Octobre 2001 - n°61

Le Centre Régional de Lutte Contre le Cancer de Montpellier : La génomique fonctionnelle pour comprendre le phénomène de chimiorésistance des tumeurs colorectales

Le Centre Régional de Lutte Contre le Cancer de Montpellier se dote d'un nouvel outil, le Bioanalyseur, pour le contrôle qualité des ARN

La résistance à la chimiothérapie est un problème clinique majeur fréquemment rencontré chez les patients atteints de cancer. Dans le cas du cancer colorectal métastatique, 50 % des malades sont résistants dès le départ à la chimiothérapie et, à plus ou moins long terme, ceux qui répondaient favorablement au traitement deviennent résistants.

Pourquoi cette chimiorésistance ? L'équipe "génomique fonctionnelle - pharmacologie des tumeurs" de l'Institut de Biotechnologie et Pharmacologie (UMR 5094 CNRS - BIORAD - UMI) dirigé par le professeur Bernard Pau s'est lancée dans un programme de recherche pour tenter de répondre à cette question grâce à la génomique fonctionnelle.

"Notre but premier est d’identifier dans les profils d’expression génique des tumeurs, des facteurs prédictifs de la réponse aux traitements. Nous espérons aussi comprendre comment s'établit cette chimiorésistance pour trouver les moyens de la contourner" explique le Dr Maguy Del Rio, chef de projet en cancérologie.

Localisée au sein du bâtiment de recherche du Centre Régional de Lutte Contre le Cancer (CRLCC) Val d'Aurelle, l'équipe "génomique fonctionnelle - pharmacologie des tumeurs" travaille sur ce programme en étroite collaboration avec les services cliniques du Centre anti-cancéreux pour la gestion des prélèvements de tissus et l'Unité de Génétique Moléculaire et Biologie du Développement (CNRS-FRE 2376) de Villejuif, dirigée par le Dr Charles Auffray pour l'analyse du transcriptome et le traitement informatique des données.

Les profils d’expression géniques tumoraux d'une cinquantaine de patients vont être établis

Pour leurs travaux, les chercheurs bénéficient de tissus prélevés sur des patients, dans le cadre d'une étude clinique portant sur des associations médicamenteuses en chimiothérapie du cancer colorectal. Dirigée par le Dr Marc Ychou, responsable du service oncologie digestive à Val d'Aurelle, cette étude comprend pour chaque patient un échantillon tumoral par biopsie métastatique avant traitement. Le laboratoire de recherche travaille sur ces prélèvements pour établir les profils d'expression des gènes. "Nous pourrons établir des groupes de patients avec des profils identiques et, en relation avec les résultats cliniques, faire des corrélations entre ces profils géniques et la réponse au traitement" résume M. Del Rio. Ce programme de recherche a demandé une grande concertation entre les différents services impliqués et la mise en place d'un plan d'assurance qualité spécifique en raison du matériel biologique utilisé. "Nous avons absolument besoin pour cette étude d'obtenir une vision globale, en qualité et quantité, de l'ensemble des ARN présent dans le tissu prélevé. Or, l'ARN se dégrade très vite - il a donc fallu, en collaboration avec l'Assistant de Recherche Clinique et l'Anatomopathologiste, mettre en place une maîtrise du délai entre l'exérèse et la congélation des tissus" confirme Virginie Copois, étudiante en Recherche Technologique, qui a mis en place avec le Dr Sandrine Imbeaud du laboratoire de Villejuif le contrôle qualité des échantillons biologiques, de leur prélèvement jusqu’à leur utilisation pour l’étude du transcriptome.

