Septembre 2002 - n°70

Deux nouvelles équipes INSERM de recherche sur le cancer à Montpellier

Deux équipes de recherche viennent d’être reconnues INSERM à Montpellier. Accueillies au sein du centre de recherche du CRLC (Centre Régional de Lutte contre le Cancer) sur le site de Val d’Aurelle, les équipes dirigées par Charles Theillet et André Pèlegrin, tous les deux directeurs de recherche à l’INSERM, sont des Equipes Mixtes INSERM/CRLC/Université Montpellier I. Cette reconnaissance par l’Institut des deux équipes montpelliéraines montre sa volonté de renforcer la recherche sur le cancer en partenariat avec le CRLC et l’Université Montpellier I. L’INSERM entend ainsi participer à la structuration à Montpellier d’un pôle fort dans ce domaine avec aujourd’hui sept laboratoires impliqués dans la recherche sur le cancer.
A l’occasion de l’installation de ces deux nouvelles équipes, Christian Bréchot, Directeur général de l’INSERM, était présent à Montpellier le 7 juin dernier auprès d’Alain Uziel, Président de l’Université Montpellier I et de Jean-Bernard Dubois, Directeur du Centre Régional de Lutte contre le Cancer pour présenter leur politique de coopération dans ce domaine.

Une synergie INSERM/CRLC/UMI pour une approche optimale de la maladie cancéreuse

Les deux équipes trouvent au sein du CRLC en collaboration avec l’INSERM et l’Université Montpellier I un environnement favorable à la poursuite de leurs recherches grâce à une synergie forte entre les chercheurs et les cliniciens. Le CRLC s’engage en effet fortement dans le développement d’une recherche de qualité qui s’articule en trois axes : recherche fondamentale, recherche de transfert et recherche clinique. Le centre de recherche du CRLC abrite, sur une superficie d’environ 1500 m2, des chercheurs du CNRS et de l’INSERM qui travaillent en complémentarité avec les chercheurs universitaires de l’Université Montpellier I et II ainsi que des cliniciens. Le centre comprend un département d’épidémiologie et santé publique, une unité de transfert des biotechnologies (notamment des marqueurs tumoraux), un département d’oncologie génétique et moléculaire, un département de recherche en biostatistiques et un département d’immunociblage des tumeurs et d’ingénierie des anticorps.

Immunociblages des tumeurs et ingénierie des anticorps : exploiter la spécificité de la reconnaissance des anticorps pour diagnostiquer et soigner les cancers

Créée officiellement par l’INSERM le 1er janvier 2002, l’EMI 0227 dirigée par André Pèlegrin succède à l’équipe universitaire EA 2989 «Cancérologie expérimentale et immunociblage des tumeurs» du Pr. Jean-Bernard Dubois. L’équipe regroupe une vingtaine de personnes dont trois chercheurs et huit cliniciens. Leurs travaux sont axés sur la conception, le développement et l’utilisation in vivo d’anticorps et de molécules dérivées pour le diagnostic et la thérapie des cancers. Les chercheurs travaillent plus particulièrement sur les tumeurs solides - le cancer du sein et les cancers digestifs - qui, avec respectivement 1200 et 500 cas sur les 3200 nouveaux cancers pris en charge au CRLC chaque année, sont des pathologies majeures du centre anticancéreux.
Les anticorps spécifiques développés par l’équipe ont essentiellement pour cible l’antigène carcinoembryonnaire (CEA) des tumeurs digestives et HER2/neu des cancers du sein et de l’ovaire.

Le premier axe de recherche du laboratoire a pour objectif d’étendre la radioimmunothérapie aux tumeurs solides. Cette approche thérapeutique consiste à amener par le biais d’un anticorps spécifique une dose radioactive au sein de la tumeur. Si la faisabilité et l’efficacité de cette méthode ont déjà été démontrées dans le cas des tumeurs hématopoïétiques notamment, son applicabilité aux tumeurs solides est plus difficile à développer. Un second domaine de recherche concerne l’immunophotodétection pour détecter des nodules cancéreux invisibles à l’œil nu. L’anticorps spécifique associé à un colorant fluorescent est injecté au patient 24 à 48 heures avant un acte chirurgical et va se fixer sur les cellules tumorales. Au cours de l’intervention, grâce à une illumination laser, le chirurgien peut ainsi détecter des nodules tumoraux dont la taille est inférieure au millimètre. Une approche technique originale qui donne la possibilité au corps médical de modifier en temps réel son approche thérapeutique. Enfin, le troisième et dernier volet des travaux menés au laboratoire consiste à développer des anticorps bispécifiques. Ces molécules bifonctionnelles reconnaissent à la fois la cellule tumorale et un médiateur biologique qui va pouvoir être libéré au sein de la tumeur. L’utilisation d’anticorps bispécifiques anti-tumeur / anti-cytokine , comme le TNF· , est un concept thérapeutique qui permet d’associer l’efficacité des cytokines tout en minimisant leur toxicité en les concentrant sur les cellules tumorales.

