Juin 2000 - n°49

L'équipe de recherche "Infections Rétrovirales et Signalisation Cellulaire" (CNRS EP 2104 - Université de Montpellier 1)

Vers un pôle de recherches en rétrovirologie humaine sur Montpellier

Sur l'initiative de Christian Devaux, Directeur de recherche CNRS, l'EP CNRS 2104 a été créée le 1er janvier 1999 par Madame Catherine Bréchignac, Directeur Général du CNRS, après avis favorable des sections 24 et 22 du Comité National de la Recherche et sur proposition de la Direction du Département des Sciences de la Vie. "La création de l'EP CNRS 2104 est la première étape importante pour la constitution et la reconnaissance d'un pôle de recherches en rétrovirologie humaine à Montpellier " se félicite Christian Devaux qui œuvre en effet dans ce sens depuis plusieurs années.

L'importance des rétrovirus en santé humaine

Derrière le terme générique de rétrovirus se cachent plusieurs agents responsables de sévères pathologies humaines. Le plus connu et le plus étudié est le virus responsable du SIDA, l'Human Immunodeficiency Virus (HIV). Isolé en 1983, il est présent chez environ 40 millions de personnes qui, pour la grande majorité, évolueront vers un SIDA en absence de traitement efficace. Le Human T cell Leukemia Virus (HTLV) isolé en 1980 est responsable d'une leucémie appelée ATL et d'un processus de dégénérescence musculaire (TSP/HAM). Ce rétrovirus est présent chez environ 20 millions d'individus dont 2 à 10 % développeront une ATL. D'autres rétrovirus sont également suspectés d'intervenir dans diverses pathologies dont l'origine rétrovirale n'a néanmoins pas été confirmée à ce jour, c'est la cas de l'Human Foamy Virus (HFV) qui serait impliqué dans certaines pathologies auto-immunes. A côté de ces rétrovirus exogènes transmis par infections, les rétrovirus endogènes (HERV), c'est-à-dire les séquences rétrovirales présentes dans le génome de tout individu, seraient également à l'origine de graves maladies (tumeurs, forme aiguë de diabète). C'est par exemple le cas de l'endorétrovirus ERV-9 dont des séquences rétrovirales apparentées (MSRV) ont été décrites chez des patients atteints de sclérose en plaques. A cette liste non exhaustive de pathologies liées aux rétrovirus humains, il faut maintenant aussi considérer les risques engendrés par les xénotransplantations et la possible transmission à l'homme de nouveaux rétrovirus animaux. Il a notamment été prouvé que les rétrovirus porcins PERV-PK et PoEV infectent les cellules humaines. La démonstration de ce pouvoir infectieux suggère que même en absence de cas répertorié de contamination d'un patient xénotransplanté, il existe un réel danger de contamination lors d'une xénogreffe, risque renforcé par les traitements immunosuppresseurs associés à la transplantation.

La nécessité de maintenir une recherche fondamentale de haut niveau sur les rétrovirus

Le HIV a fait l'objet, au niveau international, de nombreuses investigations ces dernières années. Avec l'apparition des trithérapies - et même s'il reste encore des pôles d'excellence français - il suscite aujourd'hui moins d'efforts de recherche et de nombreuses équipes amorcent une reconversion vers d'autres domaines de l'infectiologie. "Cependant nos connaissances sur la physiopathologie des infections rétrovirales et sur le dialogue moléculaire entre rétrovirus et cellule-cible restent à déterminer" précise Christian Devaux. "De plus, pour les chercheurs fondamentalistes, les infections de cellules humaines par des rétrovirus offrent d'excellents modèles pour étudier le fonctionnement des cellules " poursuit le directeur de l'EP 2104. Quant aux autres rétrovirus, ils sont peu étudiés en France : quelques laboratoires (CNRS, INSERM, IRD) s'intéressent au HTLV, une unique équipe parisienne du CNRS se consacre au HFV et seule, une unité INRA travaille sur les rétrovirus porcins et leur adaptation sur cultures de cellules humaines.

"Pour toutes ces raisons, il apparaît indispensable de maintenir des activités de recherche fondamentale en rétrovirologie sur HIV et HTLV mais également de développer, dans la mesure du possible, des activités sur les autres rétrovirus qui pourront être rencontrés chez l'homme dans les prochaines années, c'est le but que nous poursuivons au sein de notre laboratoire " confirme Christian Devaux.

