Avril 2003 - n°77

UMR 6116
Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie


L’activité générale de l’unité 6116 consiste à appréhender les différents aspects des écosystèmes méditerranéens continentaux, à la fois dans leur histoire (paléoécologie), dans leur présentation au sein du paysage, dans des aspects fonctionnels, sous un angle génétique, mais aussi dans les stratégies de conservation des espèces de ces écosystèmes.

Installée sur le campus de la faculté de Saint Jérôme et, depuis octobre 2003, sur le site de L’Europole de l’Arbois, entre Aix et Marseille, l’UMR 6116 se compose d’une cinquantaine de chercheurs et enseignants chercheurs ainsi que d’une quinzaine d’ingénieurs et de techniciens regroupées sur 3200 m2. L’ unité, qui porte son nom actuel depuis 1985, est dirigée par Gilles Bonin et est intégrée à l’IFR 112 : Pole Méditerranéen des Sciences de l’Environnement(PMSE). Elle se répartit en trois équipes principales dont les deux premières sont subdivisées en trois sous-équipes.

Dynamique spatio-temporelle des systèmes écologiques.

Cette équipe, placée sous la responsabilité de Marcel Barbero, s’articule autour de trois thématiques différentes :

Paléoenvironnement et paléoclimat.
A l’aide de différents paléoindicateurs tels que des restes végétaux, des pollens des insectes et des charbons sub-fossiles, cette équipe, menée par Jacques-Louis de Beaulieu, reconstitue le passé d’un écosystème, principalement dans les zones humides, à partir de carottage. “ Nos chercheurs reconstruisent les paléopaysages, en utilisant divers marqueurs (insectes, pollen, charbons…), pour aboutir à des reconstructions climatiques quantifiées (d’une manière générale par référence à des groupements analogues actuels représentatifs du plus grand nombre possibles de climats ). La reconstitution concerne le paysage ancien sur 10 000 ans avec quelques incursions à quelques centaines de milliers d’années” déclare Jacques-Louis de Beaulieu. Un travail sur les lacs de cratères du massif central a permis d’observer, au cours des 400 derniers milliers d’années, une succession de cinq grands cycles climatiques marqués par le passage de périodes froides où la végétation était très pauvre (de type toundra-steppe) à des paysages forestiers, à travers l’évolution des assemblages polliniques.

“ Nous essayons d’utiliser cette dynamique dans le passé pour trouver des situations analogues à celles que nous connaissons actuellement. Par exemple, nous tentons d’explorer des périodes chaudes du passé dans lesquelles il existait des situations où le taux d’oxyde de carbone dans l’atmosphère était supérieur à celui d’aujourd’hui. Tout cela dans un but prospectif puisque l’on prévoir un fort accroissement du C02 atmosphérique lié à la société industrielle ” déclare Jacques-Louis de Beaulieu.
Ces études permettent de mieux comprendre la dynamique des systèmes forestiers et les potentialités des espèces actuelles. Les espèces forestières ont voyagé spatialement au cours du temps induisant des brassages génétiques et des compétitions entre espèces. Par exemple, le charme qui est supposé inféodé à des climats continentaux, a accepté dans le passé le climat océanique, car les conditions de compétition étaient différentes. Pour des périodes plus récentes, les chercheurs peuvent déterminer de quelle manière les espèces tempérées ont colonisé le nord de l’Europe (chronologie) à partir de leurs refuges glaciaires méridionaux depuis la fin de la dernière glaciation.
Une collaboration avec des généticiens des populations est actuellement réalisée pour construire des modèles de dynamique des populations à l’échelle du continent européen.

