Novembre 1999 - n°42

Le Laboratoire Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur

L'Unité Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur peut être fière de la notoriété de son équipe, fondée sur près d'un quart de siècle de recherche et de découvertes majeures pour la prévention, le diagnostic et la thérapeutique des pathologies allergiques.

Gros plan sur un Laboratoire - référence internationale en matière d'allergologie - et, portrait d'un Homme très charismatique - le Professeur Bernard DAVID - que pourtant rien, il y a 25 ans, ne prédisposait à se spécialiser dans cette discipline tout juste émergente. Il dirige aujourd'hui l'une des meilleures unités de recherche dans le monde de l'allergie.

Pour la petite histoire...

C'est au début des années 70, suite à un véritable concours de circonstances, que remonte l'origine de l'Unité Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur.

Bernard DAVID, bactériologiste de formation, exerçait en effet à l'Institut Pasteur lorsque, pour des raisons personnelles (à savoir expliquer une réaction inflammatoire observée chez son fils pendant les dernières vacances !), il est amené à rencontrer son collègue, le Dr GUIBERT, responsable du service Allergène. Ce service est alors spécialisé dans la préparation d'extraits allergéniques (pollens, poussières, moisissures...). Mais plus qu'une simple réponse à ses interrogations, Bernard DAVID obtient une information d'un tout autre ordre : le souhait du Dr GUIBERT de développer une véritable activité de recherche. Bien que l'allergologie n'en soit encore qu'à ses débuts, M. DAVID relève le défi.

Le 1er janvier 1973, le service recherche de l'Unité Allergènes est créé...

" La manifestation allergique est, à cette époque, tout juste connue comme étant liée à la production d'anticorps de classe IgE et vient également d'être associée à la libération de médiateurs de l'inflammation tels que l'histamine par les cellules basophiles... ", nous explique M. DAVID.

Jeune scientifique prônant le développement de la recherche dans ce secteur jusqu'alors exclusivement clinique, Bernard DAVID et les études qu'il mène sont loin de faire l'unanimité de la communauté internationale. Mais, ses résultats ne tarderont pas à parler pour lui...

En 1975, le Laboratoire met au point le premier protocole permettant de " visualiser " par spectrofluorimétrie la libération d'histamine et, donc, de caractériser le phénomène allergique.

" C'est d'ailleurs en me prenant comme témoin pour l'application de cette technique à l'allergie au pollen que j'ai eu la surprise de découvrir une courbe identique à celle observée chez les sujets polléniques ", nous confie M. DAVID, " une information inattendue, mais parfaitement exacte, qui illustre le fait que de nombreuses personnes puissent être sensibilisées à un allergène, sans jamais avoir manifesté le moindre symptôme... "

En 1977, est fondée l'Unité d'Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur.

La seule Unité française entièrement dédiée à la recherche sur les pathologies allergiques

Sous la direction de Bernard DAVID, l'équipe ne cesse alors de s'étoffer et d'affirmer son expertise dans le domaine de l'allergologie. Les résultats sont éloquents, sur chacune des thématiques étudiées, notamment :

- L'allergie au pollen

avec le développement en interne de techniques électrophorétiques particulièrement performantes et la mise en évidence de deux paramètres essentiels :

- l'hétérogénéité du pollen (identification de plusieurs protéines allergènes)

- la variabilité des systèmes immunitaires, d'un individu à l'autre...

" D'où, non pas UNE réaction allergique au pollen, mais une grande diversité de réponses... ", ajoute M. DAVID.

- L'allergie aux acariens

En 1980, l'équipe du Dr DAVID parvient à isoler l'allergène majeur de l'acarien, en d'autres termes : celui auquel 100% des patients allergiques répondent.

L'Unité Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur connaît alors une totale revalorisation de ses travaux auprès de la communauté scientifique internationale.

Bernard DAVID est nommé à l'Académie Américaine d'Allergie, avant d'être également convié à se joindre à la Société Française d'Allergie, puis à en devenir le Président (nous consacrerons prochainement un article à la Société Française d'Allergologie et d'Immunologie Clinique).

