Février 2001 - n°55

Montpellier : Le point sur les équipes du nouveau Centre de Biologie et Gestion des Populations

Une unité mixte de recherche INRA/IRD/CIRAD/AGRO.M

Le Centre de Biologie et de Gestion des Populations (CBGP) a pour vocation de mener des recherches fondamentales et appliquées dans le domaine de la gestion des populations d'organismes nuisibles, utiles ou menacés. Inauguré le 12 décembre dernier, le CBGP regroupe une cinquantaine de chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens et personnel administratif dont plusieurs équipes en provenance de la région parisienne. Situé sur le Campus International de Baillarguet, le CBGP constitue la composante française de ce site à côté du laboratoire européen du CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization) et de l'EBCL (European Biological Control Laboratory) de l'USDA, tous les deux spécialisés dans la lutte biologique contre l'invasion en Australie et aux Etats-Unis d'espèces végétales et animales d'origine méditerranéenne.

La construction du CBGP était inscrite au Contrat de Plan Etat Région 1994-1999 et a été financée par la région Languedoc-Roussillon (10 MF), l'INRA (9 MF) et l'IRD (4,5 MF). Une tranche supplémentaire de travaux d'un montant de 8 MF est prévue sur le CPER 2000-2006 pour aménager notamment des surfaces complémentaires -les équipes accueillies étant plus nombreuses qu'à l'origine du projet- et réaliser les gros équipements comme des serres et chambres de culture aux nouvelles normes de confinement. Le Centre Commun de Ressources Documentaires (CCRD) hébergé par le CBGP bénéficiera également de cet agrandissement.

Les équipe de recherche du CBGP

Les organismes concernés par les investigations du CBGP sont multiples (rongeurs, crapauds, insectes, acariens, nématodes, parasites ou bactéries) et proviennent de nombreuses régions du globe : France, Afrique, Madagascar, Chine, Australie, Amérique latine...

Equipe "Biosystématique et Ecologie" (Resp. : Jean-Yves Rasplus)

La gestion des populations biologiques nécessite une analyse systématique très fine des communautés concernées. Or, parmi les espèces ravageurs des cultures et des forêts, on rencontre des ensembles d'espèces dont l'étude morphologique seule ne permet pas d'appréhender correctement la diversité spécifique et qui sont souvent restés non étudiés taxonomiquement malgré leur importance économique. Les recherches menées par le groupe "Biosystématique" ont pour but de résoudre la systématique de ces complexes, de clarifier le statut des entités les composant, de proposer des outils diagnostiques facilitant la reconnaissance des différentes espèces et, enfin, de déterminer les relations phylogénétiques entre les espèces afin de mieux comprendre comment ces complexes ont évolué. Il est maintenant bien connu que les activités humaines et agricoles ont un fort impact sur la diversité spécifique et génétique des insectes, directement par fragmentation des habitats ou indirectement par l'utilisation d'intrants. Les ambitions écologiques du CBGP intègrent les recommandations de prendre en compte l'effet des politiques agricoles et sylvicoles sur la biodiversité. C'est dans ce sens que le groupe "Ecologie" travaille sur les conséquences de l'anthropisation, avec notamment comme objectif l'identification des populations menacées sur lesquelles doit se porter l'effort de protection.

Equipe "Génétique des populations en déséquilibre" (Resp. : Jean-Marie Cornuet)

Les populations en déséquilibre ne répondent pas aux résultats théoriques de la génétique des populations et se caractérisent par une démographie instable qui ne leur permet pas d'atteindre un état d'équilibre. L'équipe "Génétique des populations en déséquilibre" étend donc les études théoriques à ces populations dans le but également de détecter et caractériser les multiples facteurs de déséquilibre. Les programmes de recherche comportent un volet théorique (amélioration des méthodes génétiques de détection des tendances démographiques, évaluation des marqueurs et des statistiques en situation de déséquilibre...) ainsi que des aspects expérimentaux sur différentes espèces d'auxiliaires et de bioagresseurs parmi lesquelles le crapaud géant. Introduit en Australie en 1935 à des fins de lutte biologique contre des insectes coléoptères ravageurs de cultures de cannes à sucre, cet amphibien a montré une capacité exceptionnelle à pulluler et à coloniser des milieux vierges et est maintenant considéré comme nuisible pour la faune locale. Il représente un excellent modèle pour appliquer les méthodes théoriques concernant la caractérisation des processus de colonisation à partir de données génétiques.

