Avril 1999 - n°37

Faculté de Médecine de Marseille

Visite guidée du nouveau laboratoire commun de sécurité microbiologique de niveau 3

Le nouveau laboratoire commun de sécurité microbiologique de niveau 3 inauguré le 6 janvier 1999 à la Faculté de Médecine de Marseille est l'un des plus grands et plus modernes de France, d'une superficie de 200 m2, il peut recevoir simultanément jusqu'à cinq équipes de recherche alors que les structures qualifiées pour la manipulation de germes de classe 3 sont généralement de petites tailles.

Le Professeur D. Raoult, Président de l'Université Aix-Marseille II, est à l'origine de ce projet qui a pu voir le jour grâce aux subventions du Conseil Général, du Conseil Régional et de la Communauté des Communes. "L'axe de recherche en Microbiologie et Pathologies transmissibles est particulièrement dynamique sur Marseille et il était nécessaire d'aménager un service commun de sécurité microbiologique de niveau 3 afin de permettre aux chercheurs de travailler en toute sécurité pour eux et pour l'environnement" explique le Pr D. Raoult.

La qualification NSB 3 : des exigences strictes nécessaires à la sécurité des manipulateurs et de l'environnement

Un laboratoire NSB3 (Niveau Sécurité Biologique 3) permet de manipuler des germes de haute contagiosité de classe 3 comme l'agent du typhus (la bactérie Rickettsia prowaseki), le virus de la fièvre jaune ou le protozoaire responsable du paludisme (classe 2).( En classe 3 vous avez également le virus du SIDA, le protozoaire Toxoplasma gondii responsable de la toxoplasmose,...)

"La qualification d'un laboratoire NSB 3 se fait à trois niveaux : la structure du bâtiment, l'équipement technique et le personnel" explique Philippe Hoest, responsable du laboratoire commun. Tous les systèmes et appareils font l'objet de validations et de contrats de maintenance annuels, le personnel est formé à la manipulation en laboratoire NSB3, rien n'est laissé au hasard à l'image de la qualification aéraulique des Z.A.C. (zones à atmosphère contrôlée) du laboratoire, à savoir :

- la mise à blanc...

- qualification proprement dit qui consiste à faire des mesures à l'aide d'appareils étalonnés : étanchéité et intégrité des filtres absolus..., taux de renouvellement horaire, temps de décontamination, luminosité, sonorité, classe particulaire... Au démarrage, une société a procédé à la mise à blanc des 13 zones du laboratoire qui a consisté en un nettoyage complet -dépoussiérage, lavage et désinfection- suivi d'une formolisation. Cette mise à blanc sera renouvelée une fois par an lors de l'arrêt du laboratoire nécessaire à la maintenance et à la vérification de l'équipement technique. Entre temps, tous les jours, un agent d'entretien dépoussière et lave les sols et les surfaces (poignées de porte, téléphones...) en alternant un produit désinfectant et un produit détergent. Tout est pensé pour assurer une sécurité totale des manipulateurs et de l'environnement, des procédures ont été établies afin de mieux appréhender l'utilisation, l'entretien et la maintenance des Z.A.C. et appareillages, mais également de réagir rapidement et efficacement en cas d'incident de fonctionnement : renversement de milieux contaminés, panne de la surpression... des contacts ont aussi été pris avec les pompiers afin de prévoir une intervention adaptée en cas d'incendie des locaux.

