Septembre 2001 - n°60

CREATION D'UN CLUB "PRIONS" A MONTPELLIER

Optimiser l'effort de recherche sur les infections à prions

Montpellier, à travers plusieurs laboratoires de l'INSERM, du CNRS, de l'Université Montpellier 2 et de l'Université Montpellier 1, s'est engagée depuis de nombreuses années dans l'étude des maladies à prions. Les différentes équipes développent par leurs compétences variées des travaux très complémentaires sur la maladie : de l'approche biophysique de la protéine prion à la physiopathologie de la maladie en passant par le diagnostic ou la culture cellulaire.

L'étude des Encéphalopathies Spongiformes Subaiguës Transmissibles (ESST) : une priorité nationale

L'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine puis, plus récemment, la mise en évidence de la transmission de la maladie à l'homme font de l'étude des maladies à prions une priorité nationale. Dès 1996, la France s'est dotée d'un comité interministériel d'experts sur les Encéphalopathies Spongiformes Subaiguës Transmissibles, le Comité Dormont (du nom de son président, le Dr Dominique Dormont, responsable du service de neurovirologie au CEA). La création en janvier 2001 du GIS "Infections à prions" renforce le dispositif de recherche français et témoigne de la volonté de maintenir une recherche de haut niveau dans ce domaine où de nombreuses questions essentielles restent encore sans réponse. Le Groupement d'Intérêt Scientifique rassemble toutes les composantes concernées par la lutte contre les ESST : les ministères de la recherche et de l'agriculture, le ministère délégué à la santé, les établissements de recherche (CNRS, CEA, INRA, INSERM), l'Institut Pasteur, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire et Alimentaire (AFSSA), l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), et l'Institut de Veille Sanitaire (InVS). Le conseil scientifique du GIS est présidé par le Dr Dominique Dormont et est chargé entre autres de coordonner et d'harmoniser les travaux menés par chacun des partenaires, de susciter de nouveaux programmes de recherche et d'inciter de nouvelles équipes à s'impliquer dans la recherche sur les Agents Transmissibles Non Conventionnels et les maladies qu'ils provoquent. Pour accompagner cet effort de recherche consacrés aux ESST et aux prions, les moyens publics sont passés de 70 MF en 2000 à 210 MF en 2001.

Le Club "Prions" montpelliérain : une dynamique locale

Dans ce contexte de mobilisation nationale, les chercheurs montpelliérains se sont regroupés au sein d'un club "Prions" créé récemment à l'initiative de Jean-Pierre Liautard, directeur de l'unité INSERM U431 "Microbiologie et pathologie cellulaire infectieuse" et membre de plusieurs comités d'experts nationaux et européens sur les prions, il est notamment vice-président du Comité Dormont. "De façon à optimiser l'effort de recherche à Montpellier, quelques-uns d'entre nous ont pensé que la création d'un club pourrait favoriser une dynamique locale" explique Jean-Pierre Liautard. "L'objectif poursuivi d'une telle initiative est triple" poursuit le directeur de recherche INSERM. "Tout d'abord le club permet de nous rencontrer, de mettre en commun nos informations et de développer des collaborations. Ensuite, les préoccupations des différentes équipes concernées étant parfois très éloignées, nos réunions permettent d'expliquer les recherches de chacun et ainsi d'appréhender le problème dans sa globalité, ce qu'il est très difficile de faire par la lecture des publications toujours très pointues pour un non spécialiste. Enfin, dernier point, nous espérons grâce à ces rencontres ouvrir ce domaine de recherche très vaste à d'autres scientifiques".

Un projet d'animalerie protégée A3 sur Montpellier

Huit équipes participent au Club "Prions" et couvrent différents axes de recherches : structure et biologie de la protéine prion, pathogénie et physiopathologie des ESST, développement de nouveaux tests de détection, recherche de nouveaux modes d'élimination des farines animales offrant une alternative à l'incinération …

Le point commun de toutes ces recherches est l'utilisation de modèles animaux : les physiologistes et physiopathologistes les utilisent à toutes les étapes de leurs travaux, les biophysiciens en ont également besoin pour tester l'infectiosité des molécules dont ils analysent la structure (par exemple dans des essais d'acquisition d'une conformation infectante de la protéine prion), ils sont également nécessaires aux immunologistes pour la production d'anticorps (notamment pour la mise au point d'un immunodosage) et aux biologistes cellulaires pour valider leurs modèles. "Actuellement l'absence d'une infrastructure adéquate pour l'obtention et la manipulation de ces modèles animaux constitue un frein à de nombreux projets de recherche" explique Jean-Pierre Liautard. Un problème quasi général sur toute la France, c'est pourquoi la construction d'animaleries et de banques de tissus infectés fait partie des priorités d'action du GIS "Infections à prions". Un premier appel d'offre concernant les animaleries protégées a été lancé par le GIS au printemps, il a reçu une vingtaine de demandes en provenance de toute la France. Douze seront financées, le projet élaboré par le club "Prions" de Montpellier en fait partie et la faculté des sciences se verra dotée d'une animalerie protégée A3 servie d'un laboratoire P3 pour les analyses. "La réunion de toutes les équipes concernées nous a permis de proposer un projet de qualité et ainsi d'être retenus" se félicite Jean-Pierre Liautard.

Le projet montpelliérain comprend à côté de la "classique" animalerie pour les souris, une animalerie pour les lapins (animal de choix pour la production d'anticorps), une animalerie pour les hamsters (facilement infectés par le prion) et une autre pour les microcèbes (Microcebus murimus). L'utilisation de ces petits lémuriens est une des originalités de l'approche expérimentale à Montpellier. L'équipe de N. Bons, Directeur de recherche EPHE , a en effet montré il y a quelques années que ces animaux étaient sensibles à la forme infectieuse du prion et présentaient une physiopathologie très comparable à celle de l'homme. Il s'agit donc d'un modèle très intéressant pour étudier l'évolution de la maladie et tester de nouveaux médicaments.

Le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob - dont 100 cas répertoriés au Royaume Uni, et deux cas avérés en France - est le premier exemple de transmission d'une maladie à prion de l'animal à l'homme. Ce franchissement de la barrière d'espèces est aujourd'hui en grande partie une énigme comme l'est la transformation de la protéine saine en protéine pathogène anormale, le rôle physiologique de cette protéine infectieuse ou encore le processus de contamination par ingestion. L'absence de tests pour déceler précocement l'infection, les conditions très difficiles d'inactivation de l'agent infectieux, la longue durée d'incubation, l'absence actuelle de traitement et la gravité de la maladie font de cette affection une priorité de santé publique.

Avec la création récente du club "Prions" et la construction prochaine d'une animalerie A3 et d'un laboratoire P3, Montpellier entend jouer un rôle de premier plan dans cet effort de recherche qui va s'accentuer dans les années à venir.

V. CROCHET

Contact :

Marie-Christine Guérin

Jean-Pierre Liautard