Equipe "Biologie et gestion des pullulations" (Resp. : Pierre Delattre)

On définit les pullulations comme une augmentation d'abondance des populations, d'apparence explosive et ayant une influence négative sur la santé de l'homme ou sur ses activités. Face aux problèmes agricoles et de santé publique que posent les pullulations de rongeurs (ravageurs de cultures et/ou responsables de zoonoses), l'INRA et l'IRD étudient depuis longtemps certains aspects fondamentaux de leur biologie. Le but poursuivi est d'améliorer les stratégies de contrôle au plan de leur efficacité mais également dans le sens d'un meilleur respect de l'environnement. Les approches menées par l'INRA et l'IRD amènent à une confrontation du fonctionnement des pullulations en environnements tropical et tempéré. Les objectifs fondamentaux et finalisés des recherches sont d'analyser la dynamique spatiale et temporelle des populations en fonction de divers paramètres liés aux populations animales et aux comportements humains. Sur la base des connaissances acquises à ces différents niveaux, les chercheurs envisagent alors, principalement à travers la modélisation, l'amélioration des méthodes de lutte.

Equipe "Résistance aux pesticides et gestion des populations" (Resp. : Sylvie Manguin)

L'utilisation croissante des insecticides depuis près d'un demi-siècle a pour conséquences une augmentation régulière du nombre d'espèces résistantes. Les moyens habituels mis en œuvre pour remédier à ce problème sont l'augmentation des doses opérationnelles ou l'utilisation d'insecticides de remplacement possédant des modes d'action différents. L'équipe "Résistance aux pesticides et gestion des populations" développe des travaux pour proposer une stratégie alternative soucieuse de la santé publique et de l'environnement. Le premier axe de recherche a pour objectif d'acquérir des connaissances précises sur l'identification de vecteurs d'agents pathogènes, leur rôle dans la transmission, leur comportement, leur distribution géographique, leur niveau de résistance afin d'élaborer des stratégies de lutte antivectorielle sélective et adaptée à la situation éco-épidémiologique concernée. Le second axe de recherche vise à améliorer la gestion des populations vecteurs par l'évaluation des phénomènes de résistance et la surveillance spatiale et temporelle des populations de vecteurs. Ces recherches sont abordées sur deux moustiques vecteurs respectivement du paludisme et de fièvres hémorragiques et donc d'intérêt majeur en santé publique.

Equipe "Relation populations - environnement et lutte biologique" (Resp. : Jacques Fargues)

Dans les pays riches, la protection des cultures ne répond plus seulement à des préoccupations techniques mais elle est de plus en plus marquée par d'autres enjeux comme la protection de l'environnement et la sécurité alimentaire. Dans ce contexte, la lutte biologique est une des alternatives à privilégier car elle constitue un élément non négligeable de valorisation commerciale. Dans les pays pauvres où les contraintes économiques rendent impossible le recours à l'usage intensif des pesticides chimiques, la lutte biologique classique apparaît également comme une solution bien adaptée. Quel que soit le niveau de développement des pays concernés, avec l'augmentation des échanges internationaux, les risques d'invasions par des espèces exogènes introduites accidentellement sont importants. Les chercheurs favorisent donc la sélection d'organismes auxiliaires dans les zones d'origine des organismes nuisibles et leur introduction dans les régions nouvellement infestées. Les recherches de l'équipe "Relation populations - environnement et lutte biologique" sont menées dans trois directions :

i) l'analyse de la diversité et de la structure des complexes populations nuisibles / populations antagonistes,

ii) l'analyse du fonctionnement des pathosystèmes "populations nuisibles / populations antagonistes / environnement" en terme d'adaptabilité à l'égard des environnements visés et

iii) l'optimisation de la maîtrise des risques liés aux populations nuisibles avec des moyens de lutte biologique dans des systèmes de gestion intégrée répondant au concept de développement durable.

Equipe "Modélisation des interactions cultures - ravageurs" (Resp. : Serge Savary)

En zone tropicale, la gestion des populations d'Organismes Nuisibles aux Cultures (ONC) est un élément déterminant de la viabilité des agroécosystèmes puisqu'elle contribue à leur durabilité. Conventionnellement, la recherche s'est intéressée à l'analyse des relations entre une plante et un ONC donnés alors que la réalité est plus complexe, une plante est généralement confrontée à plusieurs ravageurs simultanément ou en séquence au cours de son cycle biologique. L'équipe "Modélisation des interactions cultures - ravageurs" s'intéresse donc également à des systèmes "plante - ONC multiples". Les chercheurs ont par ailleurs l'objectif de contribuer à la gestion de ces systèmes par l'utilisation de leurs propriétés propres (diversité génétique des plantes-hôtes, interaction plante - ravageur - ennemi naturel...) car si les agroécosystèmes tropicaux sont souvent complexes, cette complexité qui rend leur gestion plus délicate contribuerait aussi à leur stabilité.

Avec le CBGP, la région Languedoc-Roussillon renforce son potentiel scientifique déjà particulièrement important en Biologie des populations et recherche agronomique.

V. CROCHET