Novembre 2002 - n°72

Groupe d’étude des réseaux moteurs FRE 2102

La thématique générale de l’unité Formation de Recherche en Evolution FRE 21-02 porte sur les mécanismes, le fonctionnement et le développement des réseaux moteurs, avec en toile de fond la relation entre la structure et la fonction, c’est-à-dire la géométrie des neurones et l’activité fonctionnelle de ces réseaux. Trois types de réseaux moteurs sont abordés : locomoteur spinal, respiratoire et oculomoteur.

Créée le 1er janvier 2002, l’unité Groupe d’Etude des Réseaux Moteurs (GERM) est issue d’une ancienne structure qui se dénommait " Unité de Neurocybernétique Cellulaire ". Le laboratoire se compose aujourd’hui d’une trentaine de personnes, réparties en cinq équipes, mais travaillant en totale synergie.
L’étude du fonctionnement des réseaux moteurs s’articule autour de plusieurs thématiques ou approches.

Approche anatomique

Pour étudier la géométrie des réseaux moteurs et différencier les types cellulaires impliqués, les recherches nécessitent l’usage de différentes méthodes.
Les travaux menés par l’unité utilisent la microscopie optique pour déterminer, par exemple, les cellules nerveuses impliquées dans les réseaux. Aux techniques de neuroanatomie peuvent se coupler des techniques d’immunohistochimie. Ces méthodes usent de marqueurs spécifiques pour identifier les différents types cellulaires impliqués " Par exemple, il est possible de se servir d’anticorps dirigés contre un certain nombre de neurotransmetteurs, ou contre les récepteurs de ces neurotransmetteurs, afin d’identifier les différents types de neurones dans les réseaux. " affirme Jean-Pierre Ternaux, Directeur du GERM. A l’aide de la microscopie électronique, la distribution des synapses mis en jeu dans les réseaux moteurs peut être déterminée, en particulier la distribution des synapses au niveau de la voie finale commune, c’est-à-dire le motoneurone proprement dit.
L’équipe " Synaptologie des réseaux moteurs adultes et au cours du développement ", en charge de cet aspect des recherches, est menée par Hélène Bras.
Afin de caractériser les signaux véhiculés, les recherches de l’unité nécessitent l’usage de techniques d’électrophysiologie pour la réalisation d’enregistrement intracellulaire par exemple, ou de techniques de Patch Clamp. Cette dernière technique permet d’observer à la surface de la cellule, l’activité de certaines protéines membranaires, en particulier des protéines canaux.

Approche neurochimique

L’objectif est de définir les neurotransmetteurs impliqués dans les réseaux moteurs. Les chercheurs utilisent des dosages de certains neurotransmetteurs comme l’acethylcholine (transmetteur de la jonction neuromusculaire impliqué dans la contraction de muscle et libéré par le motoneurone). Ils étudient aussi comment d’autres neurotransmeteurs, comme les systèmes aminergiques (exemple la sérotonine), peuvent moduler l’activité des réseaux moteurs.
Afin de définir les systèmes afférents aux motoneurones qui modulent l’activité du réseau moteur, une méthode consiste à utiliser des virus neurotropes (qui vont toucher uniquement les neurones). Par exemple, la première cible de la morsure, dans l’infection par le virus de la rage, est le muscle. En effet, le virus est transporté jusqu’au motoneurone, où il se multiplie, puis il affecte tous les neurones qui font synapses avec le motoneurone, pour atteindre finalement la cellule nerveuse qui innerve le muscle. Avec cet outil viral, il est donc possible de déterminer les connexions entre le motoneurone et d’autres neurones.
Cette approche, qui permet de tracer les voies impliquées, est suivie par l’équipe " Virus neurotropes : outils pour l’étude des réseaux moteurs " menée par Patrice Coulon.
Pour caractériser les mécanismes de modulation des motoneurones, l’usage de techniques immunohistochimiques après infection est nécessaire (utilisation d’un anticorps dirigé contre une protéine constitutive du virus).
" Une question de neurovirologie devra par la suite être étudiée : comment le virus de la rage est-il capté au niveau de la jonction neuromusculaire, quels sont les récepteurs impliqués à l’échelle moléculaire dans la rage ? " déclare Jean-Pierre Ternaux.