Une société de biotechnologie en cours d’incubation

L’équipe s’attache à transférer le plus rapidement possible ses résultats de recherche fondamentale vers une application à des fins médicales. Pour atteindre cet objectif, le principe est d’associer un industriel partenaire dès la phase amont du projet, l’équipe montpelliéraine collabore ainsi avec de nombreuses sociétés internationales.
Dernièrement, les chercheurs ont franchi une nouvelle étape dans la valorisation industrielle de leur recherche puisque l’équipe a été lauréate du concours ANVAR 2001 d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes avec son projet de photodétection des nodules tumoraux.
Actuellement accueilli au sein de l’incubateur Languedoc-Roussillon, en partenariat avec la société Mabgene (Ales), le projet poursuit son développement et devrait se concrétiser par la création d’une société de biotechnologie.

Génotypes et phénotypes tumoraux : établir un lien entre diversité phénotypique et variabilité génotypique des cancers du sein

Dirigée par Charles Theillet, l’EMI 0229 créée le 1er janvier 2002 est la transformation d’une équipe de l’Institut de Génétique Moléculaire (IGM), UMR 5535 CNRS, dirigée par Philippe Jeanteur. Elle regroupe une quinzaine de personnes dont trois chercheurs.
Le cancer du sein existe sous une vingtaine de formes, un polymorphisme phénotypique qui entraîne des évolutions différentes d’où les difficultés à mettre au point un traitement qui réponde à tous les types de cancers. Dans ce contexte, les travaux menés par l’équipe de Charles Theillet ont pour but de caractériser d’un point de vue génétique les différents types de cancers du sein et d’établir des liens entre diversité phénotypique et variabilité génétique. L’intérêt est d’établir par ces recherches des paramètres diagnostiques et pronostiques de la maladie.

La cartographie génétique des cancers du sein

Il est aujourd’hui établi que certains cancers se construisent sur fond d’instabilité du génome. Dans les cancers du sein, cette instabilité se manifeste au niveau des chromosomes avec des pertes ou des gains de fragments de taille variable. Il en résulte de profondes perturbations dans le fonctionnement du génome et notamment dans le programme d’expression des gènes avec plus de 40 gènes dérégulés. De nombreux chromosomes sont impliqués avec au sein de chaque chromosome plusieurs régions concernées. L’équipe se consacre essentiellement à l’étude des chromosomes 1 et 17 en raison de leur importance majeure, leur instabilité est en effet rencontrée dans 30 à 50 % des cancers du sein. La collaboration avec le CRLC permet aux chercheurs de s’appuyer sur une banque de tumeurs contenant plus de 1000 échantillons, des banques d’ADN clonés et des banques d’ARN. Une base de données essentielle pour effectuer un travail d’analyse statistique à grande échelle qui permet d’établir des profils génétiques caractéristiques corrélés à des profils biocliniques. Sur ce thème, les chercheurs travaillent en collaboration avec la start-up marseillaise Ipsogen sur le développement de plusieurs puces à ADN correspondant à divers génotypes de tumeurs du sein.
Cartographier les gains et les pertes, sélectionner les régions les plus significatives, identifier les gènes impliqués, valider l’implication de ces gènes dans les tumeurs : les travaux menés par l’équipe montpelliéraine ont plusieurs objectifs. Le premier est l’identification de nouveaux gènes du cancer et compléter ainsi la compréhension des circuits moléculaires qui mènent à cette pathologie. Le second est le développement de nouvelles grilles d’interprétations diagnostiques.

Les études phénotypiques

L’équipe s’intéresse également à l’étude des cancers d’un point de vue phénotypique et travaille sur des modèles d’études cellulaires, lignées tumorales et cellules primaires. Les chercheurs observent notamment l’adhésion et la mobilité cellulaire durant la progression tumorale et ont montré que l’invasivité cellulaire s’accompagne d’une transition phénotypique de la cellule épithéliale en cellule mésenchymenteuse.

Vers la création d’un institut de recherche en cancérologie sur Montpellier

Inscrit au contrat de plan état / région 2000-2006, la construction d’un second bâtiment de recherche au CRLC multipliera par deux la surface dédiée à la recherche sur le cancer. 2600 m2 de laboratoires et locaux techniques seront opérationnels dès la fin 2003 et permettront l’accueil de nouvelles équipes au côté des deux EMI et de l’équipe «Oncologie» de l’UMR 5094 CNRS déjà présentes sur le site.

V. CROCHET