Juin 2006 - n°111

L’Unité de Biochimie Structurale de l’Institut Pasteur, lauréate du « Prix Georges, Jacques et Elias CANETTI »

L’Unité de Biochimie structurale de l’Institut Pasteur (URA CNRS 2185), dirigée par le Pr Pedro ALZARI, travaille activement à la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques contre la tuberculose. Elle s’est vu attribuer fin mars 2006 le « Prix Georges, Jacques et Elias Canetti », à l’occasion de la Journée Mondiale de la Tuberculose. Gros plan !

Le « Prix Georges, Jacques et Elias Canetti »

Remis pour la première fois cette année, le « Prix Georges, Jacques et Elias Canetti » soutiendra pendant cinq ans les efforts de chercheurs pasteuriens dans le domaine de la tuberculose. Ce Prix, fruit de la donation à l’Institut Pasteur des correspondances entre Georges, Elias et Véza CANETTI entre 1937 et 1952, a été créé en hommage aux travaux du Professeur Georges CANETTI et en souvenir du destin exceptionnel des trois frères, chacun ayant à leur manière marqué le 20ème siècle par leur apport à la littérature, la culture et à la science.

Né en 1911 en Bulgarie, et après avoir vécu en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Suisse, Georges CANETTI a débuté sa médecine à Vienne, puis est venu s’installer en France en 1931 pour entrer à l’Institut Pasteur cinq ans plus tard. Dès lors, il gravit au sein de l’Institut tous les échelons, jusqu’à celui de professeur et vice-président du conseil d’administration. Atteint lui-même de tuberculose, il consacre entièrement son œuvre de chercheur à cette maladie, depuis sa thèse de doctorat en médecine en 1939, à la mise au point en 1960 d’une méthode d’antibiogramme toujours utilisée aujourd’hui, et l’établissement de la base rationnelle du traitement de la tuberculose. En 1962, par ailleurs, il crée, avec Jean THIBIER, le Centre français d’études sur la résistance primaire en tuberculose dont il devient le directeur.

Lauréat de l’Académie nationale de médecine pour le prix Péan en 1940, et le prix Ricaux en 1947, Chevalier de la Légion d’honneur en 1954, il exerça aussi d’importantes responsabilités au sein du Comité nationale de défense contre la tuberculose, de l’Union internationale contre la tuberculose et de l’Organisation Mondiale de la Santé…

La tuberculose, 2ème maladie infectieuse au monde, après le sida…

La tuberculose figure parmi les plus anciennes maladies infectieuses. Avec un tiers de la population de la planète contaminé par son agent Mycobacterium tuberculosis, et un décès dans le monde toutes les 15 secondes dû au bacille tuberculeux, il est fort probable que plus de 30 millions d’individus mourront de la maladie dans la décennie à venir. De par le nombre de nouveaux cas - environ 6 000 en France et 8,5 millions dans le monde, chaque année -, la tuberculose est la seconde maladie infectieuse au monde, après le sida.

Le traitement existant actuellement contre cette infection est ancien, puisqu’il date des années 60. Basé sur une association de quatre antibiotiques, il doit être administré très longtemps (6 mois), et reste relativement inefficace selon les critères de l’industrie pharmaceutique de nos jours. De nombreuses souches multirésistantes sont en outre apparues au cours des 15 dernières années en raison de la combinaison des pandémies de tuberculose et de sida et de l’expansion de la pauvreté. Des multirésistances préoccupantes qui risquent de mettre en échec le traitement dans plusieurs régions du monde.

Pour toutes ces raisons, il est crucial de trouver aujourd’hui de nouveaux antibiotiques afin de lutter contre l’infection. Les recherches menées par l’équipe du Pr Pedro ALZARI, Unité de Biochimie Structurale de l’Institut Pasteur, visent précisément à identifier et à caractériser de nouvelles cibles thérapeutiques chez le bacille de la tuberculose, pour permettre ainsi la conception de nouveaux antibiotiques spécifiques contre la maladie.

Deux approches développées par l’Unité du Pr ALZARI

L’Unité de Biologie Structurale, sous la direction du Pr Pedro ALZARI, réunit une vingtaine de personnes sur le campus parisien de l’Institut Pasteur. Ses recherches dans le domaine de la lutte contre la tuberculose sont développées selon deux grandes lignes directrices.

La première approche a pour objectif d’étudier la structure de protéines dont la fonction est essentielle pour la viabilité du bacille de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis). L’équipe de Pedro ALZARI a ainsi pu déterminer la structure 3D de deux cibles importantes dont le blocage aurait un effet létal sur la bactérie. C’est grâce à des techniques de cristallographie par rayons X, associées à d’autres techniques biochimiques et biophysiques, que des structures 3D de ces cibles et leurs modes d’action ont pu être définies. Elles permettent désormais aux chercheurs de faire du « design moléculaire » pour trouver des inhibiteurs de ces protéines-clés de la bactérie, et donc des antibiotiques potentiels.

La seconde approche vise à travailler sur un grand nombre de protéines de fonction inconnue, issues de l’analyse génomique. Elle est rendue possible grâce à une large automatisation des techniques. A partir d’environ 400 gènes de M. tuberculosis, quelque 150 protéines ont ainsi pu être obtenues par l’équipe et la structure 3D d’une quinzaine d’entre elles a été caractérisée à ce jour. Les chercheurs étudient désormais leurs fonctions afin d’identifier celles qui seraient les meilleures cibles thérapeutiques.

Cette vaste étude de « génomique structurale » a pu être menée grâce à un programme du Réseau National des Génopoles : il a notamment permis de mettre sur pied à l’Institut Pasteur des plates-formes techniques pour la production de protéines recombinantes et la cristallogenèse de protéines à haut débit.

De larges collaborations…

Notez que les recherches menées par Pedro ALZARI font partie du Grand Programme Horizontal « Tuberculose » auquel 14 laboratoires de l’Institut Pasteur participent depuis 2003. Elles sont également développées dans le cadre de deux programmes européens : « New medicines for tuberculosis », coordonné à l’Institut Pasteur par le Pr Stewart Cole, et « Structural proteomics in Europe », coordonné à l’Université d’Oxford par le Pr Dave Stuart.

Actuellement, grâce à des moyens financiers publics et privés, de nouvelles approches ont ainsi été mises en route, visant à identifier et valider de nouvelles cibles pour l’élaboration de médicaments antituberculeux. L’Institut Pasteur et la Commission Européenne (EC) ont en particulier récemment annoncé le lancement d’un nouveau projet du 6ème Programme Cadre, financé à hauteur de 11 millions d’euros, dont le but est de développer, grâce à une approche intégrée, de nouveaux traitements, plus efficaces et plus rapides.

Le Professeur Stewart Cole dirigera ainsi le programme de découverte médicamenteuse “New Medicines for Tuberculosis” (NM4TB), associant les meilleurs chercheurs académiques à la société pharmaceutique Astra-Zeneca ainsi qu’à trois PME, tous engagés dans la voie de la recherche de nouveaux agents anti-infectieux. Un ensemble complet de cibles, potentielles et validées, ainsi que plusieurs molécules prometteuses sont d’ores et déjà issus du projet NM4TB…

SD