Mars 2004 - n°86

Le Laboratoire de Pharmacocinétique et de Toxicologie Cliniques du Havre

Le Dr GOULLE et le Dr LACROIX se partagent la direction du Laboratoire de Pharmacocinétique et de Toxicologie Cliniques, implanté au sein de l’Hôpital Jacques Monod, au Havre (76). A tour de rôle, tous les cinq ans, ils se transmettent en effet la fonction de chef de service !

Et ce n’est pas, de loin, la seule originalité de ce laboratoire hospitalier. Car, au-delà de la remarquable progression de ses activités, vous serez certainement surpris par la grande diversité des analyses qu’il réalise et l’étendue de son expertise, au service de l’hôpital comme des industriels… D’autant plus qu’au savoir-faire de son équipe, s’associe la performance d’un parc instrumental régulièrement enrichi de nouveaux équipements…
Gros plan !

Depuis 1932…

“ Les prémices de la pharmacocinétique remontent à la fin des années 70, avec les débuts de l’HPLC appliquée au dosage des médicaments ”, nous confie le Dr LACROIX.
“ Notre Laboratoire trouve quant à lui ses origines en 1932 quand a été créé le premier laboratoire de Chimie Biologie au Havre ”, précise le Dr GOULLE. Ce laboratoire, fondé au sein de l’Hôpital Flaubert, a connu une croissance régulière de ses activités, jusqu’à les dédoubler en 1986 pour les développer sur le nouveau site hospitalier, inauguré alors en périphérie du Havre : l’Hôpital Jacques Monod. “ C’est à cette époque également (1985-1987) que sont initiées les premières analyses de toxicologie par spectrométrie de masse à Trappe d’Ions… ”, ajoute M. GOULLE.

Composé aujourd’hui de 9 sites spécialisés, répartis dans toute la ville, le Groupe Hospitalier du Havre constitue en France le plus important établissement de santé non universitaire. Sa stratégie de développement s’est profondément modifiée ces dernières années, privilégiant désormais le regroupement de ses activités sur le site Jacques Monod.
“ Biochimie, microbiologie, hématologie, virologie, anatomie et cytologie pathologique… : tous les laboratoires, dédoublés il y a près de 20 ans, ont été réunifiés en 1998 ”, nous explique M. LACROIX. “ C’est dans ce cadre, lors du regroupement des deux équipes de Biochimie au sein de l’Hôpital J. Monod, que nous avons présenté le projet d’individualiser nos activités pharmaco-toxicologiques en créant notre propre laboratoire… ”

Le Conseil d’Administration et la CME (Commission Médicale d’Etablissement) donnent leur accord : le Laboratoire de Pharmacocinétique et de Toxicologie voit le jour !
100 personnes collaborent aujourd’hui au sein des différents laboratoires de l’Hôpital Jacques Monod. L’effectif de l’Unité de Pharmacocinétique et de Toxicologie Cliniques a cependant peu évolué depuis sa création en 1998. Il se compose désormais de 11 personnes, contre 8 il y a 6 ans. Les activités de l’Unité, développées 24h/24, ont en revanche enregistré une très forte progression, avec un nombre d’analyses triplé depuis 1998 !

Des activités développées bien au-delà de l’Hôpital Jacques Monod

Quatre champs d’activités se distinguent aujourd’hui dans le cadre du Laboratoire dirigé par M. GOULLE et M. LACROIX.
“ En tant que laboratoire hospitalier, tout d’abord, nous exerçons pour le compte de l’Hôpital Jacques Monod pour toute demande propre à la pharmacocinétique ou à la toxicologie : suivi et surveillance de traitement, recherche d’intoxications, analyses dans le domaine des métaux. Cette activité concerne aujourd’hui environ 18 % de nos investigations… ”

Second champ d’intervention, les analyses sollicitées par d’autres centres hospitaliers, français et étrangers (Europe, Etats-Unis, Australie…), représentent le plus important pôle d’activités du Laboratoire Pharmaco-Toxicologique (45 % de ses prestations).

M. LACROIX et M. GOULLE sont par ailleurs experts auprès de Cour d’Appel de Rouen. Ils réalisent de fait très régulièrement, dans un cadre judiciaire, tout un panel d’examens tels que les dosages d’alcoolémie médico-légale, la recherche de stupéfiants et la toxicologie (environ 12% de l’activité globale du Laboratoire). Le Dr LACROIX et le Dr GOULLE s’imposent sur toute la Normandie comme les deux seuls experts mandatés pour le dosage de stupéfiants dans le cadre de la circulation routière.