L'EP 2104 "Infections rétrovirales et signalisation cellulaire"

L'EP 2104 est une émanation du Centre de Recherche de Biochimie Macromoléculaire (CRBM - UPR CNRS 1086). Après des recherches menées au sein du Centre d'Immunologie de Marseille Luminy, du "National Cancer Institute" de Bethesda et de l'unité marseillaise U 322 de l'INSERM (Rétrovirus et maladies associées), Christian Devaux prend en effet en 1990 la direction - au sein du CRBM - d'une nouvelle équipe de recherche consacrée aux rétrovirus. Au départ constituée de quelques scientifiques issus de l'unité 322, l'équipe se renforce rapidement par l'arrivée d'un groupe hospitalo-universitaire puis au fil des années par plusieurs chercheurs CNRS, elle compte aujourd'hui une vingtaine de personnes dont 6 chercheurs statutaires. Accueilli par la Faculté de Médecine (Université de Montpellier I), le laboratoire occupe environ 600 m2 du second étage de l'Institut de Biologie et est équipé de deux salles classées P3.

Les thèmes de recherche

L'EP 2104 se consacre à l'étude du dialogue moléculaire existant entre rétrovirus pathogènes pour l'homme (HIV-1, HIV-2, HTLV-1, HTLV-2) et lymphocytes T. Le laboratoire associe étroitement la recherche fondamentale en rétrovirologie et immunologie moléculaire et cellulaire à la recherche clinique spécialisée. Ce lien précieux est rendu possible par la présence dans le laboratoire d'une équipe hospitalo-universitaire "Physiopathologie de l'infection par HIV" dirigée par Jean-Pierre Vendrell et par une collaboration active avec le service clinique montpelliérain qui reçoit les patients séropositifs (service "maladies infectieuses et tropicales" du Pr. Jacques Reynes - CHU Hôpital Gui de Chauliac). Par ailleurs, de nombreux projets sont réalisés en collaboration avec des équipes de recherche françaises et étrangères et l'EP 2104 développe également des relations suivies avec des industriels.

Recherches fondamentales et cliniques sur les effets du HIV-1 et HTLV-1 sur la signalisation cellulaire T

Deux équipes travaillent sur le HIV - "Signalisation cellulaire T et HIV" (Resp. Laurence Briant) et "Récepteurs viraux et apoptose" (Resp. Martine Biard-Piechaczyk) - et développent des recherches sur les effets du HIV-1 sur la signalisation cellulaire T à plusieurs niveaux : à partir des récepteurs de surface CD4, CXCR4, CCR5, en étudiant l'implication de kinases et phosphatases dans les cascades de signaux induits par le virus, par la recherche de partenaires cellulaires des récepteurs aux virus, en étudiant la transcription de gènes cellulaires et viraux et la mort cellulaire programmée (apoptose). Une équipe de recherche se consacre à l'effet du HTLV-1 sur la signalisation cellulaire T (Resp. Jean-Michel Mesnard) en étudiant les mécanismes de transactivation et répression par Tax et en recherchant des facteurs cellulaires responsables de la transformation induite par HTLV-1. L'équipe de recherche clinique travaille sur les conséquences physiopathologiques de la signalisation induite par HIV (évolution vers le SIDA) et sur l'évaluation fonctionnelle des cellules CD4 au cours des multithérapies.

Recherches appliquées : développement de molécules antivirales

Le développement de molécules antivirales et de méthodes de diagnostic est la conséquence logique des recherches menées par l'EP 2104. Le laboratoire, en collaboration avec d'autres unités spécialisées, poursuit plusieurs projets dans le domaine de la mise au point de nouvelles thérapies : humanisation d'anticorps monoclonaux anti-CD4, peptides cyclisés dérivés de paratopes d'anticorps anti-CD4, peptides cyclisés CDR3-like et peptides inhibiteurs de la transcriptase inverse du HIV.

Sur la période 1999-2000, l'EP 2104 a publié plusieurs résultats importants dans des revues internationales comme "Journal of Biological Chemistry", "Molecular and Cellular Biology" ou "Virology".

"Si actuellement les recherches sur HIV-1 représentent 75 % de l'activité du laboratoire, le but à plus ou moins long terme est d'augmenter la masse critique de chercheurs afin d'augmenter la production scientifique sur HIV et HTLV et diversifier les recherches vers les autres rétrovirus. La constitution d'un pôle d'expertise en rétrovirologie humaine présentera aussi l'avantage d'offrir une meilleure lisibilité vis-à-vis des industriels" conclut Christian Devaux.

V. CROCHET

Contact :

CNRS EP 2104 - UMI

Christian Devaux