Novembre 2000 - n°52

PORTRAIT : Michel VAUCLIN, directeur du Laboratoire d'Etude des Transferts en Hydrologie et Environnement de Grenoble, Lauréat du Prix Scientifique Philip Morris 2000 en Environnement

Le Prix Scientifique Philip Morris 2000 en Environnement a été attribué à Michel VAUCLIN et à son laboratoire, pour leur approche interdisciplinaire du cycle continental de l'eau. Directeur de recherche au CNRS, Michel VAUCLIN dirige le Laboratoire d'Etude des Transferts en Hydrologie et Environnement (LTHE) de Grenoble, unité mixte de recherche 5564 du CNRS, Université, INPG, IRD.

Parcours d'une recherche

Il rêvait d'être pilote et de fendre l'air à bord d'un avion, mais c'est à l'eau qu'il va vouer son existence.

En 1966, Michel VAUCLIN intègre l'Ecole Hydraulique de Grenoble. Dans sa thèse d'Etat, soutenue en 1975, il étudie les problèmes d'écoulement en milieu poreux.

Aujourd'hui, à 55 ans, il dirige le Laboratoire d'Etude des Transferts en Hydrologie et Environnement (LTHE) : une unité mixte de recherche créée en 1992, avec pour co-tutelles le département " Sciences de l'Univers " du CNRS, l'Université J. Fourier de Grenoble, l'Institut National Polytechnique et l'Institut de Recherche pour le Développement (ex-ORSTOM).

90 personnes - dont une cinquantaine de permanents et une trentaine de doctorants - travaillent sous son égide. Fort de ce potentiel de recherche scientifique et technique, le laboratoire s'impose comme le moteur de nombreux projets, dont la variété et la complexité nécessitent la mobilisation de compétences diversifiées, tant internes qu'externes.

" En huit ans, notre effectif a été multiplié par trois. Pour éviter les cloisonnements, nous avons imaginé une structure favorisant les projets transversaux... ", nous confie M. VAUCLIN.

Atout premier du LTHE : l'interdisciplinarité

L'hydrologie, au sens moderne, c'est l'ensemble des composantes du cycle de l'eau, aussi bien sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif Afin d'accroître les connaissances dans ce domaine, le LTHE s'est engagé dans une démarche interdisciplinaire, dans laquelle interviennent la mécanique des fluides, l'hydrologie et la microbiologie des sols, la géographie physique, mais aussi l'agronomie et les mathématiques appliquées.

" Cette collaboration étroite permet notamment l'étude des phénomènes de couplage, qu'il s'agisse des interactions sols-végétation-atmosphère, des échanges de masse entre les surfaces continentales et l'atmosphère ou des interférences entre les écoulements d'eau et le transport de substances chimiques ", nous explique Michel VAUCLIN.

* Sur le terrain, plusieurs observatoires livrent leurs données aux chercheurs : une station hydrométrique en Isère, des sites péri-urbains dans la région grenobloise, le bassin de l'Ardèche. En Afrique de l'Ouest, une opération de longue durée tente d'évaluer l'influence de la variabilité climatique et des activités anthropiques sur les ressources en eau de cette région. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, en Espagne, en Tunisie et au Mexique sont menées des interventions de plus courte durée.

* L'acquisition et l'interprétation des données :

Compte tenu de l'hétérogénéité des milieux d'étude et de la multiplicité des échelles (la plante, le profil du sol, la parcelle, le versant, le bassin, la région...), l'acquisition et l'interprétation des données nécessitent des métrodologies de haute technologie (capteurs satellites, radars, stations automatiques de mesure au sol...) et des méthodes mathématiques élaborées (homogénéisation, méthodes inverses, analyse au signal...).

* De l'analyse des phénomènes à leur représentation par des modèles

D'importants développements instrumentaux et méthodologiques sont requis. Parmi ceux-ci notamment :

- la spectrométrie gamma double source, qui a permis la mise au point et le test d'une modélisation des transferts hydriques dans les géomatériaux déformables, de très faible perméabilité ;

- la conductivimétrie pour l'estimation in situ et non destructive des propriétés thermiques des milieux poreux et de leur variation avec l'humidité ;

- la réflectométrie pour la mesure d'humidité des sols ;

- l'infiltrométrie couplée à des traçages chimiques, qui a mis en évidence l'existence quasi-systématique d'un champ bi-modal des vitesses d'écoulement dans les sols insaturés ;

- des concepts issus de la logique floue introduits dans la modélisation environnementale, pour estimer le degré de confiance à accorder à la solution d'un problème de transport de substances chimiques dans le sol ou dans les eaux superficielles

Soulignons, en outre, l'intégration du LTHE dans de nombreux réseaux de laboratoires et son implication dans plusieurs programmes régionaux, nationaux, européens et internationaux.

A noter également la participation active du Laboratoire aux conventions bilatérales de coopération et d'échanges de chercheurs (Bénin, Brésil, Canada, Chili, Maroc, Mexique, Sénégal, USA, Vénézuela, Vietnam), ainsi que ses collaborations étroites avec de grands groupes industriels (CEA, EDF, GDF, ...) tout comme avec des PME-PMI (SOGREAH-Grenoble, PRODIREG-Chambéry, SDEC-Tours...), dans le cadre de contrats de recherche

 

L'équilibre entre expérimentation en laboratoire, observations de terrain et approches plus théoriques de modélisation numérique

L'une des exigences du Laboratoire est de faire participer, chaque fois que c'est possible, les professions intéressées, quitte à orienter le programme en fonction de leurs observations.

Cela a été le cas d'une opération sur le devenir des nitrates, conduite durant cinq ans dans la région de Grenoble.

" Nous y avons étroitement associé les agriculteurs ", explique M. VAUCLIN. " Après deux ans d'étude, nous avons constaté qu'ils utilisaient plus de fertilisants que nécessaire. Résultat : une partie résiduelle percolaient vers les aquifères et contribuait à augmenter les taux de nitrate. Nous avons donc proposé une réduction de 30 % des apports azotés, stratégie qui a été adoptée, deux ans plus tard, par les agriculteurs, sans perte de rendements ".

Comment mieux préserver la qualité des hydrosystèmes et se prémunir contre les pollutions chimiques, essentiellement liées à l'activité agricole ? Tel est l'un des enjeux majeurs du LTHE pour contribuer à développer une agriculture rentable, mais plus soucieuse de la qualité de l'environnement.

Autre enjeu : la prévision des phénomènes extrêmes, comme les crues et les inondations.

Elles dépendent de plusieurs paramètres : l'état initial du bassin en terme d'humidité, l'intensité de la pluie et l'extension géographique du phénomène pluvieux.

Comment mieux les prévoir et, surtout, mieux s'en prémunir ?

Autant de questions, parmi d'autres, sur lesquelles planche le Laboratoire de Grenoble.

Véritable chef d'orchestre, Michel VAUCLIN ne cache pas son objectif : " Maintenir un équilibre entre une composante expérimentale, le terrain et des approches plus théoriques de modélisation numérique ".

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à contacter :

M. Michel VAUCLIN