Juin 1999 - n°39

Le Laboratoire de Biogéochimie Isotopique de l'Université Paris VI - 13C, 15N, 18O, 2H au service d'une meilleure connaissance de notre Environnement

Le Laboratoire de Biogéochimie Isotopique (LBI) de l'Université Pierre et Marie Curie, Paris VI, est une unité de recherche associée à l'INRA et au CNRS.

Il s'intéresse principalement à l'utilisation d'isotopes stables en abondance naturelle (13C, 15N, 18O, 2H) pour une meilleure connaissance des grands cycles biogéochimiques : cycles de l'eau, du carbone et de l'azote...

De la pollution environnementale au régime alimentaire de l'Homme de Néandertal...

Concrètement, le LBI est animé par une équipe de 20 personnes, sous la direction du Professeur André Mariotti.

Au coeur de ses recherches : l'Isotope... et des sujets aussi divers que la pollution par les nitrates, l'étude de l'humus des sols, la distinction entre l'ivoire de mammouth et celle de l'éléphant, ou encore le régime alimentaire de l'Homme de Néandertal.

"Les proportions respectives d'isotopes lourds et légers qui entrent naturellement dans la composition de certains produits sont une de leurs caractéristiques intrinsèques", nous explique M. Gérard Bardoux, assistant ingénieur au CNRS. "Cela justifie que ces isotopes soient exploités dans le domaine médical (pour diagnostiquer certains ulcères de l'estomac), mais aussi dans la répression des fraudes (pour différencier la vanille naturelle de la vanille de synthèse, le jus d'orange 100% pur jus d'autres contrefaçons...)... ou encore dans le domaine environnemental."

L'étude des isotopes de carbone se révèle particulièrement efficace pour mieux comprendre la dynamique des matières organiques dans les sols, le phénomène de la déforestation et le devenir des polluants tels que les pesticides.

Les isotopes de l'azote, eux, informent de l'impact de l'activité anthropique sur le cycle de l'azote (et notamment la pollution par les nitrates) et ceux de l'hydrogène renseignent sur le devenir de l'eau dans les systèmes hydrologiques et les agro-systèmes.

Enfin, en groupant plusieurs isotopes, il est possible d'approfondir l'étude et la reconstitution de paléo-environnements continentaux, avec un intérêt tout particulier sur la mesure isotopique du collagène des ossements très anciens pour l'étude de la nutrition animale et humaine...

C'est d'ailleurs pour les recherches de son équipe sur le régime alimentaire de l'Homme de Néandertal que le Pr André Mariotti a reçu, en 1994, au nom du Laboratoire, le Prix Scientifique Philip Morris...

Un outil de prédilection : la spectrométrie de masse isotopique...

"L'élément central de nos études, l'isotope, ne peut être mesuré que dans des conditions de vide extrême, comparable à celui qui règne sur la lune", présente M. Cyril Girardin, Ingénieur d'Etudes à l'INRA.

Les isotopes présentent, en effet, des différences de masse extrêmement faibles et leur étude requiert des instruments de haute précision pour lesquels la moindre impureté pourrait venir perturber l'analyse.

Dans ce contexte, l'outil de mesure le mieux adapté pour quantifier les isotopes en abondance naturelle est la spectrométrie de masse isotopique.

Le Laboratoire de Biogéochimie isotopique en possède sept...

... des instruments qui, depuis le début des années 90, ont su évoluer vers des systèmes automatisés dit "en ligne" pour concilier deux impératifs : produire toujours plus d'analyses et traiter des échantillons de plus en plus petits.

Ils réalisent ainsi le couplage du spectromètre de masse isotopique avec différents "préparateurs" d'échantillons, principalement des analyseurs élémentaires, capables de prendre en compte des échantillons totaux solides (sol, végétaux...) ou liquides (huiles), et des chromatographes en phase gazeuse qui permettent l'étude de molécules séparées...

Le traitement des échantillons, leur circulation dans les préparateurs, puis leur transfert vers l'analyseur nécessite l'utilisation de nombreux gaz : de l'oxygène pour l'oxydation, de l'hélium pour le transport (gaz vecteur) et enfin de l'azote et du CO2 pour le calibrage du spectromètre...

Une exigence : l'extrême pureté gazeuse...

Dans ces conditions spécifiques où le système est balayé en permanence par un courant d'hélium et que la prise d'essai du matériel peut faire, selon sa nature, de quelques centaines de microgrammes à quelques dizaines de nanogrammes, il est clair que la haute pureté des différents gaz utilisés est fondamentale pour garantir la qualité de la mesure.

En effet, une contamination, même faible quantitativement, renferme une signature qui peut venir perturber la mesure recherchée.

"Deux autres raisons peuvent être invoquées pour justifier notre traque sévère des impuretés", souligne M. Bardoux. "Il arrive qu'un échantillon soit unique et ne puisse être mesuré qu'une seule fois ; dans ce cas, l'intérêt scientifique ne donne pas droit à l'erreur. Enfin, il est important d'éviter tout risque de dégradation de notre parc d'analyse qui représente un investissement financier conséquent..."

C'est pourquoi le Laboratoire de Biogéochimie Isotopique ne peut se permettre d'utiliser que des gaz vecteurs de très haute qualité et qu'à ce titre, toujours à la recherche de solutions plus performantes, il a décidé de collaborer avec l'équipe Gaz Spéciaux de la société Air Products. C'est ainsi qu'ont débuté deux mois de tests pour une comparaison précise de l'Hélium classique 5.5 au dernier-né de la gamme Air Products : l'Hélium GC, associé à son système de filtration interne BIP (Built-In-Purifier).

"Les résultats sont éloquents ; l'Hélium GC affiche une pureté comparable, sinon légèrement supérieure à celle de l'Hélium classique 5.5, en particulier pour les contaminants qui nous intéressent, à savoir le CO2, le N2, l'H2O, le CH4 et l'Ar, cela à des coûts particulièrement appréciables...", précise M. Girardin.

C'est donc sur la base de cette première expérience couronnée de succès que le L.B.I. poursuit aujourd'hui sa collaboration étroite avec Air Products, parallèlement à ses nombreux partenariats scientifiques, publics et industriels, en France et à l'étranger...

Un atout de taille pour le Laboratoire de Biogéochimie Isotopique qui satisfait ainsi ses exigences de haute pureté gazeuse et profite des dernières avancées technologiques pour l'approfondissement de ses recherches, au coeur de l'univers isotopique...

S.DENIS