Quatrième secteur, en pleine croissance aujourd’hui, les protocoles développés pour l’Industrie représentent plus d’un quart de l’activité totale du Laboratoire havrais. Citons par exemple le contrat signé il y a trois ans avec le groupe WYETH pour assurer le suivi thérapeutique et le dosage par LC/MS d’un immunosuppresseur (Sirolimus). Le Laboratoire réalisait jusqu’à 50 analyses par jour lorsqu’il était en charge du suivi thérapeutique de ce médicament. Il effectue toujours aujourd’hui une dizaine de dosages quotidiennement…
L’équipe de M. GOULLE et de M. LACROIX est parfois la seule en France à répondre aux demandes spécialisées de l’industrie pharmaceutique pour le dosage de médicaments : “ tel est le cas notamment pour le dosage de la metformine (Glucophage®), utilisé comme hypoglycémiant ”, nous confie M. LACROIX.

Précisons également que le Laboratoire de Pharmacologie et de Toxicologie Cliniques de l’Hôpital Jacques Monod participe aux Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique. C’est notamment grâce à l’un d’eux, centré sur les stupéfiants dans le sang, qu’il a pu bénéficier d’une dotation du Ministère et acquérir un nouvel équipement de spectrométrie de masse.
“ Un nouveau programme de recherche clinique va débuter incessamment sous peu, avec le CHU de Rouen ”, souligne M. GOULLE. “ Il portera sur l’étude par ICP/MS de certains métaux lourds qui pourraient être à l’origine de la sclérodermie… ”

Quatre secteurs d’analyses hautement performants

Les installations du Laboratoire de Pharmacologie et de Toxicologie Cliniques de l’Hôpital Jacques Monod s’organisent autour de quatre secteurs analytiques.

Le premier d’entre eux est dédié à la chromatographie en phase liquide. Deux équipements HPLC à barrettes de diode, un LC/MS et quatre HPLC à détection UV, fluorimétrique et électrochimique y sont opérationnels. Depuis janvier dernier, un nouvel appareil LC/MS/MS est venu compléter le parc instrumental de l’Unité.
“ Cet équipement a fait l’objet d’un projet commun avec le service Biochimie de l’Hôpital ”, remarque M. GOULLE. “ Utilisé par notre équipe Toxicologie, il opère aussi pour le compte de la Biochimie, notamment pour le dosage des acides aminés, acyl-cartinines… ”

Une autre pièce est entièrement réservée aux automates. Trois systèmes sont affectés aux différentes analyses de routine réalisées par techniques immunoenzymatiques : recherche de stupéfiants (cocaïne, opiacés, amphétamines, canabis…) et suivi de traitement pour les médicaments les plus courants (antibiotiques, anti-suppresseurs, anti-épileptiques, médicaments à visée cardiaque…).
“ Depuis 1998, nos équipements sont directement connectés en bidirectionnel au dossier des malades ”, précise M. LACROIX.

Autre secteur analytique d’importance, le parc de chromatographie en phase gazeuse du Laboratoire compte un appareil classique doté d’un détecteur FID, un CPG Espace de tête / FID, ainsi que deux GC/MS. Après extraction, hydrolyse et broyage des échantillons, si nécessaire, la GC/MS est tout particulièrement destinée au dosage de stupéfiants dans le sang, les urines ou les cheveux, ainsi qu’aux dépistages toxicologiques.

Enfin, dernier pôle d’analyses du Laboratoire de Pharmaco-toxicologie du Havre, le secteur “ Métaux ” est doté de trois équipements majeurs :
- un spectromètre d’absorption atomique avec flamme pour le dosage d’éléments tels que Lithium, Zinc, Fer… ;
- un spectromètre d’absorption atomique avec Four Graphite pour la quantification de l’Aluminium, de l’Arsenic, du Strontium, Plomb, Cuivre… : “ celui-là même qui a été utilisé en février 2001 pour doser l’arsenic à partir de 5 mèches de Napoléon 1er! ”, souligne M. GOULLE.
- un ICP/MS, le premier instrument de ce type à avoir équipé un laboratoire hospitalier en Haute-Normandie !

“ Nous avons bénéficié pour cette acquisition d’un financement à hauteur de 50 % par le Conseil Régional de Haute-Normandie et l’Association Régionale pour la Fondation Charles Nicolle ”, tient à préciser M. LACROIX. “ L’appareil permet l’analyse simultanée d’un grand nombre de paramètres : 24 métaux dans le sang total, 27 dans le plasma et 29 dans les urines… ”
“ Nos limites, aujourd’hui, sont liées à la taille de nos effectifs ”, constate M. GOULLE. “ Aussi, pour continuer à assurer la croissance de nos services, nous devons nous intéresser très précisément à l’automatisation des postes ”.

Les objectifs du Laboratoire en matière d’investissements matériels portent désormais, à moyen et long termes, sur la préparation automatique des échantillons et l’acquisition de deux nouveaux équipements analytiques : un GC couplé à la spectrométrie de masse ainsi qu’un GC/MS/MS…

Multipliées par trois depuis cinq ans, les activités du Laboratoire de Pharmaco-Toxicologie de l’Hôpital Jacques Monod pourront sans nul doute poursuivre leur développement, “ avec la volonté de s’ouvrir encore davantage à l’Industrie ”, conclut M. LACROIX.

S. DENIS