Mars 2006 - n°108

NanoFIB : un nouvel instrument pour la nanofabrication
Le CNRS signe un accord de licence avec la société RAITH GmbH

Le CNRS a concédé à la société RAITH GmBH une licence exclusive d’exploitation de son brevet « NanoFIB ». Mis en œuvre au Laboratoire de Photonique et de Nanostructures (LPN), ce nouvel outil de nanofabrication permet la structuration de matière à des échelles de quelques nanomètres, à l’aide d’un faisceau d’ions focalisé (Focused Ion Beams – FIB). Un axe de recherche au cœur des nanosciences, à l’interface de la biologie, de la chimie et de la physique…

Le LPN, un très large spectre de compétences

Le LPN (Laboratoire de Photonique et de Nanostructures) est une unité propre du CNRS, rattachée aux deux Départements SPM (Sciences Physiques et Mathématique) et STIC (Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication).

« Le LPN est né de la fusion du L2M (CNRS Bagneux) et d’une partie du CNET, quand Alcatel a décidé de se séparer de ses activités « Composants » », nous confie M. Jean-Yves MARZIN, directeur du Laboratoire de Photonique et de Nanostructures.

Depuis sa création, le LPN est resté très étroitement lié à Alcatel, et travaille sur le site même du Groupe, à Marcoussis (91), où il bénéficie des infrastructures et des moyens les plus modernes pour développer ses activités de recherche.

Précisons que le LPN s’est vu confier un rôle national de Centrale de Technologie sur la thématique des« semiconducteurs, nanostructures et analyses ». Une fonction, qui comme sa mission principale, s’appuie sur un large spectre de compétences réunies au sein du Laboratoire.

Des nanosciences fondamentales aux plus appliquées dans le domaine des télécoms, le LPN forme en effet un ensemble pluridisciplinaire, situé au carrefour de l’optique et de l’électronique quantique, de la physique, de la chimie, de la biologie, de la physique des matériaux et des dispositifs.

« Nos thématiques de recherche illustrent la fécondation croisée entre recherche et technologie », explique M. MARZIN. « Le LPN est présent sur toute la chaîne de l’innovation, de la recherche sur de nouveaux concepts créateurs de nouvelles fonctionnalités et sur de nouveaux matériaux et technologies, à leur mise enœuvre et à la démonstration de faisabilité de nouveaux composants. »

Les travaux du LPN ouvrent ainsi un large champ de retombées potentielles dans les domaines du traitement quantique de l’information, des communications optiques, du traitement tout optique du signal, du stockage à haute densité de l’information, ou dans celui de la microfluidique couplée à l’utilisation de nanostructures, domaine à l’interface de la physique, de la chimie et de la biologie…

A l’origine du projet NanoFIB…

A l’origine du projet NanoFIB, un objectif s’imposait : celui de travailler à des échelles du nanomètre, c’est-à-dire celles des constituants de la matière. « Un besoin fort existe en effet de développer des outils capables d’explorer à ce niveau de résolution », précise M. Jacques GIERAK, responsable du projet NanoFIB au sein du LPN.

Deux grandes approches prédominent dans le domaine des nanotechnologies. La première, qualifiée de Top-Down, repose en grande partie sur la technique de lithographie par faisceau d’électrons (dépôts métalliques ou attaques chimiques) permettant de miniaturiser des dispositifs existants. Une approche inverse, qualifiée de Bottom-up, consisteà assembler (ou à faire s’auto assembler) des motifs atomiques ou molécules afin de constituer des objets nanométriques.