Dendroécologie - Dendroclimatologie
Dirigés par Jean-Louis Edouard, les chercheurs de cette équipe s’intéressent à la croissance de l’arbre. Ils observent les anneaux de croissance (cernes) de chaque arbre et relient cette croissance à des facteurs extérieurs tels que les variations climatiques ou diverses perturbations. Ils se placent dans un passé récent mais peuvent remonter le temps grâce à des observations réalisées sur des arbres morts (charpentes, arbres fossilisés enfouis dans les marais, en montagne). Ces scientifiques ont mis en évidence les paramètres qui déterminent les conditions de croissance de l’arbre (avec force détails en relation avec la saisonnalité par exemple). Il est possible d’extrapoler dans le passé pour reconstituer les climats en mettant en corrélation des variables climatiques avec les variables de croissance de l’arbre par des méthodes statistiques. Ce qui sous-entend une étude sur de nombreuses espèces avec une couverture spatiale importante.
L’équipe vient de terminer le contrat européen FORMAT, dont l’objectif est d’utiliser les modèles de croissance forcés par le climat avec une visée prospective, dans l’hypothèse d’un doublement de CO2 dans l’atmosphère d’ici une cinquantaine d’années.

Ecologie du paysage
L’axe principal de recherche de cette équipe consiste à suivre l’évolution des paysages (donc de la couverture végétale) en relation avec des facteurs extérieurs, notamment l’impact des activités humaines. Dirigée par Thierry Tatoni, l’équipe a mis au point une série de méthodologies qui prévoient l’évolution du paysage. Compte tenu de la fragmentation, la diversité des paysages, de leurs adaptations aux circonstances socio-économiques … , le but est de déterminer les relations entre les différents compartiments d’un paysage et de voir à partir de ces observations scientifiques comment les adapter pour réaliser une politique de gestion de l’espace respectueuse à la fois de la biodiversité et des aspirations des habitats. Les recherches abordent aussi l’aspect lié à la disparition et au renouvellement d’espèces (la biodiversité d’une manière générale). L’accent est donc mis sur les espèces en voie de disparition, notamment sur les messicoles (en voie de disparition à cause des engrais et pesticides…, ces espèces poussent dans les champs de céréales et présente l’avantage de stimuler la germination de certaines céréales) et sur l’écologie de la conservation.

Processus fonctionnels des écosystèmes

Dirigée par Gilles Bonin, directeur de l’UMR, cette équipe se subdivise en trois groupes:

Ecologie microbienne
Le but est de suivre l’action de bactéries (Bacillus cereus, Bacillus pumilis…) et de champignons (geme marasmus, trametes, collybia…) au niveau de la feuille ou de sa dégradation dans la litière du sol. Les feuilles de quelques végétaux produisent des substances secondaires (huiles essentielles par exemple). Cette équipe, sous la direction de Gabrielle Vogt, a mis en évidence que les bactéries s’attaquent à ces molécules par un système de réaction enzymatique et les transforment. Les recherches concernent également l’action que peuvent avoir ces bactéries au niveau du sol pour la transformation de la litière ou de la matière organique déposée sur le sol par des processus biochimiques.
Cette équipe et la suivante étudient aussi le rôle des bactéries lors d’apport de compost et de boue dans les sols des écosystèmes forestiers ou des agrosystèmes, c’est-à-dire leur rôle dans la transformation et le recyclage de ces boues en milieu naturel.

Processus fonctionnels dans les écosystèmes méditerranéens
Dirigés par Gilles Bonin, les chercheurs de cette équipe se focalisent sur des travaux concernant les flux chimiques dans les écosystèmes naturels méditerranéens. Le premier axe de recherche porte sur les flux de bioéléments entre le compartiment sol et les végétaux d’un point de vue chimique et biochimique.
L’équipe étudie le comportement des différentes espèces végétales par rapport à leur nutrition minérale en milieu naturel essentiellement (quelques situations particulières en milieu agricole sont abordées) en mettant en évidence les conséquences sur la compétition entre les espèces et sur la dynamique de la couverture végétale. Cela concerne plus particulièrement des situations de garrigue et de forêts méditerranéennes.
Chaque espèce possède sa propre stratégie. Alors que certaines sont en compétition pour certains bioéléments, d’autres sont complémentaires. Le but des recherches est de déterminer les facteurs qui sont susceptibles d’interférer avec la nutrition minérale. En suivant des perturbations (débroussaillement lié à un incendie, qui a des conséquences sur le régime nutritionnel des végétaux non touchés), les scientifiques ont montré qu’un retour à l’état initial de la couverture végétale induit un retour au régime de nutrition originel.

