Mars 2001-n°56

Nouvelle équipe mixte INSERM - Université Montpellier II

"Neurogénétique : développement et évolution des systèmes sensoriels"

La nouvelle Equipe Mixte INSERM - Université Montpellier II (EMI 0012) "Neurogénétique : développement et évolution des systèmes sensoriels" a été officiellement créée le 1er janvier 2000 et répond à une volonté récente de l'INSERM de favoriser le développement d'équipes de recherche mixtes INSERM - Université. Dirigée par Alain Ghysen, directeur de recherche INSERM, l'équipe compte une dizaine de scientifiques et se consacre à l'étude du développement du système sensoriel et à son évolution vis-à-vis des espèces. "Nous étudions la formation des organes sensoriels chez la mouche et le poisson. Cela nous permet d'aborder dans le cadre de systèmes relativement simples et très bien définis des questions générales de biologie du développement et de neurobiologie" présente Alain Ghysen. Les travaux de la nouvelle équipe s'inscrivent dans la continuité des résultats obtenus précédemment par Alain Ghysen et Christine Dambly-Chaudière (professeur à l'Université Montpellier II) tout d'abord dans leurs laboratoires respectifs à l'Université Libre de Bruxelles puis au sein du laboratoire de Neurogénétique initié par C. Dambly-Chaudière à l'Université Montpellier II en 1994. Ce laboratoire a été reconnu successivement Equipe d'Accueil par le MENRT puis Equipe Propre par l'INSERM avant de devenir Equipe Mixte INSERM - Université Montpellier II.

La drosophile : un système modèle précieux pour l'étude de la neurogenèse

" Dès 1978, nous avons débuté nos travaux sur le développement des systèmes sensoriels chez la mouche drosophile, nous avions alors supposé qu'en dépit de la simplicité de ces systèmes modèles, nous pourrions apporter des informations utiles sur la biologie du développement. Cette hypothèse s'est révélée largement exacte puisque la plupart des principes qui ont été découverts par l'étude des systèmes sensoriels ont été retrouvés par la suite dans le système central et le système moteur" explique Alain Ghysen. Les recherches menées sur ce modèle ont contribué à mieux appréhender certaines questions d'ordre général comme l'information positionnelle et la formation des patterns, les divisions asymétriques et le contrôle des destinées cellulaires ou encore l'identité neuronale et le contrôle de la connectivité. Le groupe d'Alain Ghysen a contribué activement à l'amélioration de ces connaissances avec notamment l'information essentielle que la formation d'un organe sensoriel apparaît en plusieurs étapes distinctes qui chacune implique un certain nombre de gènes. Certains de ces gènes ont été identifiés par les chercheurs de l'équipe et en particulier le gène poxn qui apparaît déterminant dans le développement et la différenciation des organes sensoriels. "Notre travail sur le développement et la connectivité des organes gustatifs de la drosophile se poursuit actuellement car il reste encore beaucoup d'inconnues, nous étudions notamment la manière dont les gènes qui contrôlent le développement agissent sur le comportement cellulaire et nous nous intéressons également au contrôle de la prolifération cellulaire et à son rapport avec la détermination cellulaire" poursuit le responsable de l'équipe.

Le poisson : un système modèle plus proche de l'homme

Parallèlement aux travaux menés sur la drosophile, l'équipe a démarré plus récemment des recherches sur la formation d'un système sensoriel de vertébré : la ligne latérale chez le poisson-zèbre et le poisson cavernicole Astyanax. "Le système sensoriel tactile de la ligne latérale du poisson a été internalisé au cours de l'évolution et correspond aujourd'hui à l'oreille interne des mammifères et donc de l'homme. Avec le poisson, nous nous rapprochons de l'homme tout en bénéficiant des mêmes qualités d'accessibilité, de résolution et de reproductibilité qui font de la drosophile un modèle très productif pour l'étude de la neurogenèse" explique Alain Ghysen. L'observation du développement des fibres nerveuses au cours de l'embryogenèse se fait en temps réel in vivo sur une période de 2 à 3 jours par des techniques de microscopie assistée par ordinateur, la transparence du poisson jusqu'à son quinzième jour facilitant l'observation. L'équipe a ainsi montré que les projections centrales des neurones de la ligne latérale reflètent la position des organes qu'ils innervent et que cette spécificité positionnelle provient du neurone lui-même et non de l'organe. "Ces résultats sont importants car si on sait qu'à tous les niveaux des systèmes sensoriels il existe une information de position, on pouvait penser qu'elle provenait de l'organe et non pas du neurone" précise Alain Ghysen. Les recherches se poursuivent pour déterminer si cette spécificité est intrinsèque au neurone ou si elle lui est imposée par le système nerveux central. Des travaux sur la spécificité de la ré-innervation sont également envisagés par l'intermédiaire d'ablations partielles de la ligne latérale pour étudier l'étendue et la qualité de la ré-innervation après régénération. Enfin, l'étude de la plasticité sera abordée sur des variants cavernicoles aveugles de l'espèce Astyanax fasciatus, variants qui compensent presque parfaitement l'absence de vision par une exploitation extraordinaire de l'information venant de la ligne latérale. "Nous espérons que l'ensemble de ces projets sur le poisson nous permettra d'élucider certains des mécanismes qui contrôlent l'établissement de connexions neuronales spécifiques chez les vertébrés, tant lors du développement normal que lors de la régénération ou de la réallocation de ces connexions et que l'analyse des systèmes non moteurs chez les vertébrés pourra aider à comprendre la spécificité de l'innervation motrice" conclut Alain Ghysen.

Les travaux fondamentaux développés par l'équipe montpelliéraine sur la mouche, le poisson et bientôt le poulet servent de bases à d'autres recherches qui intéressent directement la santé humaine. Un intérêt pour l'homme qui vaut au laboratoire des subventions d'associations comme l'ARC et l'AFM.

V. CROCHET

Contact :

EMI "Neurogénétique : développement et évolution des systèmes sensoriels"

Alain Ghysen