de la population). Une proposition d'étude pour vérifier la validité de ce procédé est en cours, dépistage depuis le 1er décembre 1997 jusqu'au 1er décembre 1998 pour la région Provence Alpes Côtes d'Azur. Un examen de la maladie dans sa totalité (du dépistage à la greffe) est réalisé actuellement en Bretagne (étude s'étendant sur cinq ans).
Actuellement, l'équipe étudie d'autres applications possibles, notamment avec le Pr. Sarle, chef de service de pédiatrie à la Timone pour la recherche de l'intérêt potentiel de ce marqueur.

Recherche clinique
En association avec le CIC (centre d'investigation clinique), structure paritaire INSERM et assistance publique, qui fournit un lieu pour faire de la recherche clinique très spécialisée, plusieurs projets sont en cours. Une étude est menée sur les marqueurs d'Alzheimer dans le liquide céphalo-rachidien (analyse 2D systématique).
Un autre projet concerne l'évaluation de la PAP dans le suivi de la maladie de Crohn (dosage d'échantillons pour le service de gastro-entérologie de l'hôpital Nord).
L'INSERM 315 confirme ainsi son intérêt pour les applications cliniques des recherches poursuivies. " Nous avons une approche systématique de la recherche d'anomalies susceptibles de mettre en évidence, soit des différences de diagnostic entre un état et un autre, soit des protéines surexprimées ou sous-exprimées, et qui puissent avoir une pertinence en terme de compréhension des mécanismes physiopathologiques, cela dans le but d'obtenir une thérapie " déclare Jean-Charles Dagorn, directeur de l'INSERM 315.

J. SILVY