Promu Professeur en 1985, il voit également se renforcer les moyens que lui sont attribués, avec l'extension de ses laboratoires sur deux étages supplémentaires.

Aujourd'hui, l'Unité Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur est animée par une équipe de 35 personnes, à la pointe des technologies les plus modernes. De l'HPLC et l'isoélectrophorèse à la biologie structurale : microscopie électronique, cristallographie, modélisation moléculaire... ; jusqu'aux méthodes d'immunogénétique et de pharmacologie moléculaire les plus avancées : immunoempreinte, expression des protéines, analyse des marques de membrane..., le Laboratoire dispose d'un parc instrumental performant et bénéficie de collaborations étroites avec de nombreuses autres unités aux savoir-faire complémentaires.

Interface entre la recherche fondamentale, la clinique et la pharmacologie industrielle

Dans la continuité de ses premiers travaux, l'Unité Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur affirme, aujourd'hui plus que jamais, sa position à l'interface de la recherche fondamentale, des investigations cliniques et de la pharmacologie industrielle.

La thématique Allergènes s'est tout particulièrement orientée vers l'étude de l'allergie aux équidés.

" En 1996, plusieurs protéines allergènes du cheval, dont un allergène majeur, ont été isolées ", nous rappelle le Pr DAVID. " à partir de là, ont alors été conduites avec succès des recherches plus approfondies pour l'obtention en culture d'allergènes recombinants, puis la modélisation de ces allergènes ". Pour la première fois au monde, le cristal de la molécule allergène majeur du cheval, a ainsi pu être visualisé et sa modélisation a été obtenue sur informatique, un modèle expérimental primordial pour de nouvelles investigations tant sur le plan fondamental que clinique.

L'autre grande thématique de recherche de l'Unité Immuno-Allergie s'est plus précisément axée sur la compréhension des mécanismes propres au phénomène allergique : la production d'anticorps IgE et la libération d'histamine par dégranulation des cellules basophiles du sang et des mastocytes tissulaires.

Premier problème auquel se heurte le Laboratoire : la difficulté de disposer de sang humain et, par conséquent, des basophiles qu'il contient.

Le Pr DAVID et son équipe décident alors de travailler à partir de basophiles leucémiques de rat (RBL), une lignée de cellules en culture au comportement très similaire à celui des mastocytes humains.

Un chercheur du NIH - à l'origine du clonage du gène du récepteur humain de l'IgE - ayant rejoint l'unité du Pr DAVID, met au point la transfection de ce gène dans le basophile de rat. Le principe est simple et les résultats sont remarquables. Les cellules RBL expriment alors le récepteur humain de l'IgE et interviennent dès lors comme les basophiles et mastocytes de l'Homme dans les différentes étapes immunochimiques de la réaction allergique, jusqu'à la libération des médiateurs de l'inflammation.

" Une avancée importante a d'ailleurs été opérée en 1995 par mon groupe travaillant sur le mastocyte dans la compréhension de ce mécanisme, avec la démonstration que le mastocyte n'est pas une simple cellule passive, mais qu'il intervient comme une cellule présentatrice d'antigènes , donc vecteur de l'information pour la régulation du système immunitaire... ", souligne le Pr Bernard DAVID.

Une thématique qui intéresse au plus au point l'Industrie Pharmaceutique pour toutes les perspectives qu'elle ouvre en termes de connaissances sur le phénomène allergique et, donc, de nouveaux médicaments potentiels.

L'Unité Immuno-Allergie de l'Institut Pasteur, quant à elle, entend continuer à défendre l'importance de l'harmonisation entre le fondamental et la clinique.

" L'idéal serait la création d'un centre d'études commun où recherche académique, recherche clinique et recherche industrielle seraient menées de concert ", nous confie le Pr DAVID. " Envisager une recherche de haut niveau à long terme fait partie des enjeux de Santé Publique et nécessite l'apport constant d'une recherche fondamentale appropriée (biologie cellulaire, immunologie cellulaire, physicochimie des macro-molécules...) et ce, d'ailleurs, aussi bien dans la lutte contre les pathologies allergiques que contre les maladies infectieuses ou tumorales... "

Contact :

Pr Bernard DAVID