« Le principe du générateur FIB (Focused Ion Beam), est de délivrer un pinceau de particules focalisé qui va interagir avec une cible de manière plus localisée qu’un faisceau d’électrons, et permettre dans ce cas d’effectuer une structuration directe du matériau cible sous l’impact d’un faisceau d’ions métalliques », ajoute M. GIERAK.« Ainsi, la technologie FIB couplée à la microscopie électronique (FIB + SEM) est principalement employée dans l’industrie des semi-conducteurs pour la détection de défauts ou les contrôles métrologiquesà l’échelle d’une fraction de micromètre. La résolution en gravure des appareils FIB commercialisés jusqu’alors atteignait quelques dizaines de nm, mais aucun ne pouvait obtenir mieux… »

Dans le cadre du projet NanoFIB, l’objectif était donc de travailler sur les faisceaux d’ions focalisés et les sources d’ions Galium (Ga+) afin de mettre au point un équipement compatible à l’échelle nanométrique. Un type d’applicationétait tout particulièrement visé : la nanofabrication.

Spécialiste du sujet, le LPN s’est forgé dans ce domaine une expertise sur troiséléments clés :
=> le développement des sources d’ions basées sur le principe des sources d’ionsà métal liquide ;
=> l’ingénierie des systèmes d’optique ionique et de l’instrumentation associée ;
=> l’exploration du potentiel des applications de la technologie FIB en nanofabrication.

« Les bases du système ont été développées au sein de notre Laboratoire depuis plus de 20 ans », souligne Jean-Yves MARZIN. Le premier prototype dont la conception a débuté dès 1998, a été réalisé en quasi-totalité sur les moyens du laboratoire et à partir de l’expertise du LPN. En 2001, le projet NanoFIB a été officiellement lancé dans le cadre du 5ème programme Cadre. Dix équipes - françaises, allemandes, néerlandaises, britanniques et tchèques - ont participé à ce programme européen sur une durée de trois ans…

Un succès scientifique, en passe de devenir une réussite commerciale…

NanoFIB est aujourd’hui assurément un succès. « La géométrie des sources d’ions a été améliorée. La durée de vie de la source est désormais supérieure à deux ans. L’appareil mis au point est capable de faire des traits de 6 à 8 nm et des trous de 3 nm dans des membranes minces », assure M. GIERAK.

Les domaines d’application sont vastes : de l’implantation et la gravure ioniques, l’épitaxie (croissance de systèmes cristallins sur un échantillon), à la création de défauts de surfaces artificiels – surfaces fonctionnalisées, le dépôt d’agrégats – perspective de l’auto-organisation, jusqu’à la sculpture de membranes minces par FIB, le perçage et la sculpture des nanotrous…

Véritable réussite scientifique et technologique, le NanoFIB est en voie de devenir un succès commercial. La signature d’un contrat de licence exclusive d’exploitation du brevet CNRS à la société RAITH GmbH est une nouvelle étape dans l’exploitation de ce remarquable outil.

Le 27 octobre dernier, une cérémonie officielle a été organisée afin de célébrer ce transfert de compétences vers la société RAITH GmbH. Au programme de la journée : la visite de la salle blanche et la présentation du prototype « NanoFIB », ainsi que les interventions de M. GIERAK et de M. MARZIN, suivies de celles de M. Alain FONTAINE, Directeur Scientifique adjoint pour la physique de la matière condensée au Département SPM/ CNRS, de M. Ralf JEDE, société RAITH GmbH, et de M. Heico FRIMA, Program officer de l’unité NMP de la Commission Européenne.

« La volonté, les compétences et la ténacité de Jacques GIERAK sont pour beaucoup dans la réussite de ce projet », tient à souligner M. MARZIN. « Au delà, ce succès est également le fruit du soutien des responsables européens pour le développement de l’instrumentation, ainsi que de nombreux partenariats académiques et industriels qui ont associé les meilleurs spécialistes… »

Outre des retombées importantes en nanosciences et nanotechnologies, le transfert de compétences vers la société RAITH GmbH reposera d’ailleurs toujoursétroitement sur l’expertise de nombreuses PME françaises qui ont soutenu et accompagné le projet NanoFIB. Un projet retenu comme Success Story par l’Union Européenne !

S. DENIS