La forme du motoneurone

La recherche entreprise tente de définir s’il existe une relation entre la géométrie des réseaux moteurs et le traitement de l’information. En particulier, un message émis par une synapse éloignée du corps cellulaire sera atténué au niveau central. A partir de données expérimentales (géométrie, localisation…), des modèles biophysiques sont élaborés. Ce travail de modélisation du traitement de l’information nerveuse dans l’arborisation dendritique (la façon dont le courant électrique est véhiculé dans ces branches jusqu’au muscle), est réalisé en collaboration avec des biophysiciens. C’est l’équipe «Traitement de l’information nerveuse par les arborisations dendritiques» dirigée par Paul Gogan qui se charge de cet aspect des études (à la fois reconstruction des arborisations et modélisations biophysiques).
Une autre étude concerne le motoneurone au cours de son développement, c’est-à-dire la détermination des facteurs qui influencent la géométrie du neurone jusqu’à l’acquisition de sa forme adulte. La forme est dépendante de facteurs génétiques mais elle subit aussi l’influence de l’environnement, et en particulier de molécules qui peuvent avoir un rôle trophique (agissant sur la survie des neurones au cours du développement) ou un rôle chemotractant (attraction d’une branche dans une direction donnée). Cette recherche est conduite par l’équipe " Influences épigénétiques sur le développement morphofonctionnel du motoneurone " , co-dirigée par Jean-Pierre Ternaux et Jean-Patrick Gueritaud.
Les chercheurs se servent de modèles simplifiés in vitro qui utilisent la culture de neurones embryonnaires , en particulier de motoneurones. A partir de tissus embryonnaires, cette unité a mis au point la culture de motoneurones purifiés.
Pour mimer l’effet d’un système qui s’avère modulateur de l’activité chez l’adulte, cette étude nécessite la détermination de paramètres morphométriques en présence de différentes substances (milieu de culture contenant de la sérotonine, par exemple).

Relation structure-fonction

Quelques études sont menées dans l’objectif de connaître la relation entre la forme et la fonction. Elles utilisent les méthodes des nanotechnologies. Le but consiste à obtenir en culture des neurones à formes reproductibles et standardisées de complexité croissante. Cela est possible avec des neurones embryonnaires in vitro en utilisant des microsubstrats de guidage.
Ce travail est mené en collaboration avec un laboratoire strasbourgeois qui s’intéresse aux macromolécules : " c’est vraiment une interface entre la physique, la chimie et les neurosciences " déclare Jean-Pierre Ternaux.

Rôle de la sérotonine dans le réseau respiratoire

Des modèles de souris transgéniques sont utilisés, en particulier pour l’étude d’un réseau moteur vital : le réseau respiratoire.
L’étude consiste à comparer l’activité des réseaux moteurs chez des souris, où l’expression du gène qui code l’enzyme de dégradation de la sérotonine est invalidée : la souris ne possède plus d’enzyme de dégradation de la sérotonine, il existe donc dans son cerveau une présence de quantité importante de sérotonine. Cette souris est viable mais sa respiration devient irrégulière. De plus, la forme des motoneurones qui innervent le diaphragme est complètement distincte de celle d’une souche de souris normales (l’arborisation est répartie dans les trois dimensions de l’espace). La présence continue de sérotonine modifie ainsi la forme du motoneurone et, par voie de conséquence, sa fonction (les systèmes moduleurs ne sont plus les mêmes). La sérotonine joue donc un rôle fonctionnel, mais agit également sur le développement du motoneurone. Cette étude utilise des approches de physiologie postgénomique et est réalisée par l ‘équipe « Maturation et fonctionnement des réseaux respiratoires et locomoteurs « sous la direction de Gérard Hilaire.

Lois génériques, différence de mécanismes et thérapeuthie

Les trois réseaux moteurs étudiés (locomoteur spinal, respiratoire et oculomoteur) assurent des fonctions différentes. Existent-ils pourtant des lois génériques qui régissent l’activité de ces 3 réseaux ? Par exemple, des propriétés de rythmicité sont retrouvées pour ces trois réseaux moteurs : le centre locomoteur lombaire, le réseau respiratoire et le réseau oculomoteur.
Dans la sclérose latérale amyotrophique, les motoneurones oculaires ne sont jamais atteints alors que les motoneurones respiratoires et locomoteurs le sont. Il existe donc des différences entre ces divers motoneurones. L’objectif consiste à déterminer les mécanismes impliqués dans la régulation de ces réseaux afin de trouver la raison pour laquelle les neurones oculomoteurs sont épargnés par ces mécanismes de dégénérescence, ce qui peut conduire à terme à donner des pistes thérapeutiques.

Partenariats

Les collaborations avec d’autres structures sont nombreuses : l’Institut Charles Sadron de Starsbourg, le Panum Institut de Copenhague (collaboration sur des aspects molécule d’adhésion du neurone), le laboratoire de bioélectronique et de biophysique de Dniepno-petrof, l’Institut de Recherche pour les Phénomènes Hors Equilibres de Marseille pour la modélisation du développement des branches des neurones, le centre d’Immunologie de Marseille-Luminy pour les aspects souris transgéniques (conséquences sur les réseaux moteurs de l’invalidation de certains gènes des modèles transgéniques)…

Le GERM est associé à l’Université de la Méditerranée, à l’INSERM et intégré à l’IFR Etienne Jules Marey dont la thématique est le mouvement. C’est un IFR monothématique mais pluridisciplinaire car il s’étend des réseaux moteurs aux sciences sociales (l’ethnologie du mouvement par exemple) en passant par des aspects biomécaniques, ou encore la neurobiologie…
Parmi le matériel utilisé par l’unité, citons en particulier le microscope électronique (modèle Morgagni de Philips), acquis en 2001. C’est le deuxième, installé en Europe, dans cette gamme. Il sera, dans l’année, complété par un système de caméra numérique.

J. Silvy