Le second axe de recherche concerne la communication chimique, qui s’effectue grâce à des métabolites secondaires produits par les végétaux (huiles essentielles, molécules dissoutes dans l’eau, composés organiques volatils). Ces différentes molécules jouent un rôle dans la communication entre les végétaux ou entre les végétaux et les animaux. Ces messages chimiques induisent des régulations de la dynamique de certaines populations végétales ou des mécanismes de compétition entre certaines espèces (ces molécules sont susceptibles d’inhiber d’autres espèces).
Le troisième axe de recherche concerne l’émission dans l’air de composés organiques volatils (COV). Cette étude fait actuellement l’objet d’un programme de recherche avec le ministère de l’agriculture pour déterminer le rôle des COV dans la couverture végétale méditerranéenne actuelle. L’accent est mis sur les terpènes qui sont très inflammables. On suppose aussi que l’émission des terpènes par la couverture végétale aurait une influence sur la concentration en ozone. Ce dernier travail est effectué en relation avec Airmarex et Airfobep, deux associations qui suivent la pollution de l’air.

Ecologie des perturbations
L’objectif principal de ce groupe, dirigé par Arlette Cazaubol, est de suivre les impacts des perturbations (pollution chimique, activités humaines…) à la fois sur la couverture végétale terrestre et sur certaines populations animales, mais aussi en milieu aquatique continental. Pour les cours d’eau, les recherches portent sur le développement envahissant de certaines algues. Liées en partie à l’activité humaine, les perturbations favorisent le développement des algues en éliminant certaines d’entre elles et en modifiant l’équilibre écologique du milieu. L’équipe s’intéresse aussi aux micro-organismes planctoniques adaptés à des eaux très polluées, notamment par l’arsenic. Une étude est en cours sur quelques algues unicellulaires qui ont su s’adapter aux conditions toxiques d’une source très chargée en arsenic située près d’Ales.

Biodiversité génétique et écologie évolutive des milieux

Par le biais de la génétique des populations, cette équipe, menée par Chain Raffi, tente d’identifier les variations spatiales du patrimoine génétique, au sein d’une espèce ou d’un groupe d’espèces. Existe-t-il des différenciations en fonction du milieu, ce qui sous-entendrait une relation entre génétique évolutive et écologie ? L’étude porte sur les chênes méditerranéens, les pins noirs et les frênes à fleurs dont la sexualité est spéciale. En effet, il y a chez ces derniers coexistence d’individus hermaphrodites et d’individus mâles mais absence d’individus femelles. Les chercheurs se penchent sur l’origine de cette sexualité spéciale.Pour mener à bien leurs travaux, les équipes du laboratoire disposent d’une large gamme de matériel : spectromètre d’absorption atomique, chromatographe gaz, HPLC, microdensitomètre (pour la dendrologie), outils de microscopie classiques, un appareil pour mesurer la fluorescence de la chlorophylle des feuilles (LICOR)…
Un nouveau chromatographe ionique vient d’être mis en service dans le laboratoire, suivi dans l’année par un autre chromato gaz.

Soulignons que L’UMR 6116 a collaboré et collabore encore avec la région, le département, divers laboratoires du CNRS et de l’INRA, l’ADEME, l’ANDRA, le Ministère de l’Environnement, de nombreux laboratoires européens (dans le cadre de programmes financés par le 5ème PCRD), et collabore aussi avec l’industrie, notamment avec Chanel pour le suivi de végétaux productifs d’huiles essentielles et avec l’industrie de la pâte à papier (contrat pour le blanchiment de la pâte à papier et la dépollution).

J.Silvy

Contact :
Gilles Bonin