Mai 2001 - n°58

Le Laboratoire de NeuroBiologie du CNRS de Marseille distingué par le Trophée de l'Innovation 2000

Organisés tous les deux ans depuis 1991 par l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), les Trophées de l'Innovation distinguent des sociétés privées qui ont su intégrer la propriété industrielle comme composante essentielle de leur politique d'innovation et de développement. En 2000, un trophée particulier a été décerné pour la première fois à des laboratoires de recherche public. Le lauréat sélectionné en Provence-Alpes-Côtes d'Azur pour l'édition 2000 est le Laboratoire de NeuroBiologie (LNB), une Unité Propre de Recherche CNRS qui fait partie du Groupe des Laboratoires de Marseille situé sur le campus Joseph Aiguier du CNRS. " La recherche de base et la valorisation sont deux missions essentielles du CNRS, nous nous attachons à développer au mieux ces deux volets dans notre domaine, la neurobiologie" explique Jean-Luc Clément, professeur à l'Université de Provence, directeur du laboratoire.

Une politique d'innovation volontariste

"Le transfert des découvertes de la recherche fondamentale vers l'industrie est stimulant pour les chercheurs et très important pour nos étudiants, car la majorité d’entre eux est appelée à intégrer le monde industriel. Et, l'innovation joue aussi un grand rôle dans l'évolution de la société" confirme Jean-Luc Clément qui a doté son laboratoire des moyens humains et financiers nécessaires pour mener une stratégie de valorisation industrielle efficace. Une partie du budget du laboratoire est allouée à la protection industrielle et un poste d'ingénieur, occupé par Mme Farnarier, a été créé pour effectuer la veille technologique, accompagner les chercheurs dans les démarches de valorisation de leurs découvertes, prendre les mesures nécessaires à la protection des résultats de recherches et assurer les contacts aux niveaux local et international. "L'innovation est issue de la recherche de base, les chercheurs publient leurs résultats ou éventuellement déposent un brevet (une dizaine de brevets a été déposée ces dix dernières années au LNB), ensuite nous recrutons des ingénieurs chargés de développer les applications industrielles de ces découvertes" précise Jean-Luc Clément.

La recherche fondamentale en neurobiologie

L'activité du Laboratoire de NeuroBiologie concerne l'étude des signaux et des mécanismes de communication du système nerveux chez les vertébrés et invertébrés. Comment les informations provenant de l'organisme et de l'environnement sont-elles captées par les cellules sensorielles, comment ces informations sont-elles traitées et transmises par les neurones et comment toutes ces cellules communiquent-elles pour aboutir à des comportements normaux ou pathologiques ? Pour trouver des réponses à ces questions fondamentales, les 64 personnes que compte le LNB (dont 23 chercheurs) travaillent autour de trois axes scientifiques principaux : les récepteurs du système nerveux, les systèmes de communication et les neuropeptides (neurotransmetteurs et neurorégulateurs).

Avec une trentaine de publications par an, le LNB contribue au fonctionnement de l'Institut Fédératif de Recherche "Sciences du cerveau", un élément d'excellence de la recherche locale, puisque Marseille occupe la seconde place dans cette discipline après l'île de France.

La valorisation industrielle

S'appuyant sur des résultats de recherche particulièrement prometteurs dans différents domaines industriels, le LNB développe de nombreux contrats de recherche appliquée avec des entreprises régionales (Laphal, Immunotech, Latoxan…) et de grands groupes internationaux (Danone, DowAgroScience, Aventis, Pierre Fabre, Bayer, Glaxo…).

La conception de nouveaux médicaments

Le domaine d'étude du laboratoire laisse facilement envisager des applications potentielles en médecine humaine. Lors de travaux sur les interactions moléculaires ligand-récepteur, de nouvelles molécules -des analogues de la sérotonine- ont été synthétisées au laboratoire et un de ces ligands présente des propriétés particulièrement intéressantes pour le traitement des migraines (contrat et brevet avec la société Immunotech). Les découvertes fondamentales du LNB sur la sensibilité chimique de substances normalement présentes dans l'organisme ont également débouché sur la mise au point de nouveaux traitements des vomissements qui accompagnent souvent les chimiothérapies (contrat avec les laboratoires LTM et Solvay). De la même façon, à partir des techniques appliquées à l'étude des régulations nerveuses des fonctions végétatives, des modèles expérimentaux ont été proposés pour déterminer l'efficacité et le mode d'action de médicaments destinés à corriger les troubles de la motricité intestinale (contrat avec le groupe Danone). L'anxiété, la dépression, l'hypertension mais aussi la mucoviscidose sont également des pathologies qui pourraient profiter des découvertes du LNB avec la mise au point de nouvelles thérapies.

L'agrochimie

Les nombreux travaux menés par le LNB sur les systèmes de communication des insectes et l'analyse des hormones, phéromones et neurotransmetteurs mis en jeu lors de la perception de l'environnement ouvrent la voie à de nouvelles techniques de lutte intégrée contre les ravageurs (termites, fourmis, blattes…). Des recherches du laboratoire ont notamment débouché sur la découverte de nouvelles molécules (venins d'arthropodes et substances secondaires de plantes) qui ont servi de base à la synthèse de pesticides. Des fabricants se sont appuyés sur les brevets déposés par les chercheurs pour, à leur tour, breveter et vendre de nouvelles toxines plus respectueuses de l'environnement. Une autre solution appliquée est l'utilisation de régulateurs de croissance associés à des attractants pour construire des pièges insecticides efficaces ce qui évite la dispersion massive de neurotoxines.

La robotique

"La robotique est un domaine de valorisation industrielle de la neurobiologie des invertébrés qui peut surprendre dans un premier temps, mais les recherches sur l'insecte offrent d'intéressantes retombées sur les machines intelligentes et la robotique mobile" explique Jean-Luc Clément. Suite à l'analyse électrophysiologique de l'œil de la mouche, le LNB a innové en montrant qu'il était possible de réaliser des contrôles visuomoteurs nouveaux selon des principes et des architectures neuronales fortement inspirés de la biologie. Cette approche par la neurobiologie sensorielle et l'intégration neuronale tranche avec l'intelligence artificielle traditionnelle.

Vers la création d'une start-up

Dans la même optique de "mimer" le vivant, la construction de biocapteurs et de nez électroniques à partir des études menées sur l'olfaction est un projet d'actualité qui devrait se concrétiser dans les mois à venir par la création d'une société dédiée à cette activité innovante. "Certaines espèces d'insectes, comme les papillons, possèdent des outils de détection très performants, le transfert technologique des données physiologiques et moléculaires de ces systèmes olfactifs est actuellement développé au laboratoire" confirme Jean-Luc Clément.

 

V. CROCHET

Contact :
Laboratoire de NeuroBiologie
CNRS, Marseille
Professeur Jean-Luc Clément