Janvier 2001 - n°54

DISTINCTION : Yézékiel BEN-ARI reçoit le Grand Prix de l'American Epilepsy Society pour ses travaux sur l'épilepsie temporale

Yézékiel BEN-ARI, directeur de recherche au CNRS, a reçu le Grand Prix de l'American Epilepsy Society (A.E.S.) le 4 décembre dernier à Los Angeles au cours du 54ème congrès annuel de l'association.

L'American Epilepsy Society est une société prestigieuse dans le domaine de l'épilepsie. Le prix qu'elle attribue chaque année a pour but de récompenser les découvertes qui vont améliorer la santé des épileptiques, la compréhension des mécanismes de l'épileptogenèse et le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Yézékiel BEN-ARI est le premier chercheur français à recevoir cette distinction, seul un clinicien français, le Professeur AICARDI, avait auparavant reçu ce prix pour ses travaux dans le domaine de l'épilepsie infantile.

"Ce prix marque une reconnaissance d'autant plus appréciable qu'elle est rare, l'A.E.S. donne en effet souvent ce prix à des américains, et, de plus, l'exposé des recommandations souligne l'importance des contributions scientifiques de mon équipe de recherche" se félicite Y. BEN-ARI.

Yézékiel BEN-ARI est directeur de l'unité 29 de l'INSERM, installée depuis 1999 sur le campus de Luminy à Marseille. La délocalisation de son équipe de recherche - auparavant située au sein de l'hôpital Port Royal à Paris -est la première étape du projet INMED qui verra le jour très prochainement. Ce projet ambitieux piloté par Y. BEN-ARI comporte des volets de recherche fondamentale, de recherche appliquée et de formation dans les domaines des sciences du cerveau (voir à ce sujet notre article "Le projet INMED à Marseille" paru en octobre 1999).

L'épilepsie temporale

Les travaux de l'unité 29 de l'INSERM ont permis plusieurs avancées fondamentales dans la compréhension de l'épilepsie dite temporale. L'épilepsie temporale représente 25 à 30 % des épilepsies et est particulièrement grave car elle est résistante aux traitements pharmacologiques. Elle nécessite une intervention chirurgicale au cours de laquelle le tissu épileptique est prélevé. Cette opération n'est cependant pas toujours possible et, de plus, n'engendre pas forcément l'arrêt des crises.

- Un modèle animal d'épilepsie temporale

Les travaux primés par l'A.E.S. concernent plusieurs aspects de la maladie et de ses conséquences et ont pour point de départ la découverte d'un modèle animal d'épilepsie temporale chez le rat. Ce modèle permet de reproduire toute la cascade d'événements qui aboutit à la genèse d'une crise d'épilepsie dans les mêmes régions du cerveau que celles impliquées chez l'homme. Ces régions sont situées dans le lobe temporal du cerveau et sont notamment l'hippocampe et le complexe amygdalien. La crise est obtenue par injection d'une drogue, l'acide kaïnique, présente dans les algues marines, cette substance est utilisée depuis longtemps au Japon pour son activité anti-ascaricide. Ce modèle, qui se traduit par une symptomatologie et une pathologie de la crise semblables chez l'animal et l'homme, est devenu un des plus utilisés pour comprendre l'épilepsie temporale.

- Lésions cellulaires et mort neuronale, les conséquences d'une activité électrique neuronale exacerbée

En utilisant ce modèle, les chercheurs de l'équipe ont montré que les crises provoquaient des lésions qui résultaient de l'activité électrique neuronale exacerbée. Des neurotransmetteurs, comme le glutamate et le zinc, sont libérés de façon excessive lors de la crise et deviennent toxiques. L'unité 29 a aussi remarqué que cette activité excessive aboutit à l'activation de gènes qui induisent une mort neuronale de type suicide.

- "La crise entraîne la crise"

D'autres résultats de recherches de l'équipe de Y. BEN-ARI indiquent que les crises entraînent également une réorganisation du réseau neuronal, les neurones voisins de ceux qui meurent génèrent de nouvelles connexions synaptiques dont certaines sont aberrantes, excitatrices et vont de ce fait contribuer à la genèse d'autres crises.

En d'autres termes, "la crise entraîne la crise" et il apparaît nécessaire de soigner rapidement les crises même quand elles sont bénignes car elles peuvent laisser des traces à long terme et faciliter l'émergence de nouvelles crises. Ce concept de plasticité postlésionnelle est important car il montre que dans l'épilepsie temporale, ce ne sont pas seulement les effets à court terme qu'il faut prévenir mais également ceux qui interviennent des années plus tard. Les scientifiques savent notamment que des anoxies fœtales, des crises d'épilepsie précoces ou autres complications à la naissance peuvent se traduire à l'âge adulte par des crises souvent de type temporal.

- Les épilepsies infantiles

Le plus fort pourcentage des crises d'épilepsie survient dans les premiers mois de la vie chez l'homme. Une importance qui a conduit l'unité 29 à mener également de nombreux travaux sur les épilepsies infantiles. Parmi les résultats obtenus, la démonstration a été faite que chez le jeune rat, des crises même bénignes qui ne créent aucune lésion causent des effets délétères irréversibles chez l'adulte. On observe un seuil de tolérance plus faible aux drogues qui génèrent des crises et une organisation du cerveau affectée avec plus de neurones et de fibres dans certaines régions. Par ailleurs, l'équipe a montré que des substances couramment ingérées par les femmes enceintes comme le café peuvent entraîner, même à faible dose, des crises quand elles sont associées à des baisses d'irrigation du cerveau du fœtus (au cours d'un accouchement difficile par exemple). L'unité INSERM a également mis au point une technique qui permet de garder des grandes parties du cerveau de rat ou de souris en survie artificielle. Un outil précieux pour tester des médicaments et expliquer les mécanismes biologiques dans de bonnes conditions.

Pour toutes ces recherches fructueuses, qui ont permis des avancées décisives dans la compréhension de l'épilepsie temporale, l'American Epilepsy Society a récompensé Yézékiel BEN-ARI et, à travers lui, le travail de toute son équipe.

V. CROCHET

Contact :

U 29 - INMED

Yézékiel BEN-ARI