Février 2000 - n°45

L'arbre généalogique des différents cépages cultivés actuellement à travers le monde établi grâce à la biologie moléculaire

Fruit d'une collaboration entre les chercheurs montpelliérains Jean-Michel Boursiquot et Patrice This (UFR de viticulture de l'AGRO Montpellier et de l'INRA) et une équipe californienne, les résultats

publiés en septembre 1999 dans la revue internationale Science livrent la réelle filiation des grands cépages européens comme le Chardonnay, le Gamay ou l'Aligoté.

En effet, jusqu'à présent, pour établir l'origine des cépages, les ampélographes ne pouvaient se baser que sur des caractères phénotypiques comme la forme des feuilles ou celles des raisins et des grappes. Avec les progrès réalisés dans le domaine de la biologie moléculaire et l'application des techniques performantes de comparaison d'ADN aux différents cépages, l'arbre généalogique des variétés actuellement cultivées dans le monde se précise et révèle des surprises.

Le Gouais blanc, père de 16 cépages connus

Pour rechercher les parentés entre les 322 variétés de cépages de leur étude, les chercheurs ont analysé et comparé certains sites de l'ADN appelés microsatellites. La génétique moléculaire permet ainsi d'établir avec une quasi-certitude que tel ADN est issu de tel autre et les résultats montrent que quelques-uns des plus grands cépages français présents dans les appelations d'origine contrôlée descendent d'un couple fondateur unique constitué il y a plusieurs siècles du Pinot noir et du Gouais blanc. Seize cépages connus, principalement originaires de l'Est de la France et de la vallée de la Loire (le Chardonnay, l'Aligoté, le Gamay ou encore le Melon de Bourgogne), descendent donc de ce même couple végétal et, si cette étroite filiation n'est pas trop une surprise pour

les spécialistes, c'est le rôle du Gouais blanc en tant qu'ancêtre commun qui est plus surprenant. Si le Pinot noir est en effet un cépage reconnu (c'est le cépage classique des vins rouges de Bourgogne), le Gouais blanc est en revanche un cépage de mauvaise qualité qui avait déjà piètre réputation au Moyen-Age. Disparu depuis fort longtemps, le Gouais blanc n'est plus autorisé à la culture en France et il n'en resterait probablement aucune souche si l'INRA ne l'avait pas répertorié au sein de son Conservatoire de Vassal à Marseillan dans l'Hérault qui possède la plus importante

collection de cépages du monde (2200 Vitis vinifera provenant de 35 pays).

Autrefois, les vignerons n'hésitaient pas à croiser de manière empirique plusieurs cépages afin d'obtenir des sujets plus productifs et résistants aux maladies. Or, un croisement a plus de chance de réussir si les deux géniteurs sont relativement éloignés génétiquement, ce qui est le cas du Pinot noir et du Gouais blanc. On peut citer comme autre exemple de croisement réussi le Cabernet-Sauvignon issu du Cabernet franc et du Sauvignon blanc, deux cépages génétiquement dissemblables. Le Gouais blanc, aujourd'hui oublié, a donc joué un grand rôle dans l'histoire de la viticulture moderne et les travaux de filiation se poursuivent sur d'autres cépages (Gewurztraminer, Marsanne et Roussane). Les chercheurs prévoient d'utiliser de nouveaux marqueurs, présents dans

les chloroplastes, qui ne sont transmis chez la vigne que par la mère et devraient permettre

de progresser encore dans la connaissance de l'origine des cépages et de l'évolution de la vigne.

V. CROCHET

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