Visite guidée

Philippe Hoest nous guide dans le nouveau laboratoire qui comprend trois sas, cinq laboratoires, quatre boxes (animaleries) et une salle de stockage. Par le sas entrée, dont les portes sont asservies électriquement, on accède au sas septique qui dessert les laboratoires, les boxes et la pièce de stockage. Un écran de contrôle affiche la dépression dans toutes les Z.A.C : -20 Pa dans les sas entrée et sortie, -60 Pa dans le sas septique et -40 Pa dans les laboratoires et boxes. Un ordinateur relié au réseau de la faculté permet aux chercheurs d'entrer tous les résultats des manipulations sur place, aucun papier ne devant sortir du laboratoire NSB3. Chacun des cinq laboratoires possède un équipement de base : 1 ou 2 PSM (Poste Sécurité Microbiologie), 1 incubateur CO2 et 1 réfrigérateur congélateur et selon le besoin spécifique des chercheurs, d'autres matériels sont rentrés si nécessaires. Chaque équipe se voit décerner un laboratoire et un box et il lui est formellement interdit de pénétrer dans une zone dédiée à un autre laboratoire de recherche. "Cinq équipes peuvent travailler simultanément dans le laboratoire NSB3 sur différents bactéries, virus ou protozoaires et sur des échantillons biologiques dont on ne maîtrise pas forcément la contamination microbienne. Nous devons également nous prémunir du phénomène de contamination croisée (manipulations de plusieurs germes différents de classe 3 dans les mêmes locaux) qui augmente la dangerosité du laboratoire." explique P. Hoest. La pièce de stockage est réservée au matériel commun : ultracentrifugeuses, congélateurs -80 °C, azote liquide... Un passe-cassettes fait le lien entre le sas septique et la laverie qui jouxte le laboratoire NSB3. Ce passe-cassettes, dont les portes sont aussi asservies électriquement, permet de rentrer les matériels et réactifs et éventuellement quand c'est nécessaire de les ressortir après décontamination chimique. A côté du passe-cassettes se trouve l'autoclave à double entrée piloté par informatique. Les cycles de stérilisation sont enregistrés en continu et un dispositif de sécurité empêche l'ouverture de l'autoclave côté laverie si la stérilisation du chargement n'a pas eu lieu. Tous les déchets liquides et solides, mais aussi les vêtements de protection (combinaisons, gants, surchausses, calots) et les cadavres d'animaux de laboratoire sont autoclavés avant leur sortie du laboratoire NSB3. Au niveau du sas sortie, l'eau du lavage des mains est récupérée dans un bidon contenant un liquide désinfectant avant d'être autoclavée. "Rien ne sort du NSB3 sans être neutralisé au préalable par voie thermique ou chimique" confirme P. Hoest.

Adapter la rigueur industrielle à la recherche

Issu de l'industrie, P. Hoest travaille à la mise en place des Bonnes Pratiques de Laboratoire au NSB3. L'élimination des déchets dans les normes a été une de ses priorités, tous les déchets liquides et solides sont enlevés -après autoclavage- par une société accréditée par la DRIRE et incinérés sur Toulon. "Il y a une traçabilité totale de nos déchets de l'autoclavage à l'incinérateur" explique P. Hoest.

Valorisation de la Faculté de Médecine

Les équipes des Professeurs Raoult (Rickettsies), De Micco (virologie), Dessein (parasitologie), Pagès (enveloppe bactérienne) et Botta (produits génotoxiques) situées sur la Faculté de Médecine sont les premières à bénéficier de ce service commun qui est ouvert par ailleurs à toutes les unités de recherche publiques et industrielles concernées par ces normes de sécurité extrêmement spécialisées. "Pour la bonne marche du laboratoire NSB3, l'acceptation des demandes est bien sûr soumise à certaines conditions" précise P. Hoest "les demandeurs remplissent un questionnaire expliquant leurs recherches et les personnes susceptibles de venir manipuler doivent répondre aux exigences de travail en zone NSB3. Au vue de tous ces éléments, le Doyen de la Faculté de Médecine donne ou non son accord à l'équipe postulante".

Le laboratoire commun de microbiologie NSB3 contribue donc "à valoriser la Faculté de Médecine et maintenir une recherche médicale de haut niveau sur Marseille", une volonté exprimée par le Pr Y. Berland, Doyen de la Faculté de Médecine lors de son arrivée à la tête de la faculté en septembre dernier.

V. CROCHET