La Qualité au cœur du projet de recherche

Les laboratoires de Montpellier et Villejuif sont conjointement engagés dans la voie de l'Assurance et du Contrôle Qualité appliqués à leurs programmes de recherche. Le protocole d'étude concernant l’analyse de transcriptome a donc fait l'objet, avant son engagement, d'une procédure de contrôle qualité : délai maximal (entre prélèvement et congélation) à ne pas dépasser pour assurer l’intégrité des échantillons biologiques, définition du protocole d'extraction-purification d'ARN le plus performant, contrôle en routine de la qualité de chaque extraction d'ARN… Pour répondre à ces multiples questions et s'assurer de mener des recherches de qualité, les deux laboratoires de Montpellier et de Villejuif ont investi un effort coordonné pour l’utilisation du Bioanalyzer Agilent 2100 (Agilent Technologies). L'appareil réalise une électrophorèse capillaire ultra miniaturisée qui permet à partir de 25 ng d'échantillon de rendre un profil électrophorétique témoin du degré de dégradabilité de l'ARN.

" Concu comme une alternative à l'électrophorèse sur gel conventionnel, cet appareil permet en quelques minutes (90 s par échantillon) de quantifier et d'évaluer l'état et la pureté des ARN mis en œuvre ", précise Yann Filaudeau, d' Agilent Technologies. " Les produits à analyser sont déposés sur des "puces microfluidiques" (ou LabChips) dans lesquelles s'effectuent automatiquement l'ensemble des opérations de marquage, de séparation et d'analyse des composés. Les données sont archivées automatiquement et se présentent sous forme d'images gel numérisées et d'électrophérogrammes (voir figure). Les gains en sensibilité sont importants (15 à 20 fois) par rapport aux gels d'agarose ou polyacrylamide conventionnels. En outre, les protocoles sont entièrement standardisés, ce qui permet une comparaison aisée des données entre laboratoires "

"Grâce à cet appareil, nous avons pu mettre en place les paramètres de notre étude et nous pourrons également tester la qualité de l'ARN extrait de chaque échantillon car il suffit de peu de matériau biologique" précise V. Copois.

Avec une électrophorèse classique, ce contrôle qualité systématique aurait été inconcevable car trop consommateur en quantité d’ARN "Nous recevons environ 100 mg de tissus, ils contiennent tout juste la quantité d'ARN nécessaire à nos manipulations. La technologie Agilent nous permet, par sa miniaturisation, d'assurer un contrôle qualité impossible jusqu'alors par les autres méthodes" confirme M. Del Rio. Ce contrôle permet d'écarter les échantillons dont l'ARN est dégradé et évite ainsi la poursuite de la manipulation (transcription inverse et marquage en double fluorescence avant l'hybridation sur support de micro-arrays ).

"Au-delà du contrôle de l'ARN, le Bioanalyzer Agilent 2100 permet également un contrôle de l'étape de marquage fluorescent des échantillons et un contrôle potentiel de la pureté des copies de gènes déposés sur les lames supports de micro-arrays. C'est véritablement un outil précieux pour travailler en génomique fonctionnelle dans de bonnes conditions " poursuit V. Copois.

Plusieurs milliers de gènes explorés

L'équipe montpelliéraine assure l'amont de la manipulation, c'est-à-dire toute la logistique du prélèvement et de l'extraction de l'ARN. L'analyse du transcriptome par micro-arrays est réalisée par le plateau technique de l'Unité de Génétique Moléculaire et Biologie du Développement à Villejuif, "une large collection de plusieurs milliers de gènes sera prochainement explorée sur chaque prélèvement" annonce M. Del Rio. Le protocole d'étude a démarré en janvier dernier et devrait se terminer fin 2002. L'interprétation des résultats se fera en collaboration avec les bioinformaticiens des laboratoires de Montpellier et de Villejuif et les biostatisticiens du CRLCC. "Des chercheurs de notre laboratoire travaillent également sur des modèles cellulaires afin d'apporter des données fondamentales à cette étude" précise M. Del Rio.


V. CROCHET


Contacts :

CRLCC Val d'Aurelle

Equipe "Génomique fonctionnelle - Pharmacologie des tumeurs"

Maguy Del Rio / Virginie Copois

 

AGILENT Technologies

